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7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis
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DJALAL AL-DIN RUMI
Contes Soufis
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INTRODUCTION
Grce aux ouvrages dj parus et aux visites rgulires
des confrries de derviches tourneurs, Mawland Djaldl
al-Din Rm nest plus un inconnu pour le public
franais. Il est mme devenu, pour qui sintresse au
sujet, une figure familire de la littrature musulmane.La richesse du catalogue des uvres traduites
ne
cessant de saccrotre, les travaux universitaires se succ-
dant, on peut dsormais disposer dun vaste panorama de
cette littrature. Toutefois, les civilisations orientale
et
occidentale nabordent pas de la mme manire ce qui
touche la religion,
la sagesse ou la connaissance.
Cest pourquoi il est souvent difficile pour le lecteuroccidental de situer les grands potes de lIslam. Ne sont-
ils que des potes
?
Ne sont-ils pas aussi des mystiques ?
Leurs uvres ont-elles un sens sotrique ? Toutes ques-
tions qui sappliquent videmment aux ouvrages de
Mawland Djalal al-Din Rm, qui peut apparatre dans
un
mme texte comme
un
pote,
un
mystique et
un
sage.
Cette diversit des angles dapproche de la littrature
soufie fait clairement comprendre que le soufisme ne
saurait tre rduit une doctrine, si clairement formule
soit-elle. L e soufisme se compose de plusieurs traditions,
sensiblement diffrentes les unes des autres mais qui ont
toutes en commun leur attachement aux principes fonda-
mentaux de lIslam.
Ds le dbut de lIslam, les vies
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8 L e Mesnevi
Si on se rfre des ouvrages comme le Mmorial des
saints
de Farid-uddin Attar, au
Kach-al-Mahdjub
deHudj Wiri ou encore au
Risale
de Kusheyri,
on
constate
que tous datent du xf sicle et quils contiennent tous trois
des hagiographies des premiers soufis. On constate
galement que ces premiers soufis vivaient de manire
asctique et quils taient aussi dtachs des biens de ce
monde quattachs au prophte de lIslam. Enfin , chacun
de ces ouvrages contient une vritable mise en garde
contre la dgnrescence du soufisme. L e but des auteurs
est autant de fixer une tradition que de donner un
exemple.
Cest qu lpoque la traduction des ouvrages des
philosophes grecs et des sages hindous avait engendr
chez les soufis une grande multiplicit de courants de
pense, au dtriment parfois de la certitude originelle.
La
rfrence aux premiers fidles paraissait ainsi nces-
saire pour retrouver
son
chemin dans les mandres des
tendances.
Chacun de ces premiers soufis, initiateur de longues
traditions (don t certaines se perptuent encore), descen-
dait directement du prophte. Cette filiation traditionnelle
ainsi que la relation matre
disciple permettent au fidle
de se rattacher aux origines de lIslam, qui peut alors
sincarner. On voit la diffrence entre cette approche et
celle, plus dsincarne, qui consiste
aborder la religion
par les crits quelle a suscits.
Les confrries (Tarikat) se
sont
donc multiplies. Les
lieux de runions (Tekke ou Zaviga) galement. Se
multiplirent aussi les uvres littraires, les coutumes et
les rites. Cest tout cet hritage qui constitue ce que
nous
appelons le soufisme.
L e soufisme fu t souvent dcri pour son penchant po ur
les arts et tenu lcart par lIslam orthodoxe. Ce fu t le
prtexte dinnombrables querelles et Rm du fait de
limportance quil donnait la musique, f u t certainement
lun des plus critiqus.
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Avant la venue des Mongols, 1Afghanistan daujour-dhui tait le berceau dune riche civilisation et la ville de
Balkh tait, parmi ses cits, lune des plus importantes
par son rayonnement. Bahaeddin Veled, le pre de
Rm,
y
tait considr comme le plus grand savant de
lIslam. On lui attribuait le nom de sultan i Ulema (sultan
des savants). Le sultan de cette contre tait sous
linfluence dun autre savant, Farreddin Razi, qui dfen-dait la cause des philosophes de lIslam. Le pre de
Rm, adversaire irrductible de cette tendance, dcida
alors de quitter le pays et certains prtendirentpar la suite
que Iinvasion des Mongols fut pour le sultan
un
chti-
ment pour navoir pas reconnu le grand savant quabri-
taient les murs de sa cit.
L a petite caravane, form e du matre, de sa famille et
de ses disciples, se rendit dabord
L a Mecque.
Puis
elle
vint sinstaller en Anatolie. Ctait Ipoque du rgne des
sultans Seldjoukides et Bahaeddin Veled comptait y
recevoir un accueil plus favorable. Aprs un bref
sjour
dans la ville de Karaman, la famille de Rm, sur
linvitation du sultan Allaeddin Keykubad, se f i xa dans la
ville de Konya, capitale de lempire seldjoukide. Rmi
tait dj pre de deux enfants.
Bahaeddin Veled trouva la mort deux ans plus tard
mais la brivet de
son
sjour Konya lui avait cependant
permis de sattirer lestime et laffection du sultan, des
nobles et de la population. Les disciples de Bahaeddin
Veled se regrouprent alors autour de son fils Rm i,
dj
considr par tous comme un grand savant.
U n
an
plus tard, Rm reut la visite
dun
ancien
disciple de son pre, Seyyid Burhaneddin. Celui-ci lui
dit
:
< Sans doute es-tu incomparablepar ton savoir mais
ton pre avait quelque chose de plus que toi. Ctait un
homme dans toute son essence et cest cela qui te fa i t
dfaut. >>
Pendant neuf annes, Rm fu t le disciple de Burha-
neddin. Ce fu t pour lui une priode de maturation
et
de
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L e Mesnevi
parachvement et, quand Burhaneddin partit au bout de
neuf ans, il tait devenu un savant unanimement respect.
Mais lapparition dun autre personnage, Shems eddin
Tabrizi, vint bouleverser lexistence de cet austre tholo-
gien. Ce qui se passa entre ces deux hommes, cette
communion, cette extase et cette joie , dfie lexplication et
reste un mystre. La ralit de la chose est pourtant
prouve par les profonds changements quapporta Rmt
dans sa vie et qui transparaissent dans ses uvres. Par la
suite, bien des crivains et des historiens tentrent de
percer ce mystre. Cette priode vcue aux cts de
Shems eddin fut la plus exaltante pour Rm et la
disparition de Shems eddin le laissa dans
un
tat de grand
chagrin et de profonde nostalgie, qui sexprima par
un
jaillissement de pom es.
Plus tard, Rm fit la connaissance
dun
bijoutier,
Salahaddin Zerkoubi.
Un
jour, entendant le
son
des
marteaux qui travaillaient lor dans latelier de
son
ami,
Rm crut entendre une invocation du nom dAllah et,
pris dune grande motion, il se mit
danser au beau
milieu du bazar. Cette danse devint plus tard la danse
rituelle de ses disciples, connus en Europe
sous
le nom de
derviches tourneurs.
Lamiti de Rm pour ce bijoutier inaugura une
nouvelle priode dans sa vie, marque par de multiples
runions de fidles, durant parfois plusieurs jours et
plusieurs nuits daffile, au cours desquelles les larmes
dextase se mlaient
la musique, la posie et
la
danse. Neuf autres annes passrent ainsi, dans la folie
et dans lextase, jusqu la disparition de Salahaddin.
U n
norme recueil de pomes
(Le
Divan de
Shems
i-Tabrizi),
ddi Shems eddin i-Tabrizi, tmoigne de
cette priode.
Rm avait alors coutume de dire que Shems tait le
soleil et que Salahaddin tait la lune grce laquelle,
dans lobscurit, il retrouvait lclat du soleil. Aprs la
disparition de Salahaddin, il rencontra Celebi Husamed-
din.
I1
le nomma successeur
de
Salahaddin et manifesta
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pour lui un attachement empreint du plus profond
respect.
Un
jour,
Celebi dit
Rmi
:
A
son rveil, le sultan fut rempli de joie e t il sinstalla
sa fentre pour attendre le moment o son rve se
raliserait. I1 vit bientt arriver un homme blouissant
comme le soleil dans lombre.
Ctait bien le visage dont il avait rv.
I1
accueillit
ltranger comme un vizir et deux ocans damour se
rejoignirent. L e matre d e maison et son hte dev inrent
amis e t le sultan dit
:
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que ceux de la vsicule. Quand le bois brle, cela se
sent. Et notre mdecin comprit rapidement que ce
ntait pas le corps de la servante qui tait affect mais
son cur.
Mais, quel que soit le moyen par lequel on tente de
dcrire ltat dun amoureux, on se trouve aussi dmuni
quun muet. O ui no tre langue est fort habile faire des
commentaires mais lamour sans commentaires est
encore plus beau. Dans son ambition de dcrire
lamour, la raison se trouve comme un ne, allong de
tou t son long dans la boue. Car le tmoin du soleil, cest
le soleil lui-mme.
L e vieux sage dem and a au sultan de faire sortir tous
Ies occupants du palais, trangers e t amis.
E t, tout en lui posant des questions sur son pass, il
continuait lui t ter le pouls.
Si quelquun sest mis une pine dans le pied, il le
pose sur son genou et tente de lter par tous les
moyens.
Si
une pine dans le pied cause tant de
souffrance, qu e dire dune pine dans le c ur Si une
pine vient se planter sous la queue dun ne , celui-ci se
met
braire en croyant que ses cris vont ter lpine
alors q ue ce quil lui faut, cest un homme intelligent qui
le soulage.
Ainsi, no tre talentueux mdecin prtait grande atten-
tion au pouls de la m alade chacune des questions quil
lui posait. I1 lui dem anda quelles taient les villes o elle
avait sjourn en quittan t son pays, quelles taient les
personnes avec qui elle vivait et prenait ses repas.
Le
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Mesnevi
pouls resta inchang jusquau moment o il mentionna
la ville de Samarcande. I1 constata une soudaine accl-
ration. Les joues d e la malade, qui jusqualors taient
fort ples, se mirent rosir. La servante lui rvla alors
que la cause de ses tourments tait un bijoutier de
Sam arcande qui habitait son quartier lorsquelle avait
s journ dans cette ville.
Le mdecin lui dit alors
:
< Ne tinquite plus, jai compris la raison de ta
maladie et jai ce quil faut pour te gurir. Q ue ton c ur
malade redevienne joyeux Mais ne rvle personne
ton secret, pas mme au sultan. B
Puis il alla rejo indre le sultan, lui exposa la situation
e t lui dit
:
< I1 faut qu e nous fassions venir ce tte personne, qu e
tu linvites personnellement. Nul doute quil ne soit ravi
dune telle invitation, surtout si tu lui fais parvenir en
prsen t de s vtements dcors dor et dargent. B
Le sultan sempressa denvoyer quelques-uns de ses
serviteurs en messagers auprs du bijoutier de Samar-
cande. Lorsquils parvinrent destination, ils allrent
voir e bijoutier e t lui dirent
:
O homme d e talent Ton nom est clbre partou t
E t no tre sultan dsire te confier le poste de bijoutier de
son palais. I1 tenvoie des vtements, de lor et de
Iargent. S i tu v iens, tu seras son protg. B
A la vue des prsents qui lui taient faits, le bijoutier,
sans lombre dune hsitation, prit le chemin du palais,
le c ur rempli de joie. I1 quitta son pays, abandonnant
ses enfants et sa famille, rvant de richesses. Mais lange
d e la mort lui disait
loreille
:
a
Va Peu t-tre crois-tu pouvoir em porter ce don t tu
rves dan s lau-del
>>
A son arrive,
le
bijoutier fut introduit auprs du
sultan. Celui-ci lui fit beaucoup dhonneur et lui confia
la garde d e tous ses trsors. L e vieux mdecin demanda
alors au su ltan dunir le bijoutier la belle servan te afin
qu e le feu de s a nostalgie steigne par le jus d e lunion.
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Durant six mois, le bijoutier et la belle servante
vcurent dans le plaisir et dans la joie. La malade
gurissait e t embellissait chaque jour.
U n jour, le mdecin prpara une dcoction pour que
le bijoutier devienne malade. Et, sous leffet de sa
maladie, ce de rnier perdit toute sa beaut. Ses joues se
ternirent e t le c ur de la belle servante se refroidit son
gard. Son amour pour lui samenuisa ainsi jusqu
disparatre compltement.
Quan d lamour tient aux couleurs ou aux parfums, ce
nest pas de lamour, cest une honte. Ses plus belles
plumes, pour le pao n, sont des ennemies. Le renard qui
va librement pe rd la vie cause de sa queue. Llphant
pe rd la sienne pour un peu divoire.
Le bijoutier disait :
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m oindre bien aux hommes justes et purs. U n jour, ses
aud iteurs lui dirent :
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existe. Et lurine ne pourra pas devenir eau pure sans
changer dattributs.
Laguicheuse
U n jo ur, un soufi rentra chez lui
limproviste. O r, sa
femm e recevait un tranger, tentant de laguicher.
Le soufi frappa
la porte. C e ntait gure dans ses
habitudes dabandonner sa boutique e t de rentrer si tt
la maison, mais, pris dun pressentiment, il avait
dcid de rentrer ce jour-l par surprise. La femme,
elle, tait bien ce rtaine que son mari ne reviendrait pas
de sitt. Dieu met un voile sur tes pchs afin quun jour
tu en aies honte. Mais qui peut dire jusqu quand du re
ce privilge
?
Dans la demeure du soufi, il ny avait dautre issue
qu e la porte principale e t pas d e cachette.
I1
ny avait
mm e pas une couverture sous laquelle ltranger aurait
pu se cacher. En dsespoir de cause, la femme revtit
alors ltranger dun voile pour le dguiser en femme.
Puis elle ouvrit la porte.
Ltranger, dans son dguisement, ressemblait
un
chameau dans un escalier. Le soufi demanda
sa femme
:
>
La femm e rpondit
:
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la dit
:
Quelle soit belle
ou
non, je veux lavoir pour
belle-fille
car elle a un fils incomparable par sa
beau t, son intelligence e t
son
caractre.
P
Le soufi dit a lors
:
a Nous somm es des gens pauvres e t cette femm e est
riche. U n pareil mariage serait comme une porte faite
moiti de bois et moiti divoire. O r, un vtement fait
pour m oiti de so ie e t pour m oiti de drap fait honte
celui qui le porte.
est justem ent ce que je viens de lui expliquer, dit
la fem m e, mais elle ma rpondu quelle ne sintressait
ni aux biens ni la noblesse. Elle na gure lambition
daccumuler des biens dans ce bas monde. Tout ce
quelle souhaite, cest avoir affaire aux honntes gens >
Le soufi invoqua d autres arguments, mais sa femm e
affirma les avoir dj noncs sa visiteuse. A len
croire, cette dame ne prenait pas leur pauvret en
compte , bien que celle-ci ft extrm e. Pour finir, elie dit
son mari :
u
Ce quelle recherche en nous, cest lhonntet. >>
Le soufi dit encore
:
u Ne voit-elle pas notre maison, si petite quon ne
saurait y cacher une aiguille ? E n ce qui concerne notre
dignit e t no tre honnte t, il est impossible de les cacher
car tout le monde est au courant. Elle doit donc deviner
qu e no tre fille na pas de dot >>
Je te raconte cette histoire pour que tu cesses
dargum enter. Car nous connaissons tes activits hon-
teuses. T a croyance et ta foi ressemblent sy mpren-
dre aux discours de cette femme. Tu es un m enteur et un
tratre comme la femme de ce soufi. Tu as honte mm e
auprs des gens qui nont pas le visage propre. Pou rquo i
naurais-tu pas hon te, pour une fois, devant D ieu ?
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L a chaudire de ce m onde
Les
dsirs d e ce m ond e sont comme une chaudire e t les
craintes dici-bas sont comme un hammam. Les hom mes
pieux vivent au-dessus de la chaudire dans le dnue-
ment et dans la joie. Les riches sont ceux qui apportentdes excrm ents pour nourrir le feu d e la chaudire, afin
que le hammam reste bien chaud. Dieu leur a donn
lavidit.
Mais toi, abandonne la chaudire et rentre dans le
hammam . O n reconnat ceux du hammam
leur visage
qu i est pur. Mais la poussire, la fum e et la salet sont
les signes d e ceux qui prfrent la chaudire.
Si
tu ny vois pas assez bien pour les reconnatre
leur
visage, reconnais-les lodeur. Ceux qui travaillent la
chaudire se disent
:
Aujourdhui, jai apport vingt
sacs d e bouse d e vache pou r alimenter la chaudire.
D
Ces excrments alimentent un feu destin lhomme
pur e t lor est comme ces excrments.
Celui qui passe sa vie dans la chaudire ne connat
rien
lodeur du musc. E t sil la sen t, par hasard , il en
devient malade.
Les crottes
U n jo ur , au milieu du m arch aux parfums, un homme
tomba vanoui.
I1
navait plus d e force dans les jambes.
Sa tte tournait, incommod quil tait par lodeur de
lencens brl par les marchands.
Les gens
se
run irent au tour de lui pour lui venir en
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Le Mesnevi
aide . C ertains lui massaient le cur et dautres les bras.
Dautres encore lui versaient de leau de rose sur
le
visage, ignorant que ctait cette mme eau qui lavait
mis dans cet ta t.
Dautres essayaient d e lui enlever ses vtements pour
le fa ire respirer. Dautres lui prenaient le pouls. I1 y en
avait qui diagnostiquaient un abus de boisson, dautres
un excs d e haschisch. Finalement, personne ne trouva
d e remde.O r , le frre d e cet homme tait tanneur. Ds quil eut
appris ce qui arrivait son fr re, il courut au march, en
ramassant sur son chemin toutes les crottes de chien
quil pu t trouver. Arriv su r le lieu du dram e, il fendit la
foule en disant :
Donc, le tanneur, en cachant bien son mdicament,
parvint jusqu
son
frre et , se penchant vers lui comme
pour lui dire un secret loreille, lui posa la main sur le
nez. E n respirant lodeur de cette main, lhomme reprit
aussitt connaissance e t les gens alen tour, souponnant
quelque magie, se dirent :
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La
terre et le sucre
Il y avait un homme qui avait pris lhabitude de m anger
de la terre. Un jour, il rentra dans une picerie pour
ache ter du sucre.
Lpicier, qui tait un malhonnte homme, utilisaitdes morceaux de terre pour peser.
I1
dit
notre
homme :
>
Lautre rpondit :
>
E t en lui-mme, il pensa
:
>
Lpicier se mit donc
dcouper le sucre et lhomme
en profita po ur manger la terre. Lpicier remarqua son
mange mais se garda bien de rien d ire car il pensait :
>
T u prends un grand plaisir
com mettre ladultre par
les yeux, mais tu ne te rends pas compte que, ce faisant,
tu dvores ta propre chair.
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Lor
du
bois
Le
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Un derviche vit un jour en rve une assemble de
matres, tous disciples du prophte Elie. I1 leur
demanda :
Et , linstant mm e, la parole lui fut retire e t son
c ur fu t purifi.
>
O r, il lui restait deux pices dor quil avait cousues
sur son vtement.
I1
se dit
:
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te rre Je tas d e bois quil porta it sur lpaule. Puis, il dit :
a O Seigneur A u nom de tes serviteurs dont tu
exauces les souhaits, transforme ce bois en
or
B
Et ,
linstant mm e, le derviche vit tou tes les bches
briller comme le soleil. Il tomba terre sans connais-
sance.
Qnand il revint lui, le bcheron dit :
u O Seigneur A u nom de ceux qui ternissent ta
renom m e, au nom de ceux qui peinent, transforme cet
o r en b ois
B
Et lor revint ltat de bois. Le bcheron remit le
fagot sur son paule et prit le chemin de la ville. Le
derviche voulut courir derri re lui pour avoir lexplica-
tion de ce m ystre mais son tat dmerveillement ainsi
que sa crainte devant la stature du bcheron len
dissuadrent.
N e fais pas partie de ces sots qui fon t dem i-tour une
fois quils ont acquis lintimit avec le sultan
Le perroquet
Un picier possdait un perroquet dont la voix tait
agrable et le langage amusant. Non seulement il
garda it la bou tique mais il distrayait la clientle de son
verbiage. Car il parlait comm e un tre humain e t savait
chanter ... comme un perroquet.
U n jour , lpicier le laissa dan s la bo utique et sen fut
chez lui. So udain , le chat de lpicier aperut une souris
et se lana brusquement sa poursuite. Le perroquet
eu t si peur quil en perd it la raison. I1 se mit voler de
tous cts e t finit par renverser une bouteille dhuile de
rose.
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Contes
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Le
puits
du
lion
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Les animaux vivaient tous dans la crainte du lion. Les
grandes forts et les vastes prairies leur paraissaient
comme trop petites. Ils se concertrent et allrent
rendre visite au lion.
Ils
lui dirent
:
>
Le lion rpondit :
>
Les animaux
:
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30 Le
Mesnevi
parat une m auvaise chose. Car dormir nest profitable
qu lom bre dun arbre fruitier. Ainsi le vent fait tomberles fruits qui sont ncessaires. Dormir au milieu dun
chemin o passent les bandits est dangereux. La patience
na de valeur quune fois que lon a sem la graine.
B
Les
animaux rpondirent :
* Depuis lternit, des milliers dhommes chouent
dan s leurs en treprises car si une chose nest pas dcide
dans iternit, elle ne peut pas se raliser. Aucune
prcaution nest utile si Dieu na pas donn son accord.
Travailler e t acqurir des biens ne do it pas tre un souci
pour les cratures. s
Ainsi, chacune des parties dveloppa ses ides par
maints argum ents mais, finalement, le renard, la gazelle,
le
lapin et le chacal russirent convaincre le lion.
Donc, chaque jour, un animal se prsentait au lion et
celui-ci navait plus
se proccuper de la chasse. Les
animaux, sans quil soit besoin de les contraindre,
respectaient leur engagement.
Quand vint le tour du lapin, celui-ci se mit se
lam enter. Les au tres animaux lui dirent :
Ainsi le lapin ne se pressa pas pour aller au-devan t du
lion. Pendant ce temps, le lion rugissait, plein dimpa-
tience e t de colre. I1 se disait :
u
Ils mont abus d e leurs promesses Pour les avoir
couts, me voici sur le chemin de la ruine. Me voici
bless par une pe de bois. Mais, compter daujour-
dhui.
je
ne les couterai plus.
>P
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A la nuit tombante, le lapin
se
rendit chez le lion.
Quand il le vit arriver, le lion, sous lemprise de la
colre, tait comme une boule de feu. Sans montrer d e
crain te, le lapin sapprocha de lui, lair amer e t contra-
r i
Car d es manires timides vous font souponner d e
culpabilit.
Le
lion lui dit :
u
Jai dj renvers les bufs e t les lphants. Com-
ment se peut-il quun lapin ose m e nargu er?
>>
Le
lapin lui dit
:
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Le
Mesnevi
L e lion serra donc le lapin contre lui e t regarda dans le
puits. 11 vit son reflet e t celui d u lapin. Prenant
ce
reflet
pour un au tre lion e t un au tre lapin, il laissa le lapin d e
ct e t se jeta dans le puits.
Voici le sort d e ceux qu i coutent les paroles d e leurs
ennemis. Le lion a pris son reflet pour un ennemi et a
dgain con tre lui-mm e lpe de la mort.
Salomon et Azral
De bon matin, un hom me vint se prsenter au palais du
pro phte Salomon, le visage blme e t les lvres bleuies.
Salomon lui demanda :
>
Salomon commanda donc au vent de faire ce que
lhomme lui demandait. Et, le lendemain, le prophte
demanda
Azral
:
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Contes soufis 33
Qui fuis-tu
?
Toi-mme
?
Cest l chose impossible. I1
vaut mieux placer sa confiance en la vrit.
L e moustique
Tu ressembles
un moustique qui se prend pour
quelquun dimportant. Voyant un f tu de paille flottant
sur une flaque durine dne, il lve la tte e t se dit :
>
Cette flaque de purin lui parat profonde et sans
limites car son univers a la taille de ses yeux. De tels
yeux ne voient que de tels ocans. Soudain, le vent
dplace lgrement le ftu de paille et notre moustique
de sexclamer
:
>
Si le moustique connaissait ses limites, il serait
semblable au faucon. M ais les moustiques nont pas le
regard du faucon.
Les oiseaux
Le prophte Salomon avait tous les oiseaux pour
serviteurs. Comme il en tendait leur langage, une amiti
stait no ue en tre eux. I1 existe ainsi des Indiens e t des
Turcs qui, bien que parlant des langues diffrentes,
deviennent amis.
I1
existe aussi des Turcs qui parlent lamme langue et deviennent trangers lun
lautre.
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science e t lintelligence. I1 obscurcit mme le soleil e t la
lune. B
La cage
U n commerant possdait un perroquet plein d e dons.
U n jour, il dcida de partir en Inde et demanda chacun
quel cadeau il dsirait quon lui rapporte du voyage.
Quand il posa cette question au perroquet, celui-ci
rpondit :
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36 Le Mesnevi
Le commerant rpondit :
>
A cet instant, le perroque t du commerant tom ba lui
aussi dans sa cage, inanim. Le comm erant, plein de
tri ste se , scria :
>
Aprs avoir longtemps pleur, le commerant ouvrit
la cage et jeta le perroquet par la fentre. Aussitt,
celui-ci senvola et alla
se
percher sur une branche
darbre. L e comm erant, encore plus ton n, lui dit :
>
Le
perroque t rpondit
:
>
Le
commerant lui dit
:
>
Le vieux musicien
D u temps du calife O m ar, il y avait un vieux musicien
qui animait les runions des hommes de got. Par sa
belle voix, il enivrait mme le rossignol.
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Contes soufis
37
Mais le temps passait et le faucon de son me se
transformait e n moustique. Son dos devenait comme la
paroi dune cruche. Sa voix, qui autrefois caressait les
mes, commenait les gratter et ennuyer tout le
monde. Y a-t-il sur cette terre une belle qui nait pas
souffert d e senlaidir ? Y a-t-il un plafond qui nait pas
fini pa r seffondrer ?
Ainsi, notre homme tom ba dans le besoin et le pain
mm? vint
lui manquer. U n jour, il dit :
>
I1 prit le chemin du cimetire. L, il joua de lud et
chanta, versant damres larmes. Puis le sommeil
sempara de lui e t , prenan t son instrument pour oreiller,
il sendormit. Son corps
fu t
libr des vicissitudes de ce
monde. I1 tait si heureux dans son sommeil quil se
disait
:
>
Or, ce mme instant, O m ar , le calife de lIslam, fu t
A son rveil, Omar mit la somme indique dans un
sac et se rendit au cimetire. Ny trouvant quun vieil
homme endorm i, il se dit
:
>
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38 Le Mesnevi
tour du cimetire. Voyant quil
ny
avait personne
dautre que le vieillard, il se dit :
>
Omar lui dit :
u
Ce sont tes larmes qu i tont rveill. I1est bon de se
rappeler le pass. Mais pou r toi dorn avan t, le pass et
le futur son t des voiles. Tu tes repenti de ton pass et tu
dois maintenant te repen tir de ton repen tir. >>
La
plainte
Un jou r, la femme dun pauvre bdouin dit son mari,
pleine daigreur :
Nous souffrons sans cesse de la pauvret et du
besoin. Le chagrin est no tre lot tandis que le plaisir est
celui des autres. Nous navons pas deau , mais que des
larmes. La lum ire du soleil est notre seul vtement e t le
ciel nous sert d dredon . I1 marrive parfois de p rendre
la pleine lune pour un morceau de pain. Mme les
pauvres ont honte devant notre pauvret. Quand nous
avons des invits, jai envie de leur voler leurs vte-
ments tandis quils dorment.
B
Son
m an lui rpondit
:
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Contes soufis 39
u Jusqu quand vas-tu continuer te plaind re? Plus
d e la moiti de ta vie est dj coule. Les gens senssne
se
proccupent pas du besoin et de la richesse car
tou s deux passent comme la rivire. D an s cet univers, il
est bien des cratu res qu i vivent sans se soucier d e leur
subsistance.
Le
moustique comme llphant fait partie
d e la famille d e Dieu. Tou t cela nest q ue vain souci. T u
es ma fem me et un coup le doit t re assorti. Puisque moi,
je suis satisfait, pourq uo i es-tu si chag rine? *
LaA femm e e mit
crier
:
u O toi qui prtends tre hon n te Tes idioties ne
mimpressionnent plus. Tu nes que prtention. Vas-tu
continuer longtemps encore profrer de telles insa-
nits Regarde-toi
:
a prtention est une chose laide,
mais pour un pauvre, cest encore pire. Ta maison
ressemble
une toile daraigne. Tan t que tu continue-
ras
chasser le moustique dans la toile d e ta pauvret,
tu ne seras jamais admis aup rs du sultan et des beys. B
Lhomme rpliqua
:
u Les biens sont comme un chapeau su r la tte. Seuls
les chauves en ont besoin. Mais ceux qui o nt de beaux
cheveux friss peuvent fort bien sen passer
N
Voyant qu e son mari se mettait en colre, la femme se
mit
pleu rer car les larmes sont les meilleurs piges des
femm es. Elle commena lui parler avec modestie :
u Moi,
je
ne suis pas ta femm e
;
e ne suis que la terre
sous tes pieds. Tou t cc que jai, cest--dire mon m e e t
mon corps, tout cela tappartient. Si jai perdu ma
patience au sujet de notre pauvret, si
je
me lamente, ne
crois pas q ue ce soit pour moi. Cest p ou r to i
B
Bien que dans lapparence les hommes lemportent
su r les femm es, en ralit, ce sont eux les vaincus sans
aucun d ou te. Cest comme pou r leau e t le feu, car le feu
finit toujours par vaporiser leau.
E n en tendant ces paroles, le mari sexcusa auprs d e
sa femm e et dit
:
Je
renonce
te contredire. Dis-moi ce que tuveux.
B
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42
Le
doute
Le
Mesnevi
M uaviya, loncle de tous les fidles, tait dans son palais
e n train de dormir. Son palais tait clos e t les portes
verrouilles. I1 ta it impossible quun tranger puisse y
pntrer. Cepend ant quelquun toucha Muaviya pour
le
rveiller. Q uand il ouvrit les yeux, il ne vit personne e t
se dit :
* I l
est
impossible d e pntrer dans m on palais. Q ui a
pu faire cela?
A pr s d e longues recherches, il trouva quelquun qui
se dissimulait derrire une tenture. I lui dit
:
P
Muaviya lui dit :
a
Cest trange que tu invoques cette raison car
jamais rien de bon nest venu de toi Cest comme si un
voleur venait e n prtendan t vouloir monter la garde
utrefois, rpliqua Satan, jtais un ange et mon
me se nourrissait de mes prires. Jtais alors le
compagnon des autres anges et ceci est rest dans ma
nature. I1 mest impossible doublier le pass
u dis vrai mais il nempche que tu as barr la
route bien des sages. Tu ne peux pas tre le feu e t ne
pa s br ler D ieu ta fait consumeur e t quiconque
tapproche est ncessairement brl. Ta prtendue
sagesse ressemble au chant des oiseaux imits par des
chasseurs.
te le doute de ton cur, dit Satan, je suis une
pierre de touche pour le vrai et le faux.
Je
ne puis
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44 Le
Mesnevi
larmes auraient coul de tes yeux et le repentir de
quelquun qui fait de ses prires un plaisir est encore
plus fort que la prire.
Je
tai donc rveill afin que ton
repentir ne te perm ette pas de te rapprocher encore de
Dieu
P
Muaviya sexclama :
>
Traces
U n homm e courait aprs un voleur. Ju ste au moment o
il allait sen em parer , il en tendit quelquun crier
:
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Contes
soufis
La
mosque
45
D es hypocrites se runirent e t dcidrent de construire
une belle mosque pour honorer la foi. Ils en construisi-
rent donc une juste ct de celle que le prophte avait
lui-mme difie. Leu r but ta it en ralit de diviser lacommunaut. Quand ils eurent termin le toit, la
coupole et le plafond, ils
se
rendirent auprs du
prophte e t , sagenouillant devan t lui, ils lui dem and-
ren t dhonorer leu r nouvelle mosque de sa prsence.
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46
Le esnevi
que je dvoile vos secrets devant tout le monde. >>
I1 entendait montrer ainsi quil ntait pas du pe, mais
les hypocrites protestrent
:
>
Ils jurrent avec une grande insistance mais les justes
nont pas besoin de jurer.
Le prophte demanda
:
En mm e temps quil pensait cela, il se repentait de
ce tte pense e t, la tte pleine de contradictions, il finit
par sendormir..
.
I1 fit alors un rve
o
il vit la mosque des hypocrites
remplie de bouse de vache. Des murs de la mosque
suin tait une cre fum e noire qui brlait ses narines. Ils
se ryeilla alors et se mit pleurer :
>
bti cette mosque en son honn eur >>
finalement de cder.
Le chameau perdu
A u moment o la caravane est arrive pour fa ire tape ,
tu as gar ton chameau. Tu le cherches partout.
Finalement, la caravane repart sans toi et la nuit
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Contes soufis 47
tombe. Tout ton chargement est rest
terre et tu
demandes chacun :
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48
Le Mesnevi
que et lun des Indiens laissa chapper ces mots
:
>
E t le quatrime dajouter :
>
Les guerriers rpondirent :
a Afin deffrayer ton ami e t le forcer nous rvler o
L e villageois sexclama
:
>
Cest une faveur de Dieu que nous vivions aujour-
dhui plutt qu cette poque
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Contes soufis
Soixante-dix ans
49
U n vieillard se rendit chez le mdecin. Quand il lui eu t
expliqu que ses facults intellectuelles dclinaient, le
mdecin rpondit
:
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Contes
soufis
La charge
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Un bdouin cheminait, mont sur un chameau charg
d e bl. E n route, il rencontra un homm e qui lui fit mille
questions sur son pays e t ses biens. Puis, il lui dem anda
en quoi consistait la charge de son chameau.
Le bdouin montra les deux sacs qui pendaient de
part e t dautre d e la selle de sa mo nture
:
Le
bdouin :
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54 Le Mesnevi
Le
cheikh rpondit :
Q
Ma coupe est si remplie que rien ne peut
y
pntrer.
N
Lhomme co nstata alors que la bouteille tait pleine
d e miel et il fut pris de honte.
Le
cheikh lui dit
:
Q Avant davoir des regrets, va me chercher du vin. Je
suis malade e t jen ai besoin. D ans pareil cas, les choses
ord inairem ent interd ites deviennent licites. N
Lhomme se rendit la taverne mais dans chaque
tonneau , il ne trouv a que du miel. Aucune trace de vin.
I1demanda au tavernier o tait le vin. Quand ils eurent
constat cette trange mtamorphose, tous les buveurs
de la taverne se mirent pleurer et se rendirent auprs
du cheikh.
u O m atre tu es venu une seule fois dans notre
taverne e t tout no tre vin sest transform en miel >>
C e m onde est plein de no urriture illicite mais le fidle
ne doit pas
y
toucher.
La
souris
U ne souris sempara un jour de la bride dun chameau e t
ordonna ce dernier de se mettre en marche. Le
chameau tait de nature docile e t il se mit marcher. La
souris en fu t rem plie dorgueil.
Ils arrivrent soudain devant un petit ruisseau et la
souri? sarrta.
u O mon am ie dit le cham eau, pourqu oi tarrtes-
tu ? M arche, toi qui es mon guide >>
La souris dit
:
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Contes soufis
55
Le
chameau :
u Je vais essayer w
E t il savana dans leau.
u
Leau nest pas profonde. Elle n e dpasse pas mes
jarrets. M
L a souris lui dit
:
u C e qu i tapparat comme une fourmi est pou r moi
un dragon. Si leau tarrive aux jarrets, elle doit
dpasser ma t te d e plusieurs centaines d e mtres. B
Alors le chameau lui dit
:
e Dans ce cas, cesse dtre orgueilleuse et de te
prendre pour un guide. Exerce ta fiert sur les autres
souris, mais pas sur moi
e
me repens dit la souris, au nom d e D ieu , fais-
moi traverser ce ruisseau w
Larbre du
savoir
La rum eur circulait quil existait en In de u n arbre dont
le fruit dlivrait d e la vieillesse et d e la m ort. U n sultan
dcida alors denvoyer un d e ses hom mes la recherche
d e cette merveille.
Lhomme partit do nc e t , pendant des annes, il visita
maintes villes, maintes montagnes et maints plateaux.
Quand il demandait aux passants o se trouvait cet
arb re d e vie, les gens souriaient en pensant quil tait
fou. Ceux qui avaient un cur pu r lui disaient
:
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56 Le Mesnevi
et prit le chemin du retour, les larmes aux yeux.
EnAchernin, l rencontra un cheikh e t lui dit :
G
O
cheikh, prends piti de m oi car je suis dsespr
ourquo i es-tu si triste?
Mon sultan ma charg de trouver un arbre do nt le
fruit est le capital de la vie. Chacun le convoite. Jai
cherch longtemps, mais e n vain. E t tout le monde sest
mo qu de moi. D
LeAcheikh e mit
rire :
>
Quatre pices dor
Un homme avait donn une pice dor quatre per-
sonnes.
Le premier dit :
>
Lautre, qui tait ara be , dit
:
>
Le
troisime, qui ta it grec, se rcria
:
>
Le quatrime, un T urc
:
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Contes
soufis
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dans cet tat desprit quil tomba dans le sommeil.
I1
fit
alors un rve e t vit Elie qui lui disait :
>
Lhomme rpondit
:
>
Elie dit alors :
>
T a crainte e t ton amour sont des prtextes pour entre-
tenir ton intimit avec Dieu. Le seul fait que tu conti-
nues prier tannonce qu e tes prires sont acceptes.
Le
citadin
et le
paysan
Un citadin tait lami dun paysan et, chaque anne,
duran t deux ou trois m ois, il lui offrait lhospitalit. Le
paysan jouissait de sa maison, d e son magasin e t de sa
table. Ses moindres besoins taient satisfaits avant
mme dtre exprims. Un jour, le paysan dit au
citadin
:
>
Le citadin dclina linvitation mais le paysan renou-
vela cette offre huit annes durant sans que le citadin
se
dplace. A chacune d e ses visites, le paysan ritrait
son
invitation et,
chaque fois, le citadin trouvait une
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Contes soufis 61
vautour e t manger la charogne. Et chaque fois quil
voyait le paysan sortir de chez lui, le citadin lui disait
:
>
Le paysan rpondait
:
u
Jignore qui tu es, bon ou mauvais
O m on frre disait alors le citadin, as-tu oubli ?
T u viens chez moi e t tu manges
ma table depuis des
annes >>
Le
paysan rpondait
:
>
A u bout d e quelques jours, les pluies comm encrent
e t ce tte atten te devint insupportable. Le citadin frappa
la po rte d e toutes ses forces en rclamant le matre d e
maison.
>
lui dit ce dernier.
Le
citadin lui rpondit
:
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Contes soufis
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u Va-ten Pour ceux d e no tre espce, leau est le
chteau fort d e la joie
B
Pour le canard de notre ego, Satan est comme le
faucon. Regardes-y deux fois avant de q uitter ta m are
L e secret
du
chien
Un jour, Medjoun se promenait avec
son
chien. I1 le
pren ait dan s ses bras e t le caressait comme un amoureux
caresse sa bien-aime. U n homm e qui passait par l lui
dit
:
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66 Le
Mesnevi
Les
privations transforment un serpent en ver deter re . Labondance transforme le moustique en faucon.
V a Laisse plutt le dragon enfoui sous la neige. Ne
lexpose pas a u soleil. Mfie-toi du soleil du dsir car
il
peut transformer le hibou en faucon.
Llphant
On avait parqu un lphant venant de iInde dans une
table obscure. L a population, curieuse de connatre un
tel animal, se prcipita dans ltable. Comme on ny
voyait gure
cause du m anque d e lumire, les gens se
mirent toucher lanimal. Lun deux toucha la trompe
e t dit :
Cet animal ressemble
un norme tuyau N
Un
au tre toucha les oreilles :
On
dirait plutt un grand ventail
B
Un au tre, qui touchait les pattes, dit :
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Contes soufk
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L a bien-aime de lamoureux
Un amoureux rcitait des pomes damour sa bien-
aime. Des pomes, pleins de lamentations nostalgi-
ques. Sa bien-aime lui dit :
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Le Mesnevi
vigueur. Je suis paresseux, il est vrai, mais je nen do rs
pas moins sous ton om bre >>
I1
priait ainsi du matin au soir et ses voisins
se
moquaient de lui. Certains dentre eux le rpriman-
daient et dautres le raillaient e n disant
:
>
La clbrit de notre homme saccroissait de jour en
jour dans le pays. O r , un jo ur quil priait chez lui, une
vache emporte fracassa sa porte de ses cornes
et
pntra dans sa demeure sans crmonie. Lhomme
sempara delle, lui lia les pieds et, sans hsiter une
seconde, il lgorgea. Puis, il se rendit en courant chez le
boucher afin qu e celui-ci dpce sa victime.
Sur son chemin, il croisa le propritaire d e la vache.
Celui-ci lapostropha :
>
Lautre rpondit
:
>
L e propritaire lattrapa par le col et lui assena deux
@es. Puis, il lentrana chez le prophte David en disant :
>
Lautre insistait en disant :
>
L e propritaire de la vache am euta la population par
ses cris :
>
Les gens qu i sassemblaient au tour deux commenc-
rent lui donner raison.
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Contes soufis 69
encore ils sobtiennent par hritage. Mais aucun livre ne
mentionne ce procd dacquisition.
>>
Un grand bruit se fit dans la ville autour de cet
vnem ent. Le pauvre, quant lui, se tenait face contre
terre ne t priait D ieu en ces termes
:
>
Enfin, on arriva chez le prophte David et le plai-
gnant prit la parole
:
>
Le prophte se retourna alors vers laccus pour lui
demannder ses explications. Celui-ci rpondit
:
>
Le proph te David dit alors
;
>
Laccus se rvolta :
>
I1
se prosterna et dit
:
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70 Le Mesnevi
u
mon Dieu, Toi qui connais tous les secrets.
Inspire le cur d e David. Car les faveurs qu e tu mas
offertes nexistent pas dans son c ur
>>
Ces paroles et ces larmes touchrent le cur de
David. I1 sadressa alors a u plaignant :
Donn e-moi un jour d e dlai afin q ue je puisse me
retirer pour m diter. Afin qu e Celui qui connat tous les
secrets minspire dans m es prires. D
Ainsi, David se retira-t-il en un lieu cart et ses
prires furent acceptes. Dieu lui rvla la vrit e t lui
dsigna le vritable coupable.
L e lendemain, le plaignant e t laccus se prsentrent
nouveau devant le prophte David. Comme le plai-
gnant ne faisait que se plaindre davantage, David lui
dit :
M
Tais-toi Fais le muet
et
considre qu e cet homm e
avait le droit de semparer de ta vache. D ieu a protg
ton secret. E n change, accepte d e sacrifier t a vache. N
Le plaignant soffusqua :
u Quest-ce q ue cest q ue cette justice ? Commences-
tu
appliquer une nouvelle lo i? Nes-tu pas renomm
po ur lexcellence de t a justice ? B
Ainsi la dem eure d e David fut-elle transforme en un
lieu d e rvolte. Le prophte dit au plaignant
:
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72 Le Mesnevi
>
Celui qui porte plainte pou r une vache, cest ton ego.
I1
prtend tre le matre. Celui qui a gorg la vache,
cest t a raison. Si tu souhaites toi aussi gagner sans peine
ta subsistance, il fau t gorger cette vache.
Le matre dcole
La science possde deux ailes mais lintuition nen a
quune. Chaque fois que loiseau du doute tente de
senvoler du nid de lespoir, il tombe
terre car il na
quune aile
:
celle de lintuition.
I1 y avait une fois un matre dcole qui tait trs
exigeant avec ses lves. Ceux-ci se mirent bientt
chercher une solution pour se dbarrasser d e lui. Ils se
disaient :
e
Comment cela
se
fait-il quil ne tombe jamais
malade ? Cela nous donnerait loccasion davoir un peu
d e repos. Nous serions ainsi librs de ce tte prison qu e
lcole est pour nous. N
U n des lves proposa son ide
:
>
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74 e Mesnevi
lit car il
me
semble que je me sentirai mieux si je
mallonge.
>P
La fem m e alla donc prparer son lit mais elle se dit
:
u I1 fait semblant dtre m alade pour mloigner de la
maison. Tout cela nest quun prtexte. N
U ne fois au lit, le m atre se mit se lamen ter. Alors
llve qui avait eu cette ide astucieuse dit aux autres :
u
Sa maison nest pas loin. R citons nos leons de la
voix la plus fo rte possible et ce bruit ne fera quaugmen-
ter ses tourmen ts.
>P
A u bout dun mom ent, le matre ny tint plus e t alla
dire ses lves :
u
Vous me donnez mal
la tte. Je vous autorise
rentrer chez vous. B
Ainsi, les enfan ts lui souhaitrent un prompt rtablis-
sement et reprirent le chemin de leur maison, ainsi qu e
des
oiseaux en qu te d e graines. Quand les mres virent
que les enfants jouaient dans les rues lheure de
lcole, elles les rprimandrent svrement. Mais les
enfants rpondirent
:
u Ce nest pas notre faute. Cest par la volont de
D ieu que notre matre est tomb malade. >P
Les
mres leur dirent alors
:
u
Nous verrons demain si vous dites la vrit. Mais,
gare vous si cest un mensonge D
Le lendem ain, les m res des coliers allrent rend re
visite au matre et elles constatrent quil tait grave-
m ent m alade. Elles lui dirent
:
u M ais, nous ne savions pas que vous tiez malade
B
Le matre rpliqua :
u
Moi non plus,
je
ne le savais pas C e sont vos
enfan ts qu i men on t inform N
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Contes
soufis 75
La balance et
le
balai
Un jour, un hom m e se rendit chez le bijoutier e t lui dit
:
* Je voudrais peser de lor. Prte-moi ta balance. >>
Le bijoutier rpondit :
u Je
suis vraiment dsol, mais je nai pas de pelle
o n N o n f it l homme,
je
te demande ta
Le bijoutier :
>
balance >>
balance B
L e
derviche
de
la
montagne
Un derviche vivait dans la montagne avec sa solitude
pour toute compagne. Lendroit o il stait retir tait
rempli darbres fruitiers mais le derviche stait promis :
u
O
Seigneur J e ne toucherai pas aux fruits de ces
arbres avant que le vent nen fasse tomber B
Mais, com me il avait oubli d e dire
:
u
Inch Allah
B
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76
Le
Mesnevi
ce fut dur pour lui de respecter sa promesse. Cinq jours
passrent. Le feu de la faim brlait son ventre mais levent ne faisait tomber aucun fruit. Les branches
se
courbaient sous leur poids mais le derviche prenait
patience , soucieux d e tenir parole.
A un moment, le vent poussa vers lui une branche
charge des fruits les plus mrs. Cest ainsi que le destin
lui fit renier son serment. C e fut linstant o Dieu lui tira
loreille.
I1
y avait, non loin de l, un groupe de voleurs qui
taient e n train de partager leur butin. Mais des soldats,
prvenus par des espions, leur avaient tendu une
embuscade et tous furent capturs, et notre derviche
avec O n coupa la main droite et le pied gauche d e
chacun dentre eux. Quand vint le tour du derviche, o n
comm ena par lui couper la main. Mais, au m oment
o
o n allait lui cou per le pied, un cavalier scria
:
< Q ue faites-vous l Celui-ci est un cheikh U n
intime de Dieu Q ui lui a coup la main ? >>
Le bourreau, plein de tristesse, se mit lacrer ses
vtements tandis que le bey venait prsenter ses
excuses.
>
Le derviche rpondit
:
>
Cest ainsi que , pouss par le dsir de son estom ac, le
derviche perdit
sa
main. Combien doiseaux ont-ils
laiss leur vie dans un pige
cause de quelques
graines C e derviche fut surnomm
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78 Le Mesnevi
distinguer le plus lointain des obstacles sur mon chemin.
J e reconnais ainsi chaqu e endro it
o
je pose mes sabo ts
et cest pour cela que je ne trbuche pas. Mais toi, au
con traire, tu regardes toujou rs juste devant toi.
B
Celui qui possde une bonne vue peut-il tr e com par
un aveugle?
Cheikh
I1 tait un e fois un cheikh qu i tait le plus clair parmi
les homm e de la terre. Le peuple le considrait comme
un
proph te. U n matin, sa femme lui dit :
u
Ton cur est aussi dur que le roc Est-ce que cela fait
partie des rgles de la sagesse? Tou s nos enfants sont
morts, e t moi, force de p leurer, je suis devenue courbe
comme un a rc. Toi, personne ne ta jamais vu pleurer.
Ny
a-t-il pas d e place pour la piti dans ton cur ? Nous
somm es tous attachs
toi e t nous te servons jour e t nu it,
mais que pouvons-nous esprer de quelquun qui ne
connat pas la piti ? Quappelle-t-onun cheikh ?Cest un
vieillard dont les cheveux et la barbe sont blancs. Sache
qu e le vritable cheikh na pas mm e un poil dexistence,
Celui qui na aucune prtention dexistence, que ses
cheveux so ient noirs ou blancs, celui-l est un che ikh
Noublie pas q ue Jsus
a
parl dans
son
berceau
B
Le cheikh rpond it
:
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80 Le Mesnevi
maladies ou les preuves, mais par Dieu. Sa foi ne
sadresse pas aux houris e t au paradis, mais
Dieu. Elle
renonce au blasphme, non par crainte de lenfer, mais
par crainte de Dieu. Ceci est dans sa nature. Ce nest
pas une chose quelle a acquise par ses efforts ou par la
pratique de lasctisme. Elle rit seulement lorsquelle
constate qu e Dieu la accepte. Pour elle, le destin est
une friandise. Si un serviteur de Dieu est dune telle
na ture, pourquoi dirait-il
:
O
mon D ieu Change ma
destine
Cest parce quil savait que la mort de ses enfants
avait t voulue par Dieu q ue ce tte mort lui tait aussi
douce q ue les kudu@ (ptisserie orientale).
Aveugle
Un
jour,
un
homme alla rendre visite
un cheikh qui
tait pauvre e t aveugle. I1 fut bien tonn en trouvan t
chez celui-ci un exemplaire du Coran.
I1
se demanda :
< Cet homme est aveugle et il
ne
peut pas lire. Que
peut-il bien faire du Coran? Si je lui pose cette
question, ce sera un manque d e respect.
B
Or, il se trouva que le cheikh lui offrit lhospitalit
po ur quelques jours. U ne nuit, notre homme fut rveill
par une voix qui rcitait le C oran. Se levant, il dcouvrit
laveugle, les yeux dans son livre, rcitant le Coran. I
lui dit :
a Comment arrives-tu lire
?
Je
vois ton regard qui se
dplace chaque ligne qui passe. Y vois-tu vraiment
?
N
Laveugle rpondit
:
a
O
toi qui ignores tout du corps Pourquoi es-tu
tonn de
ce
que Dieu puisse permettre une chose
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Contes
soufis 81
pareille? Jai demand laide de Dieu afin de pouvoir
lire le Coran car jai une mauvaise mmoire. Cest po ur
cela q ue , chaque fois qu e jouvre le Coran pour lire,
jy
vois >>
Chercheur de
vrit
Dakouki tait un homme damour et de prodige, trs
attentif se protger de ce qui est illicite. Jam ais, il ne
restait plus de deux jours en un mme lieu car il se
disait :
>
I1 marchait le jour et priait la nuit. Sa nature tait
celle dun ange. Com me il tait pu r, il tait perptuelle-
ment la recherche dhommes purs e t adressait Dieu
cette prire :
>
E t D ieu lui rpondait
:
>
Dakouki :
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82
Le
Mesnevi
avec son cur qui l voyage. Mon att irance pour
lhomme ne fait quaugmenter.Je voudrais voir la vague
d e locan dans une gou tte deau
>>
U n jou r, Dakouki se trouva diriger la prire sur une
plage parm i un g roup e de fidles. To ut le monde se mit
en ligne pou r faire la prire du soir quan d, soudain, le
regard de D akou ki se dirigea vers la mer e t il entendit
des cris. I1 vit, au large, un bateau ballott par les
vagues. Les passagers, dans lobscurit, criaient par
crainte de sombrer car la tempte soufflait comme
Azral. M m e les infidles e t les rvolts avaient repris
foi en Dieu e t tous se prosternaient, dsesprs.
Voyant ce la, Dakouki eu t les larmes aux yeux.
>
Cette prire fut en tendue e t le bateau fut sauv mais
les
passagers crurent que ceci tait d
leurs propres
efforts. Ils croyaient que leurs prires avaient t
acceptes. Comme le renard qui chappe aux griffes du
lion grce ses pa ttes mais reste toujours aussi fier de sa
queue.
Bref, le bateau accosta au moment mme
o
Dakouki
el les fidles achevaient leur prire. Les fidles dirent :
Q ui a pu faire ce prodige
?
Serait-ce limam qui, pris
d e piti, au rait adress ce tte p rire
Dieu? I aurait os
interfrer avec la volont divine
B
Et quand Dakouki se retourna, il vit que tout
le
monde tait parti. Ils avaient tous disparu, comme des
poissons se faufilant dans londe. Dakouki se remit
pleurer.
A h Cest maintenant qu e tu tombes dans
le
pige
Hom me sans m aturit Tu croyais, comme tou t le
monde, quils taient des hommes. Toi, tu les as
regards avec les yeux d e Satan qui dit
: > O Dakouki,
ouv re les yeux Ch erche enco re jour e t nuit. Laisse
tomber les uvres d e ce monde. Cherche les hommes en
invoquant Son nom
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Contes soufis
83
Le
fils de Myriam
U n jour, Jsus , le fils d e Myriam, se dirigeait en courant
vers la montagne. Quelquun se mit
le suivre en
criant :
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84 Le Mesnevi
autres, comment se fait-il quon ne trouve pas de
remde ?
D
Jsus rpondit
:
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Contes
soufis 85
trois personnes au visage sale. Bien quelle soit innom-
brable, elle se rsumait
ces trois personnages futiles.En effet, les mes qui ne voient pas le Bien-Aim ne
valent mme pas une demi-personne, quand bien mme
elles seraient des milliers.
Lun deux tait un aveugle don t la vue tait perante.
Cest--dire quil pouvait voir une fourmi mais quil ta it
incapable dapercevoir Salomon.
Le second tait un sourd dont loue tait trs fine.
A utant d ire un trsor sans or.
Q uan t au dernier, ctait un homme nu don t la robe
tait trs longue.
Laveugle dit soudain
:
>
Le sourd dit son tour :
>
Lhomme nu dit alors :
nous voulons viter dtre capturs.
>>
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86 Le Mesnevi
Le sourd, cest le dsir. I1 entend venir la mort des
autres, mais pas la sienne. Laveugle, cest lambition.
I1 voit les dfauts du peuple jusque dans le moindre
dtail mais il reste aveugle pour les siens. Lhomme nu
craint quon ne coupe lourlet de sa robe mais comment
cela se pourrait-il? Le peuple de cette terre est ruin
mais il crain t les voleurs.
Nous
sommes tous am vs nus
en ce m onde e t cest ainsi que nous le quitterons. Mais
nous avons tous la crain te des voleurs.
Au
moment de
la m ort, les riches com prennent quils ne possdent pas
un
sou.
Les hommes de talent sentent quils ont fait
fausse route. Ils sont comme ces enfants qui prennen t
des m orceaux de poterie pour des biens prcieux. Si on
les leur retire, ils pleurent. Et si on les leur donne de
nouveau , ils sont contents. C en fant , tan t quil nest pas
adulte, ne distingue pas le bien du mal. Ses larmes et
son rire nont aucune valeur. Les aristocrates tremblent
pour leurs b iens comm e sils les avaient acquis en rve.
Si on les rveillait, ils se moqueraient de leur crainte
des voleurs. Les savants de ce monde sont semblables.
Ils craignent les voleurs e t ils se p laignent en disant :
>
Mais celui qui rcolte ce qui est vritablement utile
ne
se proccupe pas du temps car le temps nexiste pas pour
lui.
Le ruisseau de la lune
Un troupeau dlphants stait install sur le bord dun
ruisseau e t les autres animaux se lam entaien t de ce que
cet te prsence les privait du libre accs au cours deau.
Chacun se mit
chercher
un
stratagm e pour les faire
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Contes
soufis 87
dguerpir car il tait clair quaucune force ntait
suffisante po ur les obliger partir.
L e prem ier jour de la lune, un vieux lapin monta sur
un mAonticule t cria aux lphants :
u
O sultan de s lph ants Je suis un messager, le
messager d e la lune Si tu veux avoir la preuve de mes
dires, coute ceci : dans quatorze jours, la lune
se
montrera dans leau. Et voici le message que la lune
vous envoie : Ce ruisseau nous appartient et il est
interdit
quiconque de sen approcher sous peine de
devenir aveugle.
Croyez-moi, si vous restez prs de ce
ruisseau, vous serez aveugls par des tincelles. Et
si
vous osez vous y dsa ltrer, la lune frm ira dans leau
pour montrer sa colre
B
A u huitime jour d e la lune, le sultan des lphants
alla boire au ruisseau mais quand il
y
trempa sa trompe,
il vit frmir la lune
la surface. Alors, il commena
croire ce qu e lui avait dit le vieux lapin mais les autres
lph ants le rassurrent en lui disant :
u
Nous ne sommes pas assez sots pour nous enfuir
parce que la lune a boug
N
Le tambour
du
voleur
U n voleur tait en train d e percer un m ur en pleine nuit.
L e m atre d e maison, qui tait souffrant, ne dormait pas
e t entendit d u bruit. I1 monta sur la terrasse et dit au
voleur :
>
Le voleur rpondit :
u
Je suis un joueur de tambour et je joue de mon
Lhomme rpliqua
:
instrument
B
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88 Le Mesnevi
>
rpondit le voleur.
Graines
Lorsque loiseau se pose sur un mur e t voit les graines
qui servent dappt au pige, son dsir le pousse vers ces
graines. I1 les regarde, puis il regarde les vastes pla-
teaux. Loiseau qui rsiste cette tentation senvole vers
les plateaux, plein d e joie.
Niche
Quand vient lhiver, le chien souffre du froid. I1 se dit
alors
:
(< Il me faut absolument une niche. Lorsque lt
reviendra,
je
men construirai une, en pierre, pour y
passer lhiver >>
Mais, quand arrive lt, notre chien reprend sa
vigueur e t redevient gras. Tout fier d e sa nouvelle force,
l
dit
:
>
Et repu, il va stendre paresseusement
lombre.
Son cur a beau lui dire :
> I1 se dit en lui-mme
:
>
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Contes soufis 89
Chaque fois qu e tu tombes malade, tes dsirs e t tes
ambitions perdent de leur force et toi, tu te construisun e maison d e repentir.
La table vide
U n jour, un soufi vit une table vide e t , pris dextase, il se
mit danser et
dchirer ses vtements en criant
:
LeAsoufi ui rpondit :
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9
Le Mesnevi
D
Sungur excuta ses ordres et tous deux prirent le
chemin d u hammam. O r, sur ce chemin, il
y
avait une
petite mosque. Comme il passait devant elle, Sungur
enteodit lappel
la prire. I1 dit son m atre
:
a
O mon matre Pourriez-vous patien ter quelques
instants devant ces magasins tandis que
je
fais mes
prires? >>
Lmir accepta et
se
mit
attendre
...
I1 attendit long temps. I1 vit so rtir les fidles et limam
mais Sungur tai t toujours lintrieur. Perdant
pa tiepce, lmir se mit crier :
N O
Sungur Pourquoi ne sors-tu pas
? >D
De lintrieur d e la m osque , Sungur lui rpondit :
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Contes
soufis
Prodige
91
U n jour, le fils d e Maik
se
rendit une invitation chez
En es. A prs le repas, Enes, voyant qu e sa serviette tait
toute tache, ordonna son serviteur de la jeter dans le
feu. Celui-ci obit sans hsiter. Les invits taient
stupfaits mais leur tonnem ent fut
son comble quand
ils virent qu e la serviette sortait du feu , toute propre. Ils
dirent :
e Com ment cela est-il possible? Com ment cette ser-
viette a-t-elle pu se ne ttoyer sans se consumer? B
En es rpondit :
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92 Le
Mesnevi
Lesclave dit alors
:
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Contes soufis 93
Mose lui rpondit :
>
Le
dsir du jeune homme n e fit quaugmenter avec
ce
refus car lenvie qu i rencontre un obstacle devient dsir.
Le jeun e homme insista donc :
Ne toppose pas
mon envie car cela est indigne d e
toi. T u e s le proph te e t tu sais quun refus de ta part m e
plongerait dans la plus grande des tristesses. >>
O mon D ieu Ce naf est tomb dans les mains d e
Satan Si je lui enseigne ce quil dsire, il court
sa
perte e t si je refuse, il sera rempli de rancur
>>
Dieu rpondit alors
Mose
:
>
Mose sadressa alors au jeune hom me
:
< < T u isques de perdre ton honneur avec un tel
souhait. Tu ferais mieux de renoncer car cest Satan qui
tinspire par ruse un tel dsir. Remplis-toi plutt de
la
crainte de D ieu
>>
Le jeune homme le supplia
:
Enseigne-moi au moins le langage de mon chien e t
d e mon coq
>>
Mose lui rpondit
:
>
Alors, le jeune homme rentra chez lui et attendit
laube sur le pas de sa porte afin de tester
son
nouveau savoir. Au petit matin, sa servante se mit
nettoyer la table et fit tomber
terre quelques
morceaux de pain. Le coq, qui passait par
l,
les
Mose sadressa alors
Dieu
:
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94 Le
Mesnevi
avala.
A
cet instant, le chien accourut et lui dit :
u
Ce que tu as fait est injuste. Toi, tu te nourris degra ines mais pour moi, cela est impossible. Tu aurais d
m e laisser ces morceaux de pain
e sois pas en peine rpondit le coq, car D ieu a
prvu dautres faveurs pou r toi Dem ain, le cheval de
notre matre va prir et toi et tes compres, vous
pourrez vous rassasier. Ce sera pour vous une liesse sans
pareille
B
En entendan t ces paroles , le jeune homme fut rempli
de surprise et il emmena son cheval au m arch pour le
vendre.
Le lendemain, le coq sempare de nouveau des reliefs
de son matre avant le chien. Celui-ci se mit
mau-
grer :
>
Le coq rpliqua sans se dm onter :
Mais le cheval est vraiment mort. Notre m atre, en
le vendan t, a bien vit de le perdre mais ctait reculer
pour mieux sauter car demain, cest sa mule qui va
mourir et vous aurez largement de quoi vous satis-
faire >>
Le
jeune hom m e, saisi par le dm on de lavarice, alla
vendre sa mule au march, croyant ainsi viter cette
perte. Mais le troisime jour, le chien dit au coq :
>
Le coq rpondit :
>
Ayant entendu ces m ots, le jeune hom me alla vendre
son esclave en disant :
Vingt
enfants
I1 y
avait une femm e qu i, tous les ans, donnait naissance
un enfant. Mais,
chaque fois, le bb mourait au
bout de six mois, quand ce ntait pas aprs deux
ou
trois. Comme son dernier-n venait, lui aussi, de
mourir, elle adressa cette prire
Dieu
:
Or, une nuit, elle fit un rve : elle vit le paradis,
jardin ternel e t parfait.
Je
dis un jardin, fau te dautre
mot. Bien sr, le paradis est indescriptible mais un
jardin en est une image.
Bref, cette femme rvait du paradis. E t l, elle vit
un
palais sur lentre duquel son nom tait grav. Elle
en
fut remplie d e joie e t entendit une voix qui lui disait :
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Contes
soufis
97
>
La femm e dit alors :
>
Puis elle dambula dans ce jardin et, soudain, elle
y
rencontra ses propres enfants. Alors, elle scria :
En effet, cette femme pieuse avait lhabitude de
se
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98 Le
Mesnevi
confier e n Dieu tout m om ent car elle savait que tout
e n ce bas m onde est inconstant. E t jusqu sa m ort, elle
souhaita que la protection de Dieu se dresse, tel un
chteau fo rt, sur la rou te de ses ennemis.
LEsprit saint (G abrie l) lui dit :
N
N e crains rien J e suis lange et le confident d e
Dieu. Ne dtourne pas tes yeux de celui que Dieu a
lev. P ourquoi fuir ses intimes ? Tu tentes dchapper
m a prsence e n te rfugiant dans le nant mais moi,
je
suis le sultan du nant. Cest de l que
je
viens et j e
viens
toi comm e une image
N
O M arie Quand une image sinstalle dans ton cur,
elle te di t, o qu e tu sois :
>
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Contes soufk 99
Puis :
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Contes soufis
La mosque
cache
101
Il y avait, dans la ville de Rey, une petite mosque.
Personne ny pouvait rester pendant la nuit et ceux qui
le tentaient laissaient derrire eux des orphelins. Bien
des solitaires prirent ainsi le chemin du cimetire, au
matin dune nuit passe dans cette mosque. Cest qu e
des d jinns staient em pars d e lendroit et en extermi-
naient tous les htes. Tant et si bien quon avait
placard un criteau sur la porte, qui disait :
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102
Le Mesnevi
suis un paresseux qui offre tout ce quil possde. Pour
moi, mourir e t quitter ces lieux sera aussi agrable quil
est doux
un oiseau de sortir de sa cage. Quand on
transpo rte sa cage dans le jard in, loiseau voit les roses
et les arbres. I1 voit aussi dautres oiseaux qui volent
autour de sa cage. Il est entour de verdure mais il est
prisonnier. Cest pour ce tte raison quil a perdu lapptit
et est devenu paresseux. Celui qui ouvrirait sa cage
sera it son sauveur Mais si la cage est lintrieur, dans
une pice pleine de cha ts, il est bien certain que loiseau
ne souhaitera pas en sortir.
I1
prfrerait mme tre
em prisonn dans des milliers de cages. H
Les gens rpliqurent
:
u
O toi qui passes par l, viens Ne perds pas
ta
vie.
Ce
que tu dis est facile en paro les mais deviendra plus
dur lorsquil sagira de passer aux actes. Bien des
tmraires ont perdu toute fiert
linstant fatidique.
Tu finiras par regretter tout ceci. Les hommes se
donn ent tous des allures de hros, mais au m oment du
combat, ils deviennent des femmes dintrieur. Le
prophte a dit
:
O hros I1 ny a pas de place pour
lhrosme avant le combat.
Ne fais pas semblant
dtre un hros. C ombien en avons-nous vu qui disaient
comme toi. R enonce
ton ide e t nattire pas sur toi un
malheur dont nous serions responsables >>
Lamoureux dit :
a
Ce soir, je dorm irai dans ce tte mosque, quand bien
mm e vos conseils sera ient aussi profitables que ceux de
lange G abriel. Abraham nattendait aucun secours
du
feu. s
I1
resta donc dans
la
mosque mais il ne put sendor-
mir car le somm eil des am oureux est comme celui des
oiseaux e t des poissons. A u beau milieu de la nuit, une
voix pouvantab le se fit entendre, qui disait :
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Contes soufis 103
a Cest le bruit des tambours que lon bat pour
annoncer la fte. Mais, puisque ce sont les tambours quelon bat, cest
eux davoir peu r.
B
I1 se leva comme un guerrier et scria
:
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104
La
ville de lamour
Le Mesnevi
Une bien-aime demanda
son
amant
:
a
O
mon am i T u as visit beaucoup de villes lorsque
tu tais seul. Dis-moi celle que tu prfres parmi
toutes. D
Et lamoureux rpondit :
a Cest la ville o habite ma bien-aime. Bien quelle
soit petite , elle nous sem ble la plus vaste H
Pois chiches
Reg arde e t vois comme les pois chiches qui bouillent
dans la marmite remontent la surface lorsquils sont
vaincus O n les voit sagiter sans
cesse
dans la marmite
e t ils se disent :
N Pourquo i nous a-t-on ach ets? Pour nous torturer
en nous faisant ainsi bou illir? >>
Et le cuisinier, tout en tournant sa louche dans la
m armite, leur rpond
:
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Contes soufis 1 5
reue e t votre floraison, tout ceci tait destin au feu B
Les pois chiches rpliquent
:
>
Le
cuisinier
:
>
Dem ande plutt Dieu quil te fasse comprendre le
sens d e ses subtilits
L a jument et son poulain
Une jument et son poulain buvaient ensemble dans
labreuvoir. Soudain, le palefrenier se mit
siffler pour
les en empcher. Le poulain, effray par ce bruit,
sarrta instantanm ent de boire. Mais sa mre lui dit :
La jum ent lui dit :
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106
Le
Mesnevi
u Le monde est ainsi fait. Chacun fait quelque chose.
O mon enfan t, fais ce que tu as faire Tresse ta barbe
avant que lon ne te la coupe Le temps est limit e t
leau coule . Nourris ton me avant den tre spar
w
Les paroles des hommes de Dieu sont une source de
vie.
O
assoiff ign orant Viens Mme si tu ne vois pas
le ru isseau, fais au moins comme ces aveugles qui jettent
leur cruche la rivire.
Le vent
Un jour, un moustique vint auprs du prophte Salo-
mon pour se plaindre :
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Contes
soufis 107
adversaire,
ses
plaintes restent irrecevables. Amne-
moi to n adversaire si tu veux demander justice. *
Le
moustique
:
Q
T u d is vrai. L e vent est mon adversaire et toi, tu
es
le seul qui puisse lui en imposer.
Salomon dit alors
:
>
Quand la lumire de Dieu se manifeste, il ne reste
rien dautre q ue cette lumire. Regarde les ombres qui
recherchent la lumire. Quand celle-ci arrive, elles
disparaissent.
Frapper
Un homme tait tomb amoureux fou dune femme
mais leur union tait impossible. I1 se lamentait jour e t
nu it, san s manger ni dormir. Lamour lavait transform
en vagabond. E t ses tourm ents taient sans fin.
Pourquo i lamour se prsente-t-il comme un vritable
tueur au premier abord? Cest pour que ceux qui ne
sont p as vraiment am oureux puissent tre distingus.
Chaq ue fois que notre homme tentait de faire porter
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108 L e Mesnevi
un message sa bien-aime, le po rteur du message, sous
iempire de la jalousie, omettait de le remettre
sadestinataire. I1 avait bien essay dattacher une lettre au
cou dun pigeon, mais la chaleur d e ses mots avait brl
les ailes de loiseau.
Cette situation dura sept ans. Sans cesse, il rvait
linstant de leur union. Le prophte a dit
: > E t notre am oureux frappait
la
porte de tout
son
cur.
U ne nuit, alors quil tait en tr dans un jardin e t quil
se cachait pour ne pas se faire remarquer par le gardien,
il
rencontra sa bien-aime. I1 se mit alors prier Dieu
afin quIl comble de faveurs ce gardien qui lavait aid
rencontrer sa bien-aime.
Lorsque les jambes sont casses, Dieu nous offre des
ailes.
I
peut mme ouvrir une porte au fond dun puits.
Si tu regardes avec Dieu une chose dplaisante, cette
chose deviendra une faveur pour toi.
Sacrifice
(Commentaire de LAyet
: >
O
toi Tu e s lAbraham de notre temps. Toi aussi, tu
dois gorger quatre oiseaux qui, tels des bandits de
grand chemin, font obstacle
ta route. Ils crvent les
yeux des hommes senss. I1 y a dans le corps humain
quatre attributs correspondant ces oiseaux. Si
on
les
sacrifie, la voie d e lme se libre.
O
A br ah am Egorge-les, si tu veux qu e tes pieds
soient dlis. Si tu dsires ressusciter le peuple et
le rendre ternel, tu devras les gorger vivants
Ces oiseaux sont le paon, le canard, le corbeau et le
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Contes soufis 109
coq. I ls symbolisent quatre types de caractres.
L e coq reprsente le dsir charnel, le paon la vanit,
le corbeau le dsir d e longvit e t le canard lavidit.
Ventre
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11 Le Mesnevi
Quand vint lheure daller se coucher, lhomme se
retira dans sa cham bre. Une servan te, prise de colre
son gard, ly enferma.
Au milieu de la nuit, linfidle ressentit de violents
maux de ventre.
I1
se prcipita vers la por te m ais, hlas,
la trouva close, verrouille de lextrieur. I1 tenta
com me un forcen de louvrir, mais en vain. La pression
qui habitait son ventre lui rendait lespace de sa
cham bre d e plus en plus troit. E n dsespoir de cause, il
retourna se coucher. Dans ses rves, il se vit, lui, au
milieu des ruines. En effet, son cur tombait lui aussi en
ruine. Cette sensation fut si forte quil rompit ses
ablutions et souilla son lit.
A u rveil, il devint comm e fou de chagrin la vue du
dsastre.
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Contes soufis 111
que nous soyons sacrifis pour toi Cest nous de nous
occuper d e ceci. N e ten soucie pas Ce travail est faitpour la main et non pas pour
le
cur. Nous mettons
notre bonheur dans le fait dtre tes serviteurs. Si toi-
mm e tu assures le service, quelle sera no tre utilit?
e
com prends, dit le proph te, mais il y a dans tout
cela une sagesse cache s
Chacun attendit donc la rvlation de ce secret. Le
prophte nettoy a le lit de son h te avec grand soin.O r, linfidle possdait un e statu ette qu i lui venait de
ses anctres. E n chemin, il saperut soudain quil lavait
gare. Plein dangoisse, il se dit
: u
Srement, je lai
oublie dan s ma chambre. N
I1 rpugnait revenir su r les lieux d e sa hon te mais
lavidit fut la p lus forte e t il rebroussa chemin. Arriv
la de m eu re du prophte, il vit qu e celui-ci tait en trainde laver de ses propres mains le lit souill. Sur-le-
champ, il oublia sa statuette et poussa de grandes
lamentations. I1 se frappa le visage des deux mains e t
se
cogna la t te con tre les murs si bien qu e son visage se
couvrit de sang. Le prophte voulut le calmer mais,
alerte par ses cris, la foule accourut. Lhomme
se
prostnerna devant le prophte en disant :
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Contes soufis 113
essaies dattraper les gens avec le pige de lamiti.
Mais, tu nobtiendras rien de ton entourage. Une
grande partie de ta vie sest dj coule. La nuit est en
train de tomber et toi, tu songes encore
poser tes
piges T u captures une bte, tu en libres une autre.
Cest l le jeu dun enfant ignorant. Quand viendra la
nuit, tous tes piges seront vides. Tout ceci nest quun
boulet, une entrave qui gne ta m arche. Tu te prends
ton prop re pige et te prives de tes possibilits A-t-onjamais eu connaissance dun chasseur victime de ses
propres piges ?
Le seul gibier intressant, cest lamour. Mais quel est
le pige qui sert
sa captu re? Mieux vaut tomber dans
les piges de lamour. Laisse tes piges et va vers les
siens.
En ce moment mme, lamour me glisse
loreille
cette vrit
: >
Indescriptible
U n jour, un derviche demanda un au tre derviche sil
avait vu D ieu. Celui-ci rpondit :
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Le
Mesnevi
sont des favoriss de la fortune ceux qui se jettent dan s
le feu sans mme jete r un regard
la rivire d e vin La
m ultitude , ivre du plaisir prsen t, fait les frais de ce jeu.
E t le feu leur dit : O ignorants Ne vous mprenez pas
sur mon com pte E n vrit, je suis une fontaine, une
fontaine cache O Abraham I1 ny a ici ni fum e ni
flammes
si
ce nest celles de Nemrod Si tu possdes la
sagesse dA braham , le feu sera comme leau pou r toi.
Sois
comme le papillon attir par le feu .
Son
me dit :
Quand bien mme je possderais mille ailes,
je
les
brlerais tou tes
B
Lignorant me prend en piti cause de ma stupidit
et moi, jai piti d e lui car je sais de quoi il sagit
Nourriture
Un Arabe se tenait un jour sur le bord dune route
devant son chien qui agonisait. I1 se lamenta it
:
N
Ai-je mrit pareil m alheu r?
B
Un mendiant qui passait par l lui dit :
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Contes
soufis
115
Ma piti ne va tout de m me pas jusque-l Je dois
payer si je veux manger mais les larmes ne co tent rien
O
idio t U ne tranche de pain a-t-elle plus de
valeur que les larm es? Les larmes sont du sang. Cest le
chagrin qui les transforme en eau. I vaut mieux mourir
qu e gaspiller du sang B
Q uand le juste pleure , le ciel pleu re avec lui.
Fiert
U n pao n tait en train darracher ses plumes. U n sage
vint
N
O
paon Pourquoi cherches-tu tenlaidir
?
Cest
bien dommage darracher de si belles plumes. C om ment
as-tu le cur dabmer ainsi cette merveilleuse parure ?
Tes plum es sont universellement apprcies. Les nobles
sen font des ventails. Les savants sen font des
marque-pages pou r le Co ran . Quelle ingratitude qu e la
tienne As-tu jamais pens Celui qui a cr ces plumes
ou bien le fais-tu exprs? Jamais, tu ne pourras les
rem ettre en place. N e te lacre pas le corps pa r chagrin
car ce nest qu e blasphme.
H
E n entendan t ces conseils, le paon se mit pleurer et
ses larmes m urent toute lassistance. Le sage reprit
:
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Le Mesnevi
d e chasseurs ont-ils jet des flches pour pouvoir
sen
emparer
?
Je
nai plus la force de rsister
cette chasseperptuelle. I1 ne me reste qu me sparer de mes
atours et me rfugier dans le dsert ou sur la