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UFR Sciences de l’homme et de la société Département des Sciences de l’Education Master 2 pro métiers de la formation Parcours ICF FOAD Année Universitaire 2011-2012 Mémoire Ingénierie de Formation et Insertion Socioprofessionnelle: de la logique de projet au développement de l’employabilité. Directeur de Mémoire : Thomas Renaud THROMAS Mélanie N° étudiant : 21109058 Juin 2012

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UFR Sciences de l’homme et de la société Département des Sciences de l’Education

Master 2 pro métiers de la formation Parcours ICF FOAD

Année Universitaire 2011-2012

Mémoire

Ingénierie de Formation et Insertion Socioprofessionnelle: de la logique de

projet au développement de l’employabilité.

Directeur de Mémoire : Thomas Renaud

THROMAS Mélanie N° étudiant : 21109058

Juin 2012

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« Quel que soit le choix, ses conséquences financières, ses

répercussions dans une relation de couple, l’essentiel est d’avancer

avec soi-même, de progresser dans une orientation qui ne contredise

pas ce que l’on ressent comme la part centrale de soi-même »

(Pierre Dominicé, 1992)

 

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SSOOMMMMAAIIRREE INTRODUCTION p.1 PARTIE I : Contours de l’objet de recherche p.4 I- DE L’EMPLOI A L’EMPLOYABILITE P.4 1-1 La relation Emploi-Formation-Insertion p.4 1-2 Caractéristiques du marché de l’emploi p.8 1-3 La formation professionnelle continue : entre prévention et réparation p.10 1-4 L’employabilité : objet de convoitise p.16 II- SANS PROJET POINT DE SALUT !! p.18 2-1 Qu’est ce qu’un projet ? p.18 2-2 Le projet de formation p.20 2-3 Projet et méthodologie p.22 Conclusion intermédiaire : au sujet de l’ingénierie de formation. p.23 PARTIE II : Cadre de recherche p.25 I- MISSION ET PROBLEMATIQUE P.25 1-1 Contexte de l’étude p.25 1-2 La mission p.27 1-3 La problématique de départ p.28 II-METHODOLOGIE p.30 2-1 Préambule au choix méthodo- logique p.31 2-2 Méthodologies p.32 2-3 Eléments de validité et de pertinence p.39 PARTIE III : Etude p.42 I-L’INGENIERIE DE FORMATION ENTRE PROJET INDIVIDUEL ET PROJET INSTITUTIONNEL P.42 1-1 La construction d’un projet personnel de formation p.42 1-2 Du projet personnel au projet institutionnel p.46 1-3 Des projets « sur mesure » p.49 1-4 Du rôle du conseil et de l’orientation : identifier le besoin p.52 II-INGENIERIE DE FORMATION, VECTEUR D’EMPLOYABILITE P.56 2-1 L’employabilité : compétences ou capacités ? p.56 2-2 De la nécessité d’identifier le rôle de l’évaluation p.60 2-3 Parcours et processus formatif p.64 2-4 L’impact du facteur humain p.69

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III- L’INGENIERIE DE FORMATION : DES DISPOSITIFS AU PROCESSUS FORMATION p.74 3-1L’ingénierie de formation : relier pour une meilleure sécurisation des parcours p.75 3-2 L’ingénierie de formation : des qualifications à la qualification p.78 3-3 Du rôle prédominant des apprentissages en situation de travail p.82 3-4 L’individualisation : un terme générique pour des pratiques équivoques p.86 CONCLUSION P.93 BIBLIOGRAPHIE P.100 ANNEXES p.105 Annexe 1 : Organigramme de la structure Annexe 2 : Organigramme du service Annexe 3 : Organisation des actions de formation Annexe 4 : Logique de mobilisation des fonds publics. Annexe 5 : Schéma d’élaboration d’un projet formation Annexe 6 : Evaluations

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1  

INTRODUCTION

Le chômage défini par le petit Larousse (2005) comme la cessation

contrainte de l’activité professionnelle d’une personne se présente

comme la « résultante de diverses composantes plus ou moins

handicapantes : difficultés à définir un projet professionnel, âge,

situation du bassin d’emploi, inadaptation des compétences, problème

d’exclusion sociale. »1

Ces définitions plantent les jalons du contour de notre étude. En effet,

le traitement du chômage s’inscrit au cœur des intentions de

l’ensemble des politiques d’insertion mises en œuvre ces 30 dernières

années, depuis que dans le milieu des années 1980 est apparu un

chômage massif qui a vu émerger des personnes privées durablement

d’emploi, dit « chômeurs de longue durée ». Dés lors, l’origine de ce

fléau a dû se reposer car la seule réponse du défaut de qualification

n’y suffisait plus tant elle a vu s’accroître un nombre considérable de

problématiques individuelles générées et accentuées pour partie par la

privation d’emploi elle-même et la désocialisation qu’elle entraîne.

Ces politiques qui tentent de s’adapter à ces nouvelles donnes

et de traiter le problème par des refontes institutionnelles et

législatives œuvrent progressivement pour une approche individuelle

dans la gestion des parcours professionnels. Elles intègrent la

formation non plus comme un simple outil d’ajustement structurel

mais comme une étape qui s’inscrit dans la continuité de l’ensemble

des moyens mis en œuvre pour assurer la continuité du parcours

professionnel de la personne ou de réduire au maximum les effets

déstructurant de la privation d’emploi.                                                             

1 GUITTON Christophe, SIBILLE Hugues, (dir), 1992, Former pour insérer, Evaluation d’une politique publique de lutte contre le chômage de longue durée, Editions Syros, 239p.

 

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L’évolution du cadre légal de la formation professionnelle

continue suit cette dynamique en affichant une volonté de permettre à

chacun d’être acteur de son propre parcours, de maintenir son niveau

d’employabilité et d’anticiper les éventuelles ruptures

professionnelles.

Tout l’enjeu réside alors dans la conciliation entre offre de

formation et demande d’insertion, gestion quantitative et qualitative

du chômage et la gestion de l’interdépendance des systèmes

institutionnels entre eux que ce soit, entre autres aussi bien ceux liés

aux diverses indemnisations que ceux permettant le financement des

actions.

Dans le même temps, le secteur de l’Insertion par l’Activité

Economique (IAE) lui-même apparu dans les années 1970 et

définitivement reconnu par l’article L5132-11 du code du travail

participe ainsi de cette régulation du flux quantitatif des demandeurs

d’emploi. Il se doit cependant également d’agir sur les freins qui

génèrent leur exclusion du marché de l’emploi. Composante de ce que

l’on nomme aujourd’hui l’Economie Sociale et Solidaire, l’IAE se

doit d’assurer 4 fonctions principales :

1. l’accueil et l’intégration des salariés en insertion,

2. l’accompagnement social et professionnel,

3. la formation des salariés en insertion,

4. la contribution à l’activité économique et au développement

territorial.

Pris dans un tourbillon de dispositifs destinés à réinsérer, nous

constatons qu’il existe une dualité entre la capacité et la volonté de

l’individu de choisir et être acteur de la direction qu’il souhaite donner

                                                            1 « L’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en œuvre des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement ».

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à son devenir professionnel et l’existence de prérogatives

institutionnelles qui peuvent soit se présenter comme des opportunités

soit orienter de manière coercitive l’évolution professionnelle de la

personne.

Ce qui nous intéresse dans le sujet que nous abordons réside bien dans

cette « négociation » si ce n’est obligatoire pour le moins inéluctable

entre l’individu et le cadre institutionnel dans lequel s’insère son

projet formation et le rôle que peut jouer une pratique émergente en la

matière : l’ingénierie de formation.

Habituées des missions d’accompagnement, conseil et orientation qui

leurs sont dévolues, les structures de l’IAE, voient poindre de

nouvelles fonctions liées à l’apparition de projet de formation qui

s’inscrivent dans un contexte institutionnel qui se complexifie du fait

de la raréfaction de solutions plus individuelles que collectives, de la

démultiplication des instances compétentes en matière de

financement, et de la recherche d’une cohérence structurée entre

trajectoire professionnelle, expérience et formation.

Ainsi, nous aborderons, dans un premier temps le cadre général dans

lequel a évolué d’une part la relation emploi-formation qui prend en

compte l’évolution du rôle joué par la formation professionnelle

continue et le développement de la notion d’employabilité. D’autre

part, nous nous attacherons à considérer la place accordée au projet et

le rôle dévolu à l’ingénierie de formation. Dans un second temps, nous

livrerons les résultats de notre recherche qui tentera en premier lieu de

dégager en quoi l’ingénierie de formation participe à l’émergence de

projets formation « sur mesure ». En second lieu, nous constaterons

que ce faisant, l’ingénierie de formation contribue à structurer les

parcours de formation et donc les trajectoires socioprofessionnelles.

Nous expliquerons dans un troisième temps, en quoi cela peut

contribuer à élever le niveau d’employabilité de la personne.

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PARTIE I : CONTOURS DE L’OBJET DE RECHERCHE

I- DE L’EMPLOI A L’EMPLOYABILITE

1-1 La relation Emploi-Formation-Insertion

Nous savons tous que si le taux de chômage n’a cessé d’augmenter

depuis le choc pétrolier de 1975 entraînant avec lui, durant les années

80 une augmentation des demandeurs d’emploi de longue durée, il est

plus méconnu que celle-ci s’accompagne également d’une

augmentation du nombre des demandeurs d’emploi de très longue

durée(au-delà de 2 ans) sur laquelle la reprise de la fin des années 80

n’a eu que peu d’impact et qui constitue désormais une caractéristique

intrinsèque et impénétrable du marché de l’emploi. Or, on sait

désormais que le seuil d’un an d’inactivité professionnelle constitue

un cap au-delà duquel les personnes s’inscrivent plus progressivement

dans une démarche de non emploi. Une enquête réalisée par l’INSEE

en 1991 et reprise dans une étude menée par l’ANPE1 à cette même

époque parle de « modèle de cheminement » qui induit un rapport

stable au marché du travail : contrat à durée déterminée, régime stable

de travail temporaire ou au contraire installation dans le chômage

(Huygues-Despointes, 1990). Ceci ne signifie pas que de manière

systématique les demandeurs d’emploi de longue durée se trouvent

condamnés à errer dans les méandres de recherches d’emploi peu

fructueuses mais il y a fort à parier qu’il s’agit là du sort réservé à un

noyau dur d’entre eux.

                                                            1 Agence Nationale pour l’Emploi devenue depuis le 19 Décembre 2008, Pôle Emploi, né de la fusion entre l’ANPE et les Assédic.

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Si l’on s’en réfère à l’étude menée par Bernard Martin1, jusqu’en

1974 la formation ne venait couvrir que les besoins de salariés qui

avaient intégré la sphère de l’emploi majoritairement par la voie de la

formation initiale et qui avaient besoin, soit pour progresser au sein de

leur entreprise soit pour changer d’emploi de faire évoluer leurs

compétences. A partir de 1975 jusqu’au début des années 1980 se

profile une nouvelle configuration du marché de l’emploi qui

positionne le champ de la formation comme le vecteur permettant de

réguler l’afflux d’un pan entier de la population touché par un

chômage qui se nourrit aussi bien de personnes provenant directement

de la sphère éducative que de celle de l’emploi.

Une étude de Lucie Tanguy2 explique les facteurs qui ont amené à une

situation de déclassement des qualifications que nous connaissons tous

bien maintenant et qui touche ou a touché en premier lieu les

personnes que nous retrouvons dans les dispositifs et structures

d’insertion professionnels :

« Pour comprendre cette évolution, il faut se référer aux phénomènes

de concurrence pour l’accès à l’emploi et de relégation au chômage.

Ainsi la prise en compte des entrées en emploi que permettent les

bilans montre que les emplois non qualifiés ont vu leur nombre

baisser plus rapidement que celui des individus les moins

qualifiés(baisse du nombre d’emplois de 42% pour les hommes et de

36% pour les femmes, pour une baisse de 26% des effectifs des non

diplômés des deux sexes). Et comme le nombre des emplois qualifiés,

qui représente 80% des effectifs des hommes titulaires d’un CAP, d’un

BEP ou d’un baccalauréat en 1973 n’en représente plus que 54% en

1980(les chiffres étant respectivement de 82% et de 43% pour les

femmes), ces diplômés se sont en partie reportés sur des emplois non

                                                            1 MARTIN Bernard, (1993), L’emploi par la formation, les populations en grande difficulté, Lyon, Ed.Chronique Sociale, 145p. 

2 TANGUY Lucie, (dir.), 1989: L’introuvable relation formation/emploi, Paris, La documentation française.

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qualifiés, la part de ceux-ci croissant donc pour cette catégorie, une

proportion grandissante de non diplômés se voyant rejetée dans une

situation de chômage ».

Ainsi la formation s’adresserait à deux typologies de chômeurs et

répondrait à deux missions différentes :

1- La première consiste à qualifier des chômeurs qui appartiennent à

un « flux » régulier d’inactifs qui se régule parce que ceux-ci

trouveront plus ou moins rapidement un emploi. Ce qui ne signifie

pas qu’ils retrouvent un emploi du fait d’avoir « investi » dans la

formation, mais parce que le laps de temps consacré à celle-ci

correspondait peut-être au temps nécessaire pour qu’émergent sur

le marché de l’emploi des postes auxquels ils pouvaient prétendre.

2- La seconde consiste à gérer un stock de personnes durablement

privées d’emploi et dont on sait qu’elles n’y parviendront que très

difficilement, si elles y parviennent. Il s’agit des chômeurs de

longue durée. La formation permet alors de répondre dans un

premier temps au besoin de faire tourner le stock de chômeur de

longue durée et de faire ainsi baisser leur temps d’inactivité. Dans

un deuxième temps elle permet une prise en charge et un

traitement « psychologique » de l’inactivité. Mieux vaut être en

formation même si l’horizon professionnel ne s’en trouve pas

dégagé pour autant que chez soi à s’enliser dans une détresse

quotidienne et sans issue.

Les politiques et dispositifs de promotion et surtout de financement

d’actions de formation à destination des demandeurs d’emploi

relèvent d’une stratégie qui s’appuie sur une évaluation permanente

des besoins du bassin d’emploi concerné. Cette évaluation, menée par

des organismes intégrés aux différents financeurs que sont Pôle

Emploi et la région leur permettent de déterminer des orientations et

des axes de formation prioritaire, ce sont les GFE (groupe emploi

formation) à partir desquels s’élabore les programmes de financement

notamment le fameux SPRF (Service Public Régional de la

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Formation). Les demandeurs d’emploi qui souhaiteraient acquérir une

qualification qui ne relève pas des programmes ainsi constitués ne

disposent que d’une marge de manœuvre infime puisqu’ils n’ont que

peu de chance d’obtenir un accord de financement. Ils doivent alors se

retourner vers des solutions individuelles dont l’autofinancement,

solutions qui relèvent de l’utopie.

La contrepartie d’un tel fonctionnement qui a certainement eu pour

effet d’éviter bien des égarements professionnels a été, comme nous

l’avons constaté, de créer des appels d’air sur certaines qualifications

sur une durée peut être trop longue et pour lesquelles l’effet a été

l’inverse de celui initialement prévu, à savoir, faciliter le recrutement

de personnes éloignées de l’emploi. Lorsque le taux d’emploi à

pourvoir a été atteint, le dispositif aurait du s’interrompre pour éviter

de former des personnes pour des emplois qui seraient pourvu le

temps qu’elles terminent leur formation. Le problème réside dans le

fait que les études menées par les observatoires de prospection, ayant

identifié un secteur dit « en tension », ne tiennent pas compte du

temps qu’il faudrait à ce secteur pour réussir à recruter le personnel

suffisant pour pourvoir à ses besoins. Il leur faudrait pour cela tenir

compte du fait que les employeurs ne « s’approvisionnent » pas

uniquement auprès des demandeurs d’emploi sortant de formation

mais qu’ils sont également alimentés par les salariés formés en

interne, les demandeurs d’emploi déjà qualifiés, les surdiplômés que

l’on recrute massivement dés lors qu’il y a pénurie d’emploi et ceux

qui accèdent à la qualification par des voies autres que celles réservées

aux publics en insertion, notamment celle de la formation initiale et de

la validation des acquis de l’expérience(VAE). Les secteurs de la

petite enfance et de l’aide à domicile sont les plus concernés par ce

phénomène. Ceci a pu contribuer à créer des voies de garage pour des

publics déjà en mal d’insertion professionnelle car il s’agit de

formation professionnelle pour la plupart de niveau V et qui n’offrent

que peu de perspective soit de poursuite d’études soit de transfert de

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compétences à un autre secteur d’activité car trop spécialisées. De

toute façon, rares sont les demandeurs d’emploi qui, ayant investi du

temps, de l’énergie et indirectement des moyens (du fait d’avoir

accepté parfois de voir leur situation matérielle et financière se

dégrader du fait de l’entrée en formation) accepteraient de se relancer

dans l’aventure de la formation parce que celle qu’ils viennent de

terminer n’a déjà plus de pertinence sur le marché de l’emploi. Ils se

retrouvent alors de nouveau sur les structures d’insertion

professionnelles, à la différence près que cette fois-ci ils sont

qualifiés !! Mais toujours sans emploi et pas prêts d’en trouver !

S’il est de plus en plus commun de parler de l’évolution du marché de

l’emploi, il nous semble important de nous arrêter un temps soit peu

sur les diverses acceptions que ce terme recouvre pour identifier de

quelle manière cela peut avoir un impact sur les publics que nous

embauchons.

1-2-Caractéristiques du marché de l’emploi

Nous nous réfèrerons dans un premier temps aux notions de marché

interne et externe développée par Claude Dubar1 dans une approche

micro-économique. Ils représentent tous les deux, deux voies d’accès

au marché de l’emploi au sein desquels la formation joue un rôle

différent. Le marché interne définit l’évolution professionnelle au sein

d’une structure qui privilégie et promeut pleinement l’ascension par le

biais de l’augmentation du niveau de qualification mais également

celui de la valorisation de l’expérience interne. Ce fonctionnement

relève d’un type plutôt bureaucratique mais nous intéresse en ce qu’il

renvoie à la notion de carrière, notion dont sont dépourvues les

personnes que nous accueillons, du moins au moment de leur entrée

sur notre structure. Par opposition, le marché externe correspond à la

                                                            1 DUBAR Claude (2000), La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 255p.

 

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phase plus ou moins préalable, la phase d’insertion, où s’opère un jeu

de concurrence pour accéder au marché interne et ce faisant, à une

certaine stabilité, à une certaine sécurité de l’emploi. Cependant, le

rôle joué par le niveau de formation (initiale) est d’autant plus

prégnant sur le marché externe qu’il conditionnerait la rapidité avec

laquelle les individus en sortiraient. Ainsi, ce marché pourrait se

caractériser par des allers et venues entre des emplois de transition et

des périodes de recherche et/ou d’acquisition éventuelle de nouvelles

compétences. Nos structures offrent une échappatoire à cette dualité

entre marché interne et marché externe en ce qu’elles n’offrent aucune

perspective d’évolution interne mais préparent soit à l’accès direct au

marché interne soit au retour sur le marché externe en ayant,

normalement, accru son capital concurrentiel.

Rentrons maintenant un peu plus dans le détail dans la mesure où il

faut tenir compte des évolutions structurelles du marché de l’emploi.

Pour ce faire, les mutations technologiques et économiques, la

mondialisation et l’internationalisation de la concurrence sont souvent

invoquées, au même titre que les évolutions démographiques qui

contribuent à déterminer le niveau et type de qualification requis voire

même plus particulièrement le niveau et la nature des compétences

recherchées. Si ces causes sont invoquées, c’est parce qu’elles

modifient au passage la nature même des emplois. Nous emprunterons

à Philippe Zarifian1 la description des trois grandes mutations qui

définissent aujourd’hui ce que travailler veut dire. La première

consiste à gérer des évènements. Parce qu’il ne s’agit plus de produire

en masse des produits standards mais de diversifier une gamme de

produits qui soit spécifique à un grand nombre de clients. Ainsi, il

entend par ce terme le fait d’avoir à gérer une discontinuité dans la

                                                            1 ZARIFIAN Philippe (1999), « Objectif compétence. Pour une nouvelle logique » in EVEQUOZ Grégoire (2004), Les Compétences clés, Paris, Ed. Liaisons, pp 39-59.

 

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production liée à des ruptures qui peuvent subvenir de manière

imprévisible et surtout qui relève d’une certaine singularité. La

seconde mutation, plus explicite renvoie au fait de produire des

services. Il considère que désormais, toute production induit la notion

de service dés lors qu’elle s’adresse à un destinataire. Cette notion

n’est plus l’apanage du secteur tertiaire. Enfin, Philippe Zarifian

postule que le propre du travail contemporain est la place

prédominante donnée à la communication. Ces mutations sont

importantes à retenir parce qu’elles induisent un nouvel élément dans

la relation emploi- formation. Elles nécessitent en effet, entre autres,

que les individus soit en capacité de faire preuve d’initiative, de

responsabilité, d’anticipation, et d’analyse. La seule qualification peut

alors ne plus y suffire et nous entrevoyons les limites de la relation

emploi-formation qui s’insinuent dans l’apparition d’un genre

nouveau de compétences qui relèvent plus de « qualités personnelles »

et d’aptitudes que de la combinaison de savoirs.

Ce qui se joue au niveau individuel dans la relation emploi-formation

serait alors d’éviter des ruptures trop récurrentes entre marché interne

et marché externe en développant régulièrement un ensemble

d’aptitudes fruit de la qualification, de l’expérience et de qualités

personnelles.

Pour ce faire, la formation professionnelle continue peut se présenter

comme un outil de prévention de ruptures durables avec le monde du

travail.

1-3 La formation professionnelle continue : entre prévention et

réparation.

Un des objectifs de la formation professionnelle continue ne

serait-il pas alors de lutter contre ce que Yves Morvan1 appelle la

                                                            1 Professeur émérite de l’université de Rennes 1

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« fracture cognitive »1 qui touche en premier lieu les non ou les moins

qualifiés ?

Le rôle joué par la formation professionnelle continue s’inscrit dans

une démarche d’insertion professionnelle jalonnée par des périodes de

transitions. Le tout constitue ce que nous pourrons appeler parcours

professionnel. Il convient de revenir rapidement sur ces termes qui

plantent le décor dans lequel se réalise notre terrain de recherche.

Pour Lucie Tanguy2, le processus de transition professionnelle

« affecte tout le monde et peut se produire à tout moment de la vie ».

Cependant, il n’affecte pas les individus de la même manière et par

conséquent n’induit pas les mêmes comportements. Pour les publics

que nous accueillons, les différentes phases de transition

professionnelle se présentent de manière beaucoup plus récurrente,

sont subies plus que vécues comme des opportunités et ne sont pas

nécessairement investies de sens sur du long terme mais représentent

un pis- aller par rapport à une situation qui pourrait être pire que celle

dans laquelle ils se trouvent.

Le terme même de transition professionnelle devient sujet d’étude

dans les années 70 en lien avec les diverses mutations socio-

économiques. Il n’est d’ailleurs certainement pas anodin que de

manière concomitante soit votée une des premières lois liée à la

formation professionnelle continue3.

Pour l’auteure, ce terme convient mieux que celui d’insertion car il

retranscrit de manière plus pertinente l’idée d’un processus complexe

                                                            1 En référence à l’expression « fracture numérique », la « fracture cognitive » renvoie à un système inégalitaire entre ceux qui accèdent aux savoirs et ceux qui n’y accèdent pas ; entre ceux qui, pour diverses raisons, ont pu entrer dans un processus formatif et ceux qui en sont exclus. 2 TANGUY Lucie., (dir.), 1989: L’introuvable relation formation/emploi, Paris, La documentation française,302 p. 3 Loi Delors du 16 juillet 1971 portant sur l’organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente mais également liée à l’apprentissage, l’enseignement technologique et professionnel ainsi que la règlementation de la participation financière des employeurs aux formations technologiques et professionnelles.

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régit par des temps de « transition » relativement autonomes par

rapport à celui de la formation ou de l’emploi. Ces derniers

fonctionnant selon des règles et des procédures spécifiques.

Ainsi, Lucie Tanguy propose de définir la transition professionnelle

comme : « l’ensemble des formes sociales de la mise au travail des

inactifs ».

Nous entendrons donc la mise au travail à travers les caractéristiques

suivantes :

1-Pouvoir être un agent de production dans un cadre régit par des

normes qui déterminent les moyens à mettre en œuvre pour satisfaire

et répondre à la demande (compétences techniques, savoirs, diplômes

requis, expériences, maîtrise des rapports sociaux).

1- Etre en situation de se présenter sur le marché du travail comme un

individu potentiellement « actif » (par opposition à des périodes ou

la personne, pour des raisons diverses, ne veut (congés maternité)

ou ne peut (maladie) rechercher d’emploi).

2- Etre un agent social économique gouverné par un rapport au

salariat qui lui confère en ce sens un certain nombre de

prérogatives.

La transition professionnelle se veut un processus singulier, long et

complexe.

Elle se caractérise par des périodes de vie observables marquées par

des ruptures et/ou changement de statut, d’activité, de priorités. Lucie

Tanguy distingue les temps de vie où « la mise au travail est

secondaire » et ceux où «elle est temporairement acquise ». Ainsi il y

a un temps pour la préparation, l’acquisition, la production des pré-

requis quels qu’ils soient, et un temps pour leur mise en œuvre dans le

cadre d’un espace professionnel structuré.

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La complexité du processus de transition professionnelle tient à

l’imbrication de composantes qui agissent en amont, en aval ou dans

l’accès à l’emploi lui-même. Ces composantes s’avèrent être de

différentes natures (professionnelles, sociales, psychologiques,

financières) et induisent une multiplicité de statut (demandeur

d’emploi, stagiaire, inactif, actif précaire). Comme nous le constatons

par le biais de notre terrain, ces composantes et statuts peuvent

s’additionner rajoutant un niveau de complexité supplémentaire et

l’identification du stade et de la nature de la transition difficile.

La véritable distinction d’avec l’insertion s’opère dans ce que la

transition professionnelle se réalise dans le cadre d’un processus

socialement organisé. Ainsi apparaît une relativement grande diversité

d’agents de « médiation » qui interviennent à différents niveaux

(politique, accompagnement, conseil, financier, pédagogique) et qui

s’incarnent dans les rôles attribués aux différents acteurs sociaux qui

constituent un élément du rouage à un moment donné. Ce rouage a

pour vocation d’encadrer le processus de transition de sorte d’y

apporter en permanence une solution adaptée. Cet élément représente

une donnée majeure qui influera sur l’attribution des fonctions

assignées à l’ingénierie de formation dans le cadre d’une Structure

d’Insertion par l’Activité Economique.

Si la notion de parcours intègre depuis maintenant plusieurs années

l’idée qu’un même individu fera de moins en moins « carrière » au

sein d’une même entreprise, cette considération fait partie intégrante

du fonctionnement des personnes dites en insertion pour des raisons

qui n’émanent néanmoins pas d’un choix personnel. Ceci rend leur

avenir aléatoire et contredit une définition généraliste du parcours qui

considèrerait, comme le rappelle Christophe Parmentier1, qu’il s’agit

de se rendre d’un point à un autre. Dans le cas de notre étude, à la

                                                            1  PARMENTIER Christophe (2011), Encadrer et sécuriser les parcours professionnels, Paris, Ed. Dunod, 213p. 

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différence de salariés pour lesquels l’entreprise se charge de jalonner

les perspectives d’évolution ou d’anticiper les conditions de maintien

dans l’emploi, le point d’arrivée représente souvent une nébuleuse

avec laquelle il faut composer.

L’idée même de parcours professionnel renvoie de manière beaucoup

plus insistante l’individu face à ses « responsabilités » et au rôle

majeur qu’il devrait jouer en prenant en charge les conditions de

maintien d’un certain niveau d’employabilité (et

adaptabilité).Cependant, cette vision des choses, même si elle se

concrétise, entre autre, par l’évolution du cadre légal de la formation

professionnelle continue (notamment à travers le Droit individuel à la

formation) et des moyens accrus de reconnaissance et validation des

compétences et qualifications( à travers la VAE par exemple), peut

occulter l’inaccessibilité et l’incapacité de tout un chacun de les

mobiliser soit par manque de maîtrise des modes d’organisation qui

les gouvernent soit parce que le cadre socio- professionnel dans lequel

se trouve l’individu ne permet pas de les utiliser comme tel.

Ainsi l’émergence de la notion de sécurisation des parcours

professionnels devrait se présenter comme un ensemble de mesures

qui, si elles ne parviennent pas à enrayer le phénomène d’exclusion

professionnelle permet de prévenir et anticiper les ruptures1.

Cependant, encore faut-il pouvoir identifier les facteurs qui génèrent

les ruptures, tous les individus ne possèdent pas la capacité

d’anticipation et les entreprises qui ne se munissent que

progressivement d’outils le permettant sont peut être encore démunis

face à une certaine catégorie de salarié dont les causes de ruptures

peuvent être difficiles à identifier parce qu’elles ne relèvent pas

toujours nécessairement que du secteur professionnel.

                                                            1 En témoigne la dernière loi en date du 24 Novembre 2009, loi d’orientation et de formation portant sur la création du Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels qui assure la péréquation des excédents des OPCA mais aussi le financement d’actions de qualification ou de requalification des demandeurs d’emploi ou salariés les moins qualifiés.

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Certains, principalement les partenaires institutionnels, considèrent

que les Structures d’Insertion par l’Activité Economique(SIAE)

relèvent de cette sécurisation des parcours professionnels. Nombre de

ces structures elles-mêmes pensent qu’elles opèrent dans le registre de

la réparation lorsque la rupture avec le milieu professionnel a déjà été

consommée.

L’insécurité professionnelle relève d’ailleurs, bien au-delà d’une

probabilité de risque liée à des facteurs objectifs, d’un sentiment

personnel construit autour de sa situation personnelle. Une étude

menée au niveau européen par Laurence Rioux et Alexandre Deloffre

entre octobre 2000 et octobre 2001 confirme les constats faits

quotidiennement par notre service, à savoir que les caractéristiques

sociales et les parcours individuels influencent ce sentiment

d’insécurité ; une personne seule avec un enfant et ayant déjà connu

des périodes de chômage vivra d’autant plus dans la crainte d’une

prochaine rupture.

La sécurisation des parcours professionnels qui pourrait se présenter

comme une avancée majeure en matière de lutte contre les exclusions

professionnelles nous concerne de ce fait en premier lieu. Cependant,

il nous faut tenir compte du contexte de sa création et des limites

qu’elle rencontre à ce jour.

Inspirée de la flexisécurité danoise, scandinave et anglaise, la

sécurisation des parcours professionnelle telle qu’elle se conçoit

depuis le traité de Lisbonne (2006) renvoie à une volonté européenne

d’assurer la sécurité de l’emploi tout en préservant une flexibilité

suffisante au marché de l’emploi pour satisfaire l’offre et la demande.

Ainsi, la sécurité de l’emploi désigne « le fait, pour une personne, de

demeurer employée sans interruption notable, même si il y a

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changement d’entreprise »1. Cette sécurité se mesure donc par le

risque de se trouver durablement sans emploi.

La formation professionnelle continue met en évidence le rôle que

joue la formation (quelle qu’elle soit) dans la sécurisation des parcours

professionnels en ce qu’elle devrait permettre de maintenir un certain

niveau d’employabilité.

1-4 L’employabilité : objet de convoitise

La notion d’employabilité renvoie à un rapport « pervers » au

marché du travail. Ce dernier exerce un pouvoir discriminant par

lequel il définit si telle ou telle personne est ou n’est pas employable.

Les critères d’appréciations s’avèrent cependant aléatoires tant ils sont

soumis à un certain nombre de paramètres qui fluctuent en fonction de

l’état du marché du travail même s’il est commun de ne rejeter que sur

l’individu le défaut d’employabilité.

Ainsi, employabilité et insertion professionnelle sont intimement liées

pour deux raisons :

1-Ce concept n’existe que parce qu’il y a confrontation entre offre

et demande d’emploi dans des proportions rarement équitables.

2- L’employabilité d’une personne ne se définit que par rapport à

un cadre professionnel qui pose les exigences inhérentes à son

activité, son contexte de production, son mode d’organisation.

Nous retiendrons la définition faite par Yvon Minvielle2 pour qui il

s’agit de: « la capacité des personnes à remplir les conditions

nécessaires et suffisantes pour se maintenir ou trouver un emploi à

l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise ».

Ainsi, être employable se traduirait par :

                                                            1 Rapport d’étape provisoire sur la sécurisation des parcours professionnels, Mars 2007, Paris, Conseil d’Orientation pour l’Emploi, p.31 2 MINVIELLE Yvon, (1996), « Employabilité, compétences et validation des acquis », in Stratégie et compétences, n°10.

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1-la capacité à obtenir un emploi initial, conditionné entre autre par le

système éducatif

2-La capacité à conserver son emploi et à mener à bien les transitions

entre les emplois et les rôles dans une même organisation.

3-La capacité à trouver un autre emploi si nécessaire.

Ces éléments nous amènent à plusieurs considérations.

L’employabilité relève de la « performance de l’individu », autrement

dit de son niveau de compétence. Ce terme étant entendu dans son

acception la plus générale, à savoir, la capacité de mobiliser des

savoirs, la capacité de les combiner entre eux, et la capacité de les

transférer à de multiples situations de travail.

L’employabilité relève également de la capacité d’initiative,

d’autonomie et d’anticipation de l’individu quant au fait d’être acteur

du maintien de son niveau d’employabilité. Il s’agit d’une capacité

réflexive à mettre en lien les acquis quelque soit le cadre dans lequel

ils ont été appris (fruit de l’expérience, formation initiale, continue,

professionnalisation sur le poste de travail).

L’employabilité relève de l’étendue des réseaux sociaux et de la

capacité de la personne à maîtriser les « codes » qui régissent la

recherche d’emploi et l’aptitude à « se vendre » auprès d’un potentiel

employeur.

Dans tous les cas, il s’agit bien d’évaluer et de mesurer les écarts qui

séparent l’individu des prérogatives fixées par le marché du travail.

Cependant, parce que certaines modifications structurelles de ce

marché peuvent fragiliser ou renforcer la sécurisation des parcours

professionnel, nous assistons de plus en plus au développement d’une

« co- responsabilité » partagée entre la personne, l’entreprise, l’Etat et

les politiques qu’il met en œuvre. Ce dernier tend à résoudre un

paradoxe qui veut que l’on soit privé d’emploi parce

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qu’ « inemployable » mais que l’employabilité se construit et

s’entretien principalement dans l’emploi. Ainsi, nos structures

répondent à cette volonté politique de ne pas laisser choir le niveau

d’employabilité de personnes privées d’emploi et de leur proposer

d’autres voies d’accès à la qualification.

Cependant, toute action qui viserait à développer ou maintenir le

niveau d’employabilité de la personne ne peut se réaliser si elle n’est

pas traversée ou impulsée par une dynamique individuelle ou

institutionnelle qui pourrait s’incarner dans la notion de projet.

II SANS PROJET, POINT DE SALUT !

Le projet en soi et quel qu’il soit porte en lui, selon Pierre

Goguelin1, trois caractéristiques intrinsèques qui nous paraissent

incontournables:

1-Pouvoir se représenter le futur à travers une image mentale.

2-Garder en mémoire cette image jusqu’à ce que soit posé les actes

permettant de l’atteindre.

3-Pour ce faire, planifier un programme d’actions.

Ces caractéristiques constituent des points de repères qui peuvent nous

permettre d’identifier dans le cadre de notre pratique, si l’action en

cours relève bien d’un projet ou d’une simple utopie.

Pour autant, il nous semble important de faire un détour du côté de la

philosophie pour interroger ce qui constitue l’essence même de la

notion de projet.

                                                            1  GOGUELIN Pierre, KRAU Edgar (1992), Projet professionnel, projet de vie, Château-Gontier, ESF Editeur, 194p. 

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2-1 Qu’est ce qu’un projet ?

Nombre d’auteurs font état de société « sans-projet » ou « anti-

projet » pour reprendre l’expression de J.P Boutinet1 pour désigner

des organisations sociales dites « traditionnelles » au fort pouvoir

intégrateur du fait de la prégnance de leurs institutions. Dés lors que

celles-ci commencent à faire preuve de moindre autorité, les individus

se retrouvent confrontés à eux-mêmes. Le lien social doit être repensé

car mis en péril par la montée de la capacité d’autonomisation de

chacun et la dissolution de repères communs, vecteurs d’intégration.

Se profile alors la nécessité de se projeter si ce n’est individuellement

au moins collectivement pour anticiper des ruptures et réduire

l’apparition de ces facteurs de délitement de la cohésion sociale.

Cependant, on constate, à l’instar de ces sociétés dites

« traditionnelles », que, dans nos sociétés « modernes », plus les

personnes sont en situations de précarité, plus elles sont concentrées

sur une immédiateté du quotidien qui relève parfois de la survie et

moins elles sont à même de développer une capacité d’anticipation

qui constitue pourtant un puissant fertilisant dont se nourrit le projet.

En visitant l’émergence philosophique du concept de projet, nous

constatons qu’il porte en germe, dés le départ, les notions

d’anticipation, de motivation et d’autonomisation.

Dés la première moitié du XXème siècle, on perçoit comment, avec

Heidegger2, projet et intentionnalité sont intimement liés. Cependant,

le vouloir induit-il le passage à l’acte ? Nous considérons que, pour les

publics en insertion, l’intentionnalité même peut déjà constituer un

projet en soi. Pour aller plus loin, Heidegger associe le projet à celui

de « souci » (Sorge) qui émane de cette liberté dégagée par

                                                            1 BOUTINET Jean Pierre (1990), Anthropologie du Projet, Paris, PUF ,297p. 2 HEIDEGGER Martin (1964), L’être et le temps, Paris, Gallimard.

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l’individualisation et qui impose à l’individu comme compétence

première le « savoir être autonome », capacité à se projeter, à

identifier et concevoir un devenir possible. Le projet met ainsi

l’individu face à ses responsabilités ; idée sous jacente largement

véhiculée dans la sphère professionnelle par le développement du

principe de formation tout au long de la vie qui veut que tout un

chacun prenne en main les conditions de maintien de son

employabilité.

Jean Paul Sartre lui, a affirmé que : « tout homme se définit

négativement par l’ensemble des possibles qui lui sont impossibles,

c’est-à-dire par rapport à un avenir plus ou moins bouché »1. Cela ne

signifie-t-il pas en ce qui nous concerne que au-delà du simple fait de

choisir pas défaut, l’homme est capable, seul ou avec une aide

extérieure, d’évaluer de manière pertinente les facteurs et conditions

de réussite d’un projet et ceux qui conduisent à l’échec ? Rentre alors

en ligne de compte la relation que l’individu entretien avec son

environnement. Pour Merleau-Ponty2, le projet est précisément ce qui

relie l’individu, le sujet, à son environnement par le truchement de

l’intention et de l’anticipation.

Il nous faut alors identifier ce sur quoi porte le projet. Doit-on parler

de projets ou de projet ?

2-2 Le projet de formation.

Le projet de formation n’a presque pas de sens en soi s’il n’est pas

associer à un projet plus global dont il fait parti et qui est le projet de

vie. Celui-ci gouverne la manière dont chaque individu opère à un

                                                            1 SARTRE Jean Paul (1985), Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard. 2 MERLEAU-PONTY Maurice (1945), Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard.

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moment donné des choix qui ont pour conséquence d’organiser et

d’arbitrer l’agencement des 4 grandes sphères dans lesquelles évolue

tout individu et que Pierre Goguelin1 identifie par la sphère sociale,

économique, familiale et celle du développement personnel. Ainsi, le

projet de vie sert de fil conducteur et définit le degré d’investissement,

à un moment donné, dans l’une ou l’autre de ces sphères. Nous

observons en effet qu’il détermine la trajectoire que souhaite

emprunter la personne. Cette trajectoire qui s’inscrit dans le long

terme, s’élabore à travers un ou plusieurs projets à court ou moyen

terme. Le projet de vie, parce qu’il se nourrit des diverses expériences

rencontrées ou construites, évolue, et peut, à tout moment, changer

ainsi d’orientation. Cet arbitrage que l’individu doit opérer, résulte,

toujours selon Pierre Goguelin de facteurs internes et de facteurs

externes. Les premiers, qui sont des facteurs propres à la personne

peuvent se résumer en trois grandes catégories : les capacités et

aptitudes, la ou les motivations et la personnalité. Nous constatons

qu’il s’agit d’éléments qui relèvent à la fois de l’inné et de l’acquis et

qu’il est donc difficile de les identifier. Les facteurs externes, eux,

relèvent des conditions dans lesquelles vit l’individu. Il s’agit donc

des conditions économiques et sociologiques, de l’environnement

socio-économique, des opportunités ou des obstacles.

Pour un public en insertion, le projet de formation peut ainsi s’inscrire

dans une volonté de reconquérir son investissement dans une des

sphères précédentes et de regagner la main mise sur un projet de vie

qui a du mal à s’inscrire sur du long terme car il s’agit bien souvent

d’un projet de « sur- vie ». Le projet formation, parce qu’il joue un

rôle socialisant maintenant bien connu, interfère sur les

représentations sociales de l’avenir que peuvent avoir ces personnes et

les replace dans une dynamique d’ « être capable de ». Cette

                                                            1 GOGUELIN Pierre, KRAU Edgar (1992), Projet professionnel, projet de vie, Château-Gontier, ESF Editeur, 194p.

 

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socialisation est rendue possible parce qu’elle se réalise dans cadre

« voulu et organisé » comme tel pour reprendre l’expression d’Yvon

Minvielle et Marcel Lesne1. Elle met, un tant soit peu, les personnes à

l’abri des formes de socialisation « sauvages ou naturelles » en les

reconstituant dans un environnement formatif sécurisé et sécurisant.

Pour autant, l’élaboration du projet formation procède, comme le

décrit Pierre Goguelin, de la faculté à s’inscrire dans une dynamique

cohérente qui résulte d’un positionnement personnel entre le monde

réel et les capacités réelles dont on dispose pour y jouer un rôle et un

monde imaginé et les capacités subjectives que l’on pense posséder.

Posséder cette faculté peut poser problème à bon nombre de personnes

en insertion et justifie bien souvent la nécessité d’un

accompagnement. Le souci de la juste auto- évaluation de son

potentiel domine dans la construction d’un projet formation.

2-3 Projet et méthodologie

La notion de projet professionnel ou de projet formation relate donc

aujourd’hui l’articulation entre la capacité de l’individu de se

« vendre » sur un marché de l’emploi en pleine mouvance, sa capacité

d’anticiper l’inadéquation de son profil et celle de jauger efficacement

les ressources dont il dispose pour remédier à cette inadéquation. En

cela, le projet peut nécessiter un accompagnement extérieur qui lui

soit spécifique. Comme nous nous positionnons dans le cadre d’un

projet de dispositif de formation dans son approche micro- sociale,

nous devons considérer la confrontation existant entre le projet

individuel et le projet porté par le cadre institutionnel dans lequel il

s’intègre. Dans ce sens, les relations entretenues par le triptyque objet

(en tant que dispositif de formation), sujet et projet nous paraissent

                                                            1 LESNE Marcel, MINVIELLE Yvon, « Socialisation et formation d’adultes », Education permanente, N°92, janvier 1988, p23-38.

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incontournables. Elles permettent de mettre en lumière la part

d’autonomie des uns à l’égard des autres (qui décide de quoi) et en

conséquence, l’impact ou les effets produits par ces relations dans

l’apprentissage. A ce sujet, le projet formation semble plus relever du

terme « processus de formation » (qui prend en compte l’avant et

l’après et le cheminement des divers savoirs capitalisés par l’individu)

que celui de « dispositif » qui renvoie précisément aux modes

d’acquisition de ces savoirs. Le projet de formation s’inscrit, par

ailleurs, dans une triple dimension qu’il conviendra d’analyser. Le

niveau micro auquel l’individu opère ses choix et stratégies. Le niveau

mezzo qui est celui de la structure dans laquelle ses choix peuvent

devenir opérationnels et le niveau macro qui est celui du cadre

institutionnel qui détermine les orientations politiques qui

transcendent le projet formation. Pour réaliser un projet formation,

nous pouvons nous référer à une méthodologie dont nous

emprunterons les caractéristiques les plus pertinentes à J.P Boutinet1.

D’une part, il convient de dissocier le « projet-visée » du « projet-

programme » et ne pas confondre l’objectif qui sert de fil conducteur

avec les moyens de sa réalisation. D’autre part, il faut considérer que

tout projet représente une solution inédite à un problème qui se pose

lui-même de manière inédite. Enfin, la gestion de projet formation doit

en permanence permettre l’ouverture sur des opportunités que le

contexte peut faire inopinément apparaître. Dans tous les cas, ce qui

est sous tendu est bien l’idée de transformation et de changement avec

la situation actuelle. Cette volonté fait ainsi l’objet d’une

contractualisation qui pose les termes des objectifs à atteindre et des

moyens mis en œuvre pour y parvenir.

Conclusion intermédiaire : au sujet de l’ingénierie de formation

                                                            1 BOUTINET Jean Pierre (1990), « Eléments pour une méthodologie de projet » chap.VII in Anthropologie du Projet, Paris, PUF ,297p

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Comme le résume Christophe Parmentier1 : « Dans la construction

puis l’encadrement des parcours professionnels il est possible de

considérer que les salariés sont pour partie entrepreneurs de leurs

propres compétences. Mais ils n’en sont pas les seuls responsables ».

Mûe par une évolution empreinte du rapport entretenu par le champ de

la formation avec celui du marché du travail, nous considèrerons

l’ingénierie de formation à travers la définition qu’en donne Patrice

Leguy2: « la conception, la construction, le pilotage et l’évaluation

d’un système complexe d’apprentissage dans les situations formelles

et informelles prenant en compte, de manière concourante les logiques

et stratégies collectives et individuelles, les parcours

socioprofessionnels et les contextes d’activité des acteurs-auteurs

impliqués ». De cette complexité et de l’enchevêtrement des éléments

qui composent l’ingénierie de formation, nous sommes amenés à

penser, comme nous l’avons évoqué précédemment qu’il serait

illusoire de croire que tous les individus puissent, face aux nouvelles

exigences de flexibilité du marché de l’emploi, être les seuls et

uniques acteurs du développement de leurs compétences.

Ainsi se développerait ce que Gaston Pineau3 nomme l’ingénierie des

spécialistes qui mettraient en exergue des fonctions annexes et

connexes de la formation devenant des démarches à part entière avec

chacun une ingénierie qui lui est propre. Le domaine de l’insertion,

prenant appui sur la qualification des individus, en est une des

                                                            1 PARMENTIER Christophe (2011), Encadrer et sécuriser les parcours professionnels, Paris, Ed. Dunod, 213p. 

2LEGUY Patrice (2005), « L’ingénierie de la formation. Une démarche transectorielle, transprofessionnelle, transdisciplinaire. », in BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, 364p. 

 

3 PINEAU Gaston (2005), « l’ingénierie stratégique de la formation », in LEGUY Patrice. et al., Se former à l’ingénierie de formation, Paris, L’Harmattan, p.15.

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premières émanations. Elle donnerait lieu à une ingénierie de la

professionnalisation qui prendrait en compte les discontinuités

professionnelles et sociales et contribuerait à élargir le champ

d’intervention de l’ingénierie de formation et de ses méthodes. Elle

tendrait à considérer le rôle de conseil, d’orientation et

d’accompagnement comme faisant partie intégrante du processus de

formation et s’inscrit dans la mouvance des années 80 d’une

diversification du cadre de l’ingénierie et de ses zones d’intervention.

L’individualisation et la régionalisation de la formation en représente

un des principaux marqueurs dont l’incidence sur notre terrain de

recherche ne s’avèrera pas des moindre.

Le rôle de l’ingénieur en formation s’articulerait donc autour de

l’ingénierie de parcours et de professionnalisation et, en cela, il doit

être en mesure de soutenir une continuité dans le développement des

compétences mais il relève également de l’ingénierie de la relation

emploi-formation pour laquelle il doit composer avec des données

politiques et institutionnelles. Pour ce faire, ce professionnel d’un

genre nouveau, doit puiser dans le contexte même de la situation-

problème à résoudre, la clé lui permettant de construire une réponse

pertinente ancrée dans un agencement original et approprié des

ressources humaines, techniques et matérielles disponibles.

PARTIE II : CADRE DE RECHERCHE

I- MISSION ET PROBLEMATIQUE

Partant du travail réalisé dans le cadre de la mission en ingénierie de

formation, et qui a fait apparaître une démarche spécifique de

professionnalisation, notre étude s’attachera plus globalement à

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rechercher l’articulation entre l’expression de projets individuels qui

rendent compte d’une démarche personnelle et renvoie à la

représentation de la place de chacun sur le marché de l’emploi et la

capacité de mobilisation des moyens pour y parvenir.

1-1 Contexte de l’étude

Notre réflexion de départ s’enracine dans le rôle et la mission

professionnelle qu’il nous est donné d’assurer au quotidien, à savoir,

l’accompagnement socio- professionnel de personnes embauchées

dans le cadre d’un Service d’Insertion par l’Activité Economique.

Ces structures sont des dispositifs conventionnés qui doivent réaliser

un triple objectif :

- L’insertion sociale et professionnelle de publics éloignés de

l’emploi

- Répondre à des impératifs de production qui, même si ils ne

relèvent pas de ceux du secteur marchand tendent de plus en plus à

s’en rapprocher.1 (Au final le client bénéficie de la même prestation

que s’il avait eu à faire à une entreprise classique même si les moyens

mis en œuvre pour y parvenir diffèrent de par la nature même

des « ressources humaines »2.)

- La formation et l’adaptation de salariés qui ne disposent pas

nécessairement des pré-requis nécessaires pour la réalisation de

l’activité demandée.

                                                            1 Leurs activités peuvent s’exercer dans l’ensemble des secteurs d’activité dés lors que les avantages et aides octroyées par l’état ne créent pas de distorsion de concurrence et que les emplois ainsi créés ne se substituent pas à des emplois privés ou publics existants. Les biens et services qu’ils produisent peuvent être commercialisés si cette commercialisation contribue au développement des activités d’insertion sociale et professionnelle. Ces recettes ne peuvent couvrir qu’une part inférieure à 30% des charges liées à ces activités. Cette part peut être augmentée sans pouvoir atteindre 50% après avis favorable du conseil départemental de l’insertion par l’activité économique (CDIAE), si les activités développées ne sont pas déjà assurées et satisfaites par les entreprises locales. 2 Tant par la nature des moyens humains (en termes de personnel et d’encadrement) que dans la gestion de ces ressources d’une nature un peu particulière au sein du service et de l’ensemble de la structure.

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Pour ce faire, les salariés et la structure disposent d’un contrat de 6

mois renouvelable dans la limite de deux ans.

Ce qui signifie que la structure ne s’appuie pas sur une stratégie

d’optimisation des ressources, de valorisation et de développement

des compétences sur du long terme pour répondre à sa mission de

production car c’est la situation de travail et la production qui

constituent un support d’insertion. Autrement dit, on ne cherche pas à

développer des compétences pour produire, on produit pour

développer des compétences.

Le champ de l’insertion par l’activité économique, s’organise à

différents niveaux :

1- Un niveau opérationnel de mise en œuvre du service demandé :

produire et accompagner.

2- Un niveau financier : avec une répartition des différents financeurs

par publics, moyens (accompagnement et encadrement) et

finalités (économique ou sociale).

3- Un niveau institutionnel et politique qui fixe le cadre règlementaire

dans lequel doit se réaliser l’action, détermine les objectifs à

atteindre et organise l’évaluation des moyens et des résultats

escomptés.

L’articulation de ces différents niveaux se joue dans les perspectives

de retour à l’emploi des publics accueillis, même si en fonction des

différents partenaires institutionnels, cet objectif peut être controversé.

Certains estiment, tel que le Conseil Général, que le développement

même du niveau d’employabilité de la personne peut constituer une

fin en soi, sans retour immédiat à l’emploi. A l’inverse, l’état par

l’intermédiaire de la DIRECCTE1, prône comme aboutissement

premier l’accès à un contrat de travail et/ou une entrée en formation

qualifiante. Au milieu, la structure d’insertion peut considérer que le

                                                            1 Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’emploi.

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fait même d’embaucher la personne constitue une étape majeure à son

insertion compte tenu de l’impact de la mise en situation de travail en

termes de (re) socialisation.)

La question de la formation se profile alors comme une tentative de

résolution d’une problématique d’insertion professionnelle qui

transcende le cadre structurel de ce service.

1-2 La mission

Le terrain de notre mission ne porte que sur une unité de production

qui s’intègre dans un service en comprenant plusieurs1. Il s’agit, au

sein d’un chantier d’insertion, de l’activité consacrée à l’entretien et

l’aménagement des espaces verts qui comprend 4 salariés et un

encadrant technique. Le choix de cette entité comme terrain de

mission s’inscrit dans une conjoncture propice à une réflexion sur la

professionnalisation du fait que cette activité donne lieu à un projet de

création d’entreprise d’insertion; projet déposé auprès des services de

l’état au cours de notre mission et auquel nous participons.

Cependant, les limites de cette mission résultent dans ce qu’elle ne

traite que d’une partie de l’ensemble de la problématique générale

rencontrée sur un service d’insertion par l’activité économique à

savoir, la professionnalisation des salariés par rapport au poste de

travail qu’ils occupent et non l’accès à une professionnalisation qui se

rapporterait au projet de la personne parfois dénué de lien avec le

poste occupé.

En effet, les salariés embauchés dans le cadre d’un service d’insertion

par l’activité économique occupent une place bien particulière au

regard des autres salariés ; à aucun moment leur insertion

professionnelle ne peut se faire au sein même de la structure qui doit

pourtant contribuer au développement de leurs compétences. Ces

                                                            1 Se reporter aux schémas 1 et 2 en annexe

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salariés en contrats aidés subissent une mobilité qui ne peut se réaliser

qu’en externe.

Ainsi s’opère une superposition de cadres, dispositifs et objectifs

institutionnels qui entrent impérativement en interaction avec les

projets individuels.

1-3 la problématique de départ

Nous nous proposons donc d’aborder notre thème de recherche à

travers la problématique suivante :

Comment l’ingénierie de formation pourrait- elle répondre à une

démarche d’insertion socio- professionnelle de personnes

embauchées dans le cadre d’une structure d’insertion par

l’activité économique ?

Nous préférons utiliser le terme d’insertion socio- professionnelle à

celui d’insertion professionnelle qui nous paraît faire débat pour les

raisons suivantes :

1- Comment mesurer l’impact d’une démarche de formation dans

l’accès à l’emploi puisqu’il faudrait d’une part suivre la personne

un certain temps après sa sortie de notre structure pour vérifier si

celui-ci se réalise. Quelle durée serait alors significative pour

pouvoir attribuer à la formation ce rôle.

2- Il parait hasardeux de pouvoir définir ce que l’on entend par

insertion professionnelle du fait qu’il faudrait prendre en compte

des critères tels que :

- La nature du contrat (contrat stable ou précaire, temps complet ou

temps partiel, etc)

- La nature de l’emploi : l’activité réalisée est-elle en lien avec celle

que s’était fixée la personne.

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- Les perspectives de mobilité, évolution ou de reconversion

souhaitées par la personne ont- elle été atteintes ?

Ainsi, nous préférons parler d’insertion socio- professionnelle qui

prend en compte :

1-L’évolution globale de la personne et le développement de ses

compétences/aptitudes/qualités personnelles.

2-La poursuite du parcours dans une entrée en formation.

3-La notion de trajectoire professionnelle et le fait que l’accès à la

formation se traduit souvent par des allers et retours, des paliers

successifs entre le temps d’apprentissage extérieur à la structure et aux

dispositifs d’insertion et le temps « d’intégration » des retombées de

ces nouveaux apprentissages qui peut s’effectuer par un nouveau

passage dans nos structures

Les hypothèses

Hypothèse 1 :

L’ingénierie de formation répond à une démarche d’insertion

socioprofessionnelle en construisant un parcours qui s’enracine dans

l’émergence d’un projet de formation individuel « sur mesure ».

Hypothèse 2 :

Le projet de formation « sur mesure » se réalise dans la création d’un

lien cohérent et structuré entre les divers dispositifs d’apprentissage.

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Hypothèse 3 :

La « reliance » de ces dispositifs élève ainsi le niveau d’employabilité

de la personne.

II- METHODOLOGIE

Pour reprendre l’expression empruntée à Paul Taylor1 nous

pouvons nous considérer comme un « chercheur indigène » qui,

appartenant au système qu’il étudie doit tenir compte des

représentations qu’il a à son encontre et de l’incidence de celles-ci

ainsi que de ses actes sur la recherche qu’il souhaite mener. Nous ne

pouvons alors, faire l’économie de l’analyse de notre rôle de

Conseillère en Insertion Professionnelle et ce pour trois raisons :

1-Nous devons prendre en compte l’impact de notre intervention en

tant que professionnel sur l’environnement que nous étudions

2-Du fait de ce rôle nous avons d’autant plus aisément accès à un

certain nombre d’informations informelles relevées en dehors du

temps définit par celui du master. Nous ne pouvons pas, en effet,

ignorer, les éléments recueillis au cours de nos 4 années d’activité

professionnelle sur ce poste.

3-Notre pratique professionnelle évolue en même temps que se réalise

l’étude. Cette évolution est guidée par une sélection opérationnelle de

ressources et outils utilisés au quotidien et qui empruntent leurs

                                                            1  Professeur à l’Université Rennes 2 in BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, p 257. 

 

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savoirs faire à ceux de la démarche d’ingénierie que nous développons

en même temps dans ce mémoire.

2-1 Préambule au choix méthodo-logique.

A partir du moment où l’on étudie la construction des trajectoires

professionnelles des personnes nous ne pouvons que nous interroger

sur la place qu’occupe la formation initiale et professionnelle dans

celles-ci. Ces trajectoires résultent de décisions stratégiques que

réalisent tout un chacun en fonction d’un certain nombre de données

qu’il a en sa possession au moment d’opérer un choix qu’il estime

alors le plus opportun possible pour arriver à ses fin (la plupart du

temps, le maintien ou le retour à l’emploi). La manière dont s’opèrent

ces choix (et les revirements de situations qui peuvent s’en suivre !!)

nous parvient, dans un premier temps, principalement par le biais de

comportements et d’attitudes. Ceux-ci traduisent les représentations

auxquelles se réfère l’individu en pleine évolution. Celles-ci se

façonnent au gré des interactions qu’il a avec les diverses sphères.

Ces éléments signifient plusieurs choses. La réalité de la personne est

une donnée subjective qu’elle s’est construite et qui constitue une

construction symbolique lui permettant d’interpréter le monde dans

lequel elle évolue et de donner du sens à ses actions.

Du fait des contacts et échanges permanents avec les autres, que ce

soit au niveau professionnel, social ou privé, la personne réajuste la

perception qu’elle a du monde qui l’entoure. Elle évolue ainsi et

surtout parce qu’elle se définit à travers le regard que les autres

portent sur elle, le rôle qu’ils lui attribuent, et l’image qu’ils lui

renvoient d’elle même. Cette image étant plus ou moins en accord

avec ce qu’elle souhaite être ou faire, il peut s’en suivre un certain

nombre de conflits, cognitifs et identitaires, qui la poussent à réajuster,

ou pas, sa manière d’être.

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D’autre part, ces comportements et attitudes, qui peuvent paraître

incohérents ou irrationnels, s’accompagnent, généralement,

d’explications qui les justifient et permettent à l’entourage d’y

associer une ou des raisons socialement acceptables. Ce n’est pas pour

autant qu’il s’agisse des raisons réelles qui ont motivé la personne à

adopter tel ou tel choix. Elle peut ne pas avoir conscience de ces

raisons (ce qui peut être le cas dans la reproduction d’un rapport à

l’éducation qui émane du premier contact qu’elle a eut avec le système

éducatif dans le cadre de la formation initiale, par exemple) mais elle

peut aussi délibérément choisir les arguments qui lui paraîtront les

plus convaincants pour ne pas avoir à se justifier et à rentrer dans le

détail d’éléments qu’elle estime relevant d’une affaire personnelle. A

l’aune des préceptes des phénoménologues (tel Merleau-Ponty entre

autres), il s’agit de considérer que derrière l’apparence il y a un sens.

2-2 Méthodologies

Ainsi, au vu de notre parcours personnel d’une part et du fait

que l’objet de l’ingénierie de formation s’enracine dans un contexte

qui génère des interactions qui lui sont propres, nous choisirons

l’ethnométhodologie1 comme mode d’investigation et d’analyse du

terrain de recherche.

2-2-1Quelques éléments de repères pour définir

l’ethnométhodologie

Il faut partir de l’idée que les individus produisent, au cours des

interactions, en permanence et de manière contingente l’ordre social

dans lequel ils vivent. On ne peut donc prévoir quels éléments

                                                            1 L’ethnométhodologie a été créée dans les années 1960 par Harold Garfinkel, élève de Talcott Parsons et Alfred Schütz. Après avoir connu un considérable succès dans les pays anglo- saxon notamment à travers la publication de l’ouvrage Studies in Ethnomethodology, Prentice-Hall, Englewood Cliffs (NJ), 1967 (trad. fr., Paris, PUF, 2007, l’ethnométhodologie a émergé en France dans un courant radical défendu par Robert Jaulin et Yves Lecerf.  

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individuels vont intervenir dans la formation d’une situation, d’une

rencontre (d’un projet). C’est pourquoi, les actions, en

s’accomplissant, exhibent, à travers des signes, ce qu’elles sont, ce

qu’elles signifient. Ces signes autoproduisent la norme en même

temps qu’ils sont identifiables, descriptibles et analysables par

l’individu même qui les produit. Une part importante de la démarche

ethnométhodologique consiste à observer les individus dans ce rôle de

« sociologue à l’état pratique », tel que les nomme Alfred Schütz1.

Sans ces analyses que les membres opèrent sur ce qu’ils sont en train

de faire, l’action se déroulerait autrement ou n’aurait peut être pas

lieu. Pour rendre compréhensible et cohérent chaque évènement, les

individus formulent des explications à leur sujet, nommées

« rationalités locales ». Elles définissent la manière dont chacun rend

compte de ses choix, de ce qu’il est en train de faire. Pour cela,

l’individu s’appuie sur ce qu’Harold Garfinkel2 désigne sous le terme

« d’accountability » et qu’il définit par « une représentation du monde

existant dans l’esprit d’une personne et servant de base à une

succession de prise de décisions dans le cadre d’activités pratiques ».

Cependant, cette représentation ne concerne qu’un ensemble restreint

de personnes qui la partagent et qui forment un univers local. Ce peut

être un groupe d’apprenants, un groupe de salariés, des partenaires

institutionnels qui répondent ensemble à une mission, etc. En

ethnométhodologie, on ne peut raisonnablement prétendre savoir et

interpréter ce qui se joue, ce qui se vit, ce qui se décide, si l’on ne

possède pas « la qualité de membre » qui renvoie à la plus médiatisée

notion d’appartenance sociale. C’est parce que le chercheur fait partie

                                                            1 SCHUTZ Alfred (1998), « Eléments de sociologie phénoménologique » in COULON Alain (2002), L’ethnométhodologie, Paris, PUF, Collect. Que Sais je ?, 127p.

2GARKINKEL Harold (1984), Qu'est-ce que l'Ethnométhodologie ?, in Arguments ethnométhodologiques, Cahier n° 3, pp. 54-99

 

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du groupe qu’il peut accéder aux « allant-de-soi », c’est-à-dire ce qui

rend le groupe intelligible. Il s’agit d’affirmations qui mettent en jeu

des formes et des significations au cours de la communication et qui

n’ont pas besoin d’être explicitées parce qu’elles « vont de soit ». Le

terme même d’ « IAE » est un « allant se soi », il est compris de

l’ensemble des membres du système que nous étudions, aussi bien des

salariés en insertion, que des responsables et encadrants de la structure

ou de certains partenaires extérieurs. On touche d’ailleurs là, les

limites de la notion de membre et de groupe. Ceux-ci peuvent se faire

et se défaire d’une part (de nouveaux partenaires peuvent intégrer les

« allants de soi » dés lors qu’ils ont l’occasion d’être en contact avec

le groupe considéré, inversement, un salarié en insertion qui quitte la

structure pour rentrer en formation où parce qu’il a trouvé un emploi,

perd également la qualité de membre car dés lors, ses repères vont se

modifier). D’autre part, il faut tenir compte des interférences entre les

« allants de soi » qui ont lieu au cours des interactions entre les

membres des différents groupes en présence car le travail d’ingénierie

de formation se situe à l’interface de plusieurs d’entre eux et des

notions telles que celle d’individualisation ou de compétences par

exemple, peut ne pas avoir la même signification pour chacun d’entre

eux. Nous avons du alors de prendre acte d’une appartenance multiple

à divers groupes et de faire en sorte de réduire les écarts

d’incompréhension entre ceux-ci afin de mobiliser et relier les

ressources de chacun. On touche là à une des caractéristiques des

« allants de soi » : ils peuvent posséder, à certains moments et entre

certains individus un caractère arbitraire du fait que les individus

peuvent être obligés de négocier le sens de ce qui, à un moment

donné, ne va pas ou plus de soi.

Ainsi l’ethnométhodologie prône une position du chercheur qui

s’incarne dans le principe d’« ethnocentrisme réflexif ». Ce principe

privilégie deux éléments méthodologiques. Le premier que nous

venons d’évoquer et qui répond à « la qualité de membre » du

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chercheur comme condition première de l’étude. Cette qualité doit

permettre de se prémunir de conclusions qui relèveraient d’un certain

ethnocentrisme tant décrié par les ethnologues et principalement

Claude Levi Strauss. L’ethnocentrisme étant entendu comme le fait

d’étudier une population à travers le prisme déformant de nos propres

représentations et schémas de pensée, de raisonnement voire d’a priori

à l’égard de cette population. La qualité de membre ne veut cependant

pas dire, dans notre cas, être comme ou occuper la même place, mais

faire partie du système. C’est pourquoi nous nous attarderons sur la

définition de notre position et des fonctions assignées par le groupe

lui-même et par des membres de groupes extérieurs, mais également

sur nos motivations. Cela n’est pas sans incidences sur les résultats de

l’enquête bien sûr. Le second élément prôné par l’ethnocentrisme

réflexif est celui de « la compétence unique » qui laisse au groupe la

compétence de se décrire lui-même. L’ethnométhodologie entend

ainsi emprunter les catégories dont elle a besoin au groupe même

qu’elle étudie afin d’éviter de faire de la description une opération

inductive. Ce paradigme développé par Harold Garfinkel vient de sa

volonté de « refuser de tenir compte du projet dominant qui vise à

évaluer, reconnaître, catégoriser, décrire(…) en se servant d’une règle

ou d’un étalon définis en dehors des situations(…). », et d’ajouter à

cela que « toutes les procédures qui invoquent des règles pour évaluer

sur un plan général les propriétés logiques et méthodologiques des

pratiques d’enquêtes et de leurs résultats, n’intéressent (pas)

l’ethnométhodologie(…sauf à les étudier en tant que

phénomènes…) ». Ainsi, le terrain étudié doit lui-même fournir les

éléments et cadre d’analyse au chercheur. Ceux-ci, en ce qu’ils

émanent du contexte de leur production/réalisation/utilisation

empêchent ce dernier de tomber dans les travers de l’universalité des

résultats de l’enquête.

Le contexte constitue bien l’axe central de la démarche

ethnométhodologique. Ceci induit une double compétence du

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chercheur. S’appuyer sur l’indexicalité des choses dans son analyse.

Partant du constat que la vie sociale se construit à travers un langage

qui est celui de la vie de tous les jours, pour le comprendre, il faut

analyser les expressions indexicales dont le sens renvoie au contexte

de leur énonciation. Les mots ne prennent sens, qu’indexés à une

situation d’échange linguistique. Leur signification peut varier en

fonction de facteurs contextuels tels que la biographie du locuteur, son

intention immédiate, la relation unique qu’il entretien avec l’auditeur,

leurs conversations passées. Seconde compétence du chercheur en

ethnométhodologie, la réflexivité. H. Garfinkel avance à ce sujet que

« pour les membres de la société, la connaissance de sens commun des

faits de la vie sociale est institutionnalisée comme connaissance du

monde réel ».1 La réflexivité exprime alors l’équivalence entre la

compréhension d’une interaction et l’expression de cette

compréhension.

Nous rajouterons qu’aborder une étude sous l’angle

ethnométhodologique nous permet d’accéder à des éléments d’analyse

portant sur des « non-dits » et pour autant centraux. Nous le verrons

en abordant par exemple la question liée de l’employabilité. Une

simple étude d’analyse de contenu d’entretien ne nous aurait pas

permis d’accéder au sens singulier de ce concept qui n’est jamais cité

en tant que tel.

Pour conclure et résumer notre posture méthodologique, nous nous

réfèrerons à la notion d’indifférence ethnométhodologique qui veut,

entre autre, que le chercheur dépasse les aléas idéologiques, affectifs

ou politiques qui peuvent naturellement naître du fait de sa qualité de

membre, en restant la garant/ le maître de la définition des conditions

et du cadre de réalisation de l’étude. En cela, il doit réguler les

échanges et veiller « à mettre sous contrôle les processus

                                                            1 COULON Alain (1996), L’ethnométhodologie, Paris, Ed.PUF, Collect. Que sais je ?

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d’induction ».1 De manière paradoxale, nous devons nous fondre dans

l’activité du groupe étudié en étant aussi participant que possible et

par ailleurs nous devons faire preuve d’une indifférence suffisante

pour garantir notamment l’application du principe de compétence

unique.

2-2-2 Biographie éducative

Partant du constat que les adultes en formation ont leurs propres

objectifs qui s’avèrent parfois différents de ceux poursuivis par le

cadre dans lequel a été conçue la formation, nous développerons une

approche qui s’inspire de celle de la « biographie éducative » prônée

par Pierre Dominicié2. La préoccupation première d’une telle

démarche réside donc moins dans l’effet des programmes éducatifs

que dans les processus qui amènent les adultes à se former.

Cette approche se distingue des simples récits de vie, en ce qu’elle

oriente la reconstruction narrative des parcours de vie selon une

direction donnée et dans le but précis de mettre en évidence ce que les

adultes font de leur éducation dans leur parcours de vie.

Prenant le contre-pied de différents champs disciplinaire et notamment

de ceux qui abordent la question de manière plus quantitative ou à

l’inverse trop psychologique, il propose d’appréhender la dynamique

de la formation d’avantage à travers « l’analyse biographique que les

adultes font de leur éducation » qu’à travers la structuration des

programmes.

                                                            1 LECERF Yves (1985), « Lexique ethnométhodologique » in Pratiques de formation (analyses), Ethnométhodologies, ( Université de Paris VIII), numéro spécial de la revue Pratiques de formation, numéro double pp 11-12. 2 DOMINICIE Pierre(1992), L’histoire de vie comme processus de formation, Héricourt, L’Harmattan, Collection Defi-formation, 174p

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Selon Vincent Merle1, « un adulte en formation n’est pas quelqu’un

qui ne sait pas mais quelqu’un qui aspire à savoir autrement pour

mieux construire sa propre autonomie de pensée et d’action ».

Cependant, nous ne pratiquerons que des entretiens oraux individuels

qui s’appuient sur l’ambivalence du parcours retranscrit dans le CV et

celui réellement et subjectivement vécu par la personne. Nous ne

pouvons donc que nous inspirer de cette méthode qui éprouve dans

notre cas particulier ses limites. En effet, pour aller au bout de la

démarche, il faudrait qu’il y ait passage à l’écrit et entretiens

collectifs. Or, pour ce faire, il faut qu’il y est un minimum de

disponibilité intellectuelle de la personne et une certaine confiance en

soi, notamment dans le fait de juger que sa propre vie, bien que

jalonnée d’embûches et étiquetée comme « en insertion », présente un

intérêt et soi porteuse d’actions éducatives pertinentes. Même si ce qui

importe réside moins dans les actes que dans l’interprétation que l’on

en donne. Une telle démarche doit impérativement prendre en compte

la posture et le rôle joué par chacun des protagonistes (Conseiller en

insertion/accompagné) qui génère des relations de confiance et/ou

méfiance au regard des enjeux institutionnels (l’un doit s’insérer

l’autre doit insérer), du cadre plus ou moins formel de la rencontre,

(on raconte toujours plus facilement sa vie dans une voiture que dans

un bureau), de pouvoir (chacun détient un savoir, l’un institutionnel,

l’autre personnel). L’échange doit donc être réciproque pour que les

deux parties atteignent chacune leurs objectifs même si la réciprocité

exacte ne semble pas possible, car de manière volontaire ou non,

chacune des deux parties ne délivrera que les infos qui lui paraissent

utiles et pertinentes quant aux fins qu’elle poursuit.

                                                            1 MERLE Vincent in MORVAN Yves, (dir.) (2006), La formation tout au long de la vie, Nouvelles questions, nouvelles perspectives, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 311p.

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Ainsi la personne ne dira jamais que ce qu’elle se sent capable de

partager, interpréter et ce qu’elle pense que l’interlocuteur est en

mesure d’entendre. A ce sujet, les personnes ne recherchent-elles pas,

quand elles racontent leur vie à favoriser, sélectionner et enjoliver les

éléments de leurs parcours les plus valorisants qui auraient contribué à

leur réussite. Où bien ne présentent-elles à l’inverse que ceux qui ont

contribué à l’échec et qui expliquent la situation dans laquelle elles se

trouvent ? Dans tous les cas la biographie éducative remplie peut être

son rôle d’autonomisation par rapport à un processus institutionnel qui

tendrait à une certaine uniformisation de l’éducation et empêcherait

les individus de s’approprier à travers des savoirs informels, leur

propre parcours et la connaissance et/ou compréhension qu’ils

pourraient avoir de ce qui leur à permis d’en arriver là et par

conséquent leur donner l’occasion de poursuivre une dynamique

ascendante ou d’enrayer un fonctionnement excluant ?

2-3 Eléments de validité et de pertinence

Se pose alors l’éminente question de la validité d’une étude

construite dans le cadre de ce qui s’apparenterait à une « recherche-

action ». Nous nous attacherons, pour assurer la fiabilité et la

pertinence des résultats à respecter trois caractéristiques

élémentaires :

1- La pertinence des éléments recueillis qui proviennent de sources

dites « de première main ».

2- La quantité suffisante des sources d’information.

3- La diversification et l’entrecroisement des sources d’information

qui proviennent des discours, observations, attitudes des personnes

mais également de l’analyse de documents officiels (accord cadre,

textes de lois, rapport d’études de bonnes pratiques, conventions).

Nous avons défini notre support de recherche en fonction du public

accueilli sur notre structure. A ce sujet nous n’avons pas la main mise

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sur le type de population auprès de laquelle nous avons mené notre

étude. Nous pouvons cependant réaliser la présentation synthétique

suivante. Au total, 45 personnes étaient présentes sur notre structure

au moment de l’étude dont 23 femmes (51%) et 22 hommes (49%).

Cette quasi parité masque l’inégale répartition des sexes par type

d’activité et de service. Ainsi, on retrouvera majoritairement des

hommes sur les activités liées au travail du bois, des espaces verts et

du second œuvre, alors que l’on retrouvera majoritairement des

femmes sur celles liées au secteur du nettoyage et de la restauration.

La moyenne d’âge se situe à 38 ans et résulte d’un écart conséquent

entre les plus jeunes salariés (20 ans) et les plus âgés (60 ans). Au

moment de notre étude, 38% des personnes étaient présentes sur la

structure depuis moins de 6 mois, 33% de 6 à 12 mois et 29% depuis

plus de 12 mois. Cela signifie qu’il faut prendre en compte le fait que

certaines sont déjà entrées dans une démarche de formation au

moment de notre étude. Le niveau de qualification des salariés

reflètent la mission de professionnalisation attendue par notre

structure : 20% de ceux-ci ont un niveau VII, 26% un niveau VI, 38%

un niveau V, 7% un niveau V bis, 7% un niveau IV et 2% un niveau II

(il s’agit de personnes d’origine étrangère qui se sont vue reconnaître

une équivalence de niveau d’étude). Ceci est à mettre en lien avec la

durée de l’expérience professionnelle acquise avant la signature de

leur contrat : 40% avaient une expérience inférieure à 1 an, 2% avaient

une expérience comprise en 1 et 5 ans et 58% avaient une expérience

supérieure à 5 ans. Enfin, il faut noter que 40% du public accueilli

sont des personnes d’origine étrangère, 20% proviennent d’Afrique,

16% d’Europe de l’est, 2% d’un pays de l’Union Européenne et 2%

des Antilles. Nous verrons comment cela a une incidence notoire en

termes d’identité et de parcours professionnel mais également dans le

sens accordé à la formation.

D’autre part, nous avons poursuivi notre investigation en menant une

série d’entretiens auprès de professionnels représentants les

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partenaires qui interviennent le plus régulièrement dans les parcours

de formation des salariés, à savoir :

Les partenaires financiers :

La chargée de mission de Pôle Emploi pour les publics relevant de

l’insertion par l’activité économique.

L’adjoint à la direction du service RSA du Conseil Général.

Le chargé de mission de la DIRECCTE en charge du dispositif

compétences clés.

Les partenaires prestataires de formation.

La responsable formation du GRETA en charge du dispositif

compétences clés.

La chargée de mission d’un centre de formation réalisant une

prestation de formation Français Langue Etrangère pour le compte de

l’OFI (Office Français de l’immigration).

Le chargé de mission territorial pour la validation des acquis de

l’expérience.

Des représentants d’autres structures d’insertion par l’activité

économique

Nous devons mentionner que nous n’avons pu, pour des raisons

éthiques, enregistrer les entretiens du fait que les protagonistes

considèrent que leur contenu peut représenter des enjeux sociaux et

politiques locales. Compte tenu du territoire sur lequel porte l’étude, il

en est effet très facile d’identifier à qui appartiennent les propos

retranscris puisqu’il n’y a bien souvent qu’un seul professionnel

compétent en la matière.

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PARTIE III : ETUDE

I-L’INGENIERIE DE FORMATION ENTRE PROJET

INDIVIDUEL ET PROJET INSTITUTIONNEL

1-1 La construction d’un projet personnel de formation

Il s’agit pour la personne de réussir à élaborer un projet professionnel

qui témoigne d’une capacité de projection dans l’avenir qui tienne

compte des éléments de son passé ainsi que ceux liés au contexte

socio-économique du moment. Le projet de formation s’inscrit alors

dans un cadre plus global qui est celui du projet de vie.

1-1-1 Socialisation et identité socio- professionnelle

Le projet formation fait souvent suite à l’identification d’un secteur

d’activité et/ou d’un métier visé par la personne. Plusieurs stratégies

s’observent.

- L’emploi visé relève d’une opportunité liée au poste occupé dans la

SIAE et qui lui permet de développer certaines compétences, mais il

peut également s’agir des possibilités offertes par le bassin d’emploi.

- Le choix de l’emploi visé s’opère par mimétisme par rapport à une

communauté de pairs au parcours ou au profil socio-biographique

similaire. Ceci se vérifie notamment pour les personnes d’origine

étrangère qui transpose en France la trajectoire poursuivie par certains

compatriotes dans leur pays d’origine.

- Le choix est un non choix dans la mesure où il s’agit d’envisager une

solution qui soit un moindre mal, « Là où ils voudront bien de moi ».

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- L’identification d’un emploi visé fait suite à un projet qui a muri et

s’est construit au fil du temps par adjonction d’éléments qui

contribuent à en prouver la pertinence. Il s’agit d’un choix délibéré.

Lorsque le projet formation ne succède pas à cette démarche préalable

il relève d’un concours de circonstances, « être au bon endroit au bon

moment ». Cependant, cela peut ne pas suffire, et pour que cela

fonctionne encore faut-il posséder les pré-requis nécessaires

généralement acquis au cours des différentes phases de socialisation

rencontrées par la personne que ce soit dans la sphère scolaire,

professionnelle ou familiale.

En effet, nous pouvons considérer que ce qui permet la définition d’un

tel projet prend racine dans le processus même de socialisation,

« processus de construction, déconstruction et reconstruction

d’identités liées aux diverses sphères d’activité que chacun rencontre

au cours de sa vie et dont il doit apprendre à devenir acteur »1.

Cependant, nous pouvons constater à quel point « être l’acteur »

relève souvent d’une gageure par delà les signes apparents

d’autonomie et de liberté opérés par les personnes dans leurs choix

professionnels. En ce sens, nous nous réfèrerons au concept d’habitus

développé par Pierre Bourdieu et qu’il définit par des : « systèmes de

dispositions durables et transposables, structures structurées

prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-

dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et

de représentations ». 2 Ainsi, la direction donnée par les personnes à

leur avenir professionnel s’inscrit dans une stratégie globale

gouvernée par les représentations qu’ils nourrissent quand à la place

qu’ils occupent et aux chances qu’ils ont de parvenir à mener à bien

                                                            1 DUBAR Claude (2000), La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 255p. 

2 BOURDIEU Pierre (1980), Le sens pratique, Paris, Edition de Minuit, Coll. « Documents », 475p.

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tel ou tel projet. Ces représentations sont le fruit de l’incorporation

d’un habitus qui prédispose la personne à telle ou telle trajectoire

sociale. Nombre de personnes accueillies sur le SIAE n’en sont pas à

leur premier coup d’essai et leur CV témoignent bien souvent d’un

retour cyclique sur ce type de structure.

Il faut alors considérer que la seule définition d’un projet

professionnel ne suffit pas à l’identification d’un projet formation.

Pour ce faire il faut que le manque de qualification soit d’une part

identifié par la personne comme étant un frein à l’emploi et que

d’autre part, la démarche du projet formation soit prioritaire sur

d’autres besoins.

1-1-2 Des besoins aux moyens : le « principe de réalité »

Le projet formation s’inscrit alors, dans un premier temps, entre un

imaginaire idéal et ce que les travailleurs sociaux appellent « principe

de réalité ».

Ce faisant, nous observons que la chronologie des besoins à satisfaire

tel que l’a développé Maslow1 se vérifie pleinement dans la réalisation

du projet formation lui-même mais ne se vérifie pas dans sa

conception. En effet, pour nombre de personnes en situation précaire

qui se projettent volontiers dans un projet formation celui-ci répond

alors à la volonté suivante :

- Prendre sa revanche sur une situation excluante.

- Supplanter les problèmes du quotidien

                                                            1 Rappelons que Abraham Maslow recense en 1943 ces besoins des plus vitaux aux plus secondaires dans une pyramide à la base de laquelle se trouvent les besoins physiologiques, puis les besoins de sureté et de sécurité, les besoins d’amour et d’appartenance, de reconnaissance et estime de soi et enfin de réalisation. Il postule que l’on ne peut atteindre l’échelon supérieur sans avoir satisfait le besoin du niveau inférieur. Nous observons que cette linéarité n’est pas toujours de mise même si globalement elle se vérifie.

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- Créer de toute pièce un projet parce que cela fait partie de la

contrepartie imposée par la structure et la nature du contrat proposé.

Pour autant, la personne semble en oublier qu’elle est confronté a ce

que Maslow a définit comme le besoin de sureté et de sécurité, besoin

en partie satisfait par le contrat de travail qui lui est proposé. Mais

nous constatons que celui-ci ne suffit pas à mener à terme un projet

formation si les quatre autres éléments que sont la santé, le logement,

la situation financière et la situation familiale ne présentent pas une

certaine stabilité.

La réalisation d’un projet formation relève pour les personnes en

insertion d’une prise de risque que peu de personnes peuvent se

permettre. Cette prise de risque intervient à trois niveaux :

Prise de risque financière parce que c’est un jeu relativement

complexe que de parvenir à assurer des conditions financières aussi

favorables pendant la formation qu’en emploi. Pour des personnes

pour qui le contrat de travail représente enfin la possibilité tant

attendue de stabiliser une situation matérielle dégradée, un tel

engagement peut porter à confusion.

Prise de risque professionnelle car la personne connaît la stabilité

d’une situation liée à l’emploi et la perspective de pouvoir commencer

à planifier des projets contribuant à sa resocialisation tant personnelle

que professionnelle, choses que beaucoup de personnes avaient

renoncées à faire du fait d’une gestion immédiate du quotidien.

L’entrée en formation relance l’incertitude quant aux perspectives

d’insertion professionnelle.

Prise de risque personnelle car qui dit entrée en formation dit

restructuration identitaire là où l’accès à l’emploi venait juste parfois

de permettre de recoller les morceaux d’un parcours empreint

d’expériences parfois dévalorisantes si ce n’est destructrices qui ont

contribué à éroder la confiance en soi de la personne. Entrée en

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formation c’est prendre le risque de l’abandon et/ou de l’échec,

ravivant des plaies encore mal cicatrisées et replongeant la personne

dans un parcours d’insertion là où la formation aurait du jouer le rôle

inverse.

Ainsi, dés lors que le projet formation s’inscrit plus globalement dans

un projet de vie, certaines personnes auront tendance à privilégier,

dans les autres sphères, la recherche de solutions qui évinceront la

nécessité d’une entrée en formation et apporteront des garanties de

socialisation plus fiables (à cours terme bien souvent) tant au niveau

matériel qu’humain. En témoigne, entre autres, les grossesses répétées

qui font suite au contrat de travail.

La notion de « projet » prime donc mais ne peut se concevoir, comme

nous l’avons vu, que comme une donnée personnelle. Il faut

considérer qu’il s’agit de toute façon d’un construit social et

institutionnel qui veut qu’une personne en difficulté face à l’emploi ne

peut pleinement savoir où elle va et par quels moyens elle compte y

arriver. Pour cela, indépendamment d’une volonté personnelle, et pour

pallier l’éventuelle absence de celle-ci (puisqu’il n’est pas acceptable

d’envisager qu’une personne sans emploi n’ait pas la volonté de s’en

sortir !), les politiques en faveur de l’emploi se chargent de mettre en

place des dispositifs dont l’objectif est de « produire du projet

professionnel ». Ainsi, les aspirations personnelles se retrouvent

fatalement confrontées aux aspirations et impératifs que se donne la

société pour réguler un marché de l’emploi qui génère de l’exclusion.

1-2 Du projet personnel au projet institutionnel

La formation embrasse, d’après nos observations, un spectre plus

large que celui de l’insertion professionnelle. Elle contribue à former

des individus doués de compétences sociales pour qui le projet

formation s’inscrit dans un parcours/un cheminement qui n’a pas pour

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seule finalité l’emploi mais le savoir « vivre en lien », savoir se

gouverner (au sens de savoir faire des choix, élaborer des stratégies),

savoir se situer (par rapport à un environnement social).

Héritage des politiques de l’emploi de la période des années 1980 où

s’est mis en place toute une gamme de mesures qui œuvre dans le sens

d’une individualisation des parcours qui marque encore aujourd’hui de

son empreinte indélébile le cadre d’action des systèmes de formations

à destination des publics en insertion ; nos structures interviennent

comme un des rouages d’un ensemble de dispositifs qui contribuent à

la construction d’une action communément appelé « parcours

d’insertion professionnelle ».

Cela signifie deux choses pour le public accueilli:

1-Il intègre un système conçu pour répondre à une problématique

globale commune à un ensemble de demandeurs d’emploi qui doivent

cependant pouvoir y trouver une réponse qui soit spécifiquement

adaptée à la situation de chacun.

2-Ce système réalise (à travers l’accueil, l’orientation et le suivi du

public) l’élaboration d’un projet professionnel et/ou la recherche

d’emploi ainsi qu’il veille au bon déroulement de la période de travail

ou de formation, doit, pour se faire, garantir que son action intègre en

permanence une dimension inter- institutionnelle.

Ainsi, l’ingénierie de formation doit tenir compte des différents

échelons qui interviennent dans l’élaboration du projet formation et

qui poursuivent chacun des objectifs parfois divergeant mais qu’il faut

tendre à faire converger:

Au niveau individuel, nous recensons deux principaux objectifs

professionnels poursuivit par l’entrée en formation. :

1- Les personnes qui veulent atteindre un niveau social jamais atteint,

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soit du fait d’une rupture dans la vie personnelle qui a empêché de

poursuivre des études déjà entamées (par exemple le cas des

personnes réfugiées politique), soit parce que la possibilité ne leur a

jamais été offerte de commencer, soit parce qu’un premier niveau de

qualification avait été atteint mais n’a jamais donné suite à une réelle

insertion professionnelle ou à une poursuite d’étude.

2- Les personnes qui veulent retrouver le niveau social atteint avant la

ou les éventuelles ruptures que ce soit sur le même secteur

professionnel ou dans le cadre d’une reconversion.

La structure d’insertion peut alors tenter de répondre en partie, aux

demandes individuelles puisqu’elle doit répondre à un objectif de

retour à l’emploi. Cependant, elle doit également se préoccuper

d’accroître la productivité de l’individu (« maîtrise du travail que l’on

fait ») car elle se doit d’atteindre ou de maintenir un équilibre

financier. Le développement des compétences des salariés représente

un enjeu ambivalent qui peut lui profiter à court terme mais ne pas

répondre à ses besoins à long terme. La professionnalisation peut

même lui nuire à court terme car elle implique de dégager du temps et

des moyens qui rendent le salarié momentanément improductif et

constitue parfois une source de renoncement au projet formation ou au

fait de privilégier certaines voix de qualification plus que d’autres.

Les autres intervenants, communément appelés « partenaires »,

agissent dans une visée de coopération voire de collaboration tant au

niveau de la démarche d’élaboration que de réalisation du projet

professionnel. Ils sont cependant constitués d’organismes aussi divers

que les centres de formation, les collectivités territoriales, OPCA,

associations et entreprises. Tous ont en commun de rechercher et/ou

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de contribuer à la qualification des personnes de faibles niveaux1 et

font de la sécurisation des parcours leur cheval de bataille. Cela se

traduit par la volonté de promouvoir des passerelles entre les divers

dispositifs, financement ou organismes de formation. Dans la réalité,

chacun n’y parvient bien souvent que dans le secteur qui est le sien

parce qu’il peine à maîtriser le fonctionnement de l’ensemble des

rouages qui gouvernent les autres. Interrogés sur la notion de projet

individuel, deux types de partenaires se dégagent. Ceux qui répondent

à un objectif de résultat (certification) et qui voient dans la formation

une fonction utilitaire (la plupart du temps liée au retour à l’emploi ou

l’entrée sur une autre formation). Ceux qui répondent à des objectifs

de moyens et qui voient dans la formation une visée beaucoup plus

globale, conçue comme une étape préalable à une autre série d’étapes

(qui ne relèvent pas d’ailleurs nécessairement du champ de la

formation ou de l’insertion professionnelle).

Cependant, un élément traverse l’ensemble des projets individuels et

institutionnels : la question du financement. Celui-ci détermine et peut

remodifier les objectifs poursuivis et/ou imposés à chacun et fixe bien

souvent les règles du jeu car au final, la réalisation du projet formation

s’inscrit dans une logique perverse : pas de moyens sans projet et pas

de projet sans moyens.

Conclusion intermédiaire:

La superposition entre politiques de l’emploi, insertion et formation

tend à définir le propre de l’ingénierie de formation :

Trouver une cohérence entre les prérogatives de ces différents

niveaux et celles de la personne.

Faire émerger des solutions nouvelles qui soient des voix possibles

d’accès à la formation parfois encore non envisagées par la personne.

                                                            1 Niveau V ou infra ou niveau IV dés lors que la qualification est obsolète.

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L’amener à considérer ces possibles comme des opportunités et non

comme des contraintes. Ce faisant, c’est lui permettre d’être acteur et

non spectateur de son projet de formation.

1-3 Des projets « sur mesure »

Le projet formation qui s’élabore au niveau individuel et se réalise

dans un cadre institutionnel relève d’une construction cousue main

tant chaque nouveau projet s’inscrit dans un agencement des éléments

qui le compose qui lui est propre. Pour se faire, la démarche

d’ingénierie de formation s’appuie sur trois axes.

1- La définition de l’objet de formation. Il s’agit de déterminer la

nature et le niveau auquel il se situe. Plusieurs possibilités :

Les actions d’évaluations qui comprennent l’évaluation des

compétences (immersion en entreprise), l’aide à l’élaboration du

projet professionnel (Bilan de Compétences), l’évaluation du potentiel

scolaire (test de niveau, POPS1) ou professionnel (test d’habileté PVF 2), l’évaluation des connaissances professionnelles(ECP).

Les actions de remise à niveau, de préparation à des concours ou

entrée en formation (DAEU3, Savoirs de base).

Les actions de qualifications qui incluent :

La professionnalisation et l’apprentissage en emploi.

La certification.

L’expérience professionnelle qui met en œuvre des savoirs acquis

mais non expérimentés.                                                             

1  POPS : Prestation d’orientation professionnelle personnalisée, dispositif pôle emploi. 

2PVF : Plateforme des vocations, dispositif de tests d’habiletés de pôle emploi préalable à un recrutement 3DAEU : Diplôme d’Accès aux Etudes Universitaires

 

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La reconnaissance de niveau d’étude ou de diplôme pour les

personnes d’origine étrangère.

2- L’identification du cadre de réalisation de l’action de formation.

Chaque personne, au moment d’élaborer son projet formation, est

parvenue à un certain stade de maturation qui la conduit à être plus

réceptive et enclin à tel ou tel type de pédagogie ou de format de

formation. Il s’agit de repérer, avec elle et aux vues de son parcours, la

cadre qui favorisera le plus la réussite du projet. A ce sujet, nous

remarquons, à travers l’analyse des CV et des entretiens, que nous

pouvons différencier ce que H. Lasker et J Moore (1979) décrivent

comme des stades et des phases dans la vie d’un adulte. Les premiers

correspondent à des périodes fixes ou chronologiquement arrêtées et

les seconds correspondent au processus de développement sans que

ceux-ci soient nécessairement attachés à une période de l’existence. Il

convient alors de tenir compte de ces différents temps qui divergeront

d’une personne à une autre. Il s’en suit, au moment où se construit le

projet formation, une prédisposition momentanée, à recevoir de

nouveaux apprentissages sous certaines formes plus que d’autres.

Nous développerons cette idée dans le chapitre 3.

3- Le maillage des dispositifs et financements permettant la

réalisation de l’action.

Le jeu est complexe puisque la recherche des moyens financiers tient

en majeure partie à la possibilité de mixer des ressources pour partie

du au fait que les personnes soient salariées et pour partie au fait

qu’elles soient demandeurs d’emploi. (A la marge, mais très rarement,

il peut y avoir une prise en charge du fait qu’elles aient une

reconnaissance travailleur handicapé). Il faut prendre en compte deux

nécessités : le financement de l’action de formation et la rémunération

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de la personne pendant la formation. Mais il faut également tenir

compte du temps pendant lequel se réalise l’action. Ce peut être celui

de la durée du contrat de travail, auquel cas l’action de formation peut

avoir lieu pendant ou hors temps de travail (avec une règlementation

spécifique à chaque cas de figure en matière de récupération du temps

de formation) et impliquer pour des formations longues un

engagement de la structure sur un renouvellement de contrat. L’action

de formation peut également se réaliser en dehors du contrat de

travail, ce qui soulève d’épineux problèmes en termes de rémunération

liées aux possibilités de rupture anticipée du contrat. Compte tenu de

la complexité des combinaisons possibles, nous préférons nous

reporter au schéma1 qui représente une vision globale et synthétique

des différents cas de figure.

Nous constatons que l’interdépendance des ressources entre elles, rend

le projet formation relativement aléatoire et peut paraître déroutant

pour des personnes qui vivent une précarité sociale quotidienne. Il

génère alors méfiance et déférence là où il se présentait au départ

comme voie de stabilité.

La caractéristique majeure dont il faut tenir compte sur ce volet qui

relève de « l’ingénierie financière », tient à une très forte

hiérarchisation et un nivellement des niveaux d’intervention des

différents opérateurs financiers. Il faut ainsi différencier les

partenaires qui ont pour compétence le financement de formation

(région, OPCA) et ceux pour lesquels il s’agit d’une compétence

« annexe » (Conseil général). D’autre part, il faut également

différencier les stratégies et logiques inhérentes à chacun à savoir sur

quels types de financements ils interviennent (frais pédagogiques,

frais annexes, salaires) et les critères d’attribution (co- financement ou

financement unique). Pour plus de clarté, la complexité de cette inter-

institutionnalisation financière est présentée en annexe2. Il faut

                                                            1 Se reporter à l’annexe 3 2 Se reporter à l’annexe 4

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cependant noter qu’aucune action de formation ne peut se réaliser sans

un respect scrupuleux et diplomatique de cette « culture » des

dispositifs financiers.

1-4 Du rôle du conseil et de l’orientation : identifier le besoin

Selon Bernard Masingue1, il est impossible, au vue des nouvelles

formes du marché de l’emploi (insécurité, fléxi- sécurité) de penser

que chacun peut être « entrepreneur de lui-même » dans la création, le

maintien et le développement de son employabilité. Le rôle de

l’ingénieur formation dans la SIAE naviguerait entre une mission

d’orientation, conseil, accompagnement et évaluation qui prenne en

compte les particularités d’un public dont la relation à l’emploi

présente des spécificités.

Premièrement, dés lors qu’il s’agit de former des adultes apparaissent

deux éléments intrinsèques:

1- Les personnes ont besoin de donner du sens à l’action de formation.

Ce qui signifie qu’elles s’engageront plus facilement sur des

actions dont elles auront le sentiment d’avoir eu l’initiative. Le

rôle du conseiller formation consistera alors à leur (re) donner la

main mise sur le projet formation même si dans les faits, le

contexte institutionnel influe parfois majoritairement.

2- Ce sens s’inscrit dans un contexte socio- professionnel ou les

apprentissages ne sont pas que de simples connaissances

techniques mais des savoirs génériques transférables à la vie

sociale. Le conseiller formation doit alors parfois favoriser

                                                            1 BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, 364p. 

 

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l’explicitation de ce lien qui rend attractif tel ou tel projet

formation.

Nous observons que ces deux éléments prennent en compte des

objectifs « primaires », ceux officiellement poursuivis par la personne

en formation et qui servent de point de départ entre celle-ci et les

partenaires institutionnels et des objectifs « secondaires », non

officiellement avoués excepté parfois auprès du conseiller qui peut les

utiliser comme « argument de vente ».

Deuxièmement, nous constatons que l’on parle plus souvent de

publics « accueillis » que de personnes embauchées ce qui modifie

pour partie la nature de l’accompagnement vers le projet formation qui

se développe autour de la notion de « personne en insertion ». Il faut

ainsi entendre par là, des personnes privées d’emploi mais pas

seulement puisqu’il s’agit également d’une privation de

reconnaissance socio-économique et des droits afférents. La situation

sociale de la personne à son entrée sur la structure induit alors un

rapport au marché du travail qui n’est pas anodin dans une démarche

de formation. Trois types de publics se distinguent.

1- Ceux qui bénéficient de ressources directement liées à des droits

acquis du fait d’une activité salariée (ARE, ASS1) et qui

maintiennent de ce fait un lien plus étroit avec le monde du travail

qu’avec celui de l’assistanat.

2- Ceux qui ne bénéficient que des minima sociaux (RSA, AAH2) et

qui ne relèvent, de fait, que de l’assistanat parce que le lien avec le

secteur économique est depuis plus ou moins longtemps et pour

plus ou moins longtemps encore rompu.

3- Ceux qui sont « sans droit » et qui incluent deux types de

population n’ayant pas suffisamment travaillés pour ouvrir des

                                                            1 ARE : Allocation de retour à l’Emploi et ASS : Allocation de Solidarité Spécifique. 2 RSA : revenu de solidarité Active et AAH : Allocation Adulte Handicapé.

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droits aux indemnités chômage mais qui ne peuvent pas non plus

prétendre aux minima sociaux. Les étrangers qui possèdent un titre

de séjour de un an et qui sont présent depuis moins de cinq ans sur

le territoire et les jeunes de moins de 25 ans. L’enjeu pour eux est

d’éviter de faire leur entrée dans le monde socio-économique par

le biais de l’assistanat en valorisant l’accès à l’emploi et/ou à la

formation.

Ainsi, pour la personne, ce qui tisse le lien entre la formation et

l’emploi dépend de sa situation personnelle au regard de celui-ci.

Selon une définition de l’Organisation pour la coopération et le

développement économique (OCDE), l’orientation professionnelle

répond à 3 grandes missions :

1- Permettre l’accès à l’information sur les métiers, les qualifications

et les formations

2- Assurer des prestations de conseil et d’appui dans l’identification

des potentialités de l’individu en cours de définition ou de

redéfinition d’un parcours professionnel ou de formation

3- Des mesures d’accompagnement personnalisées dans la mise en

œuvre du parcours qui mène vers l’emploi ou la formation.

Nous pouvons reprendre à notre compte ces trois axes et

ajouterons que le rôle du conseiller en formation sur une SIAE permet

de répondre en premier lieu à la question suivante : le problème est-il

réellement un problème de formation ? Pour banale qu’elle puisse

paraître, cette question ne l’est pas, de fait, pour des personnes qui

conjuguent un certain nombre de difficultés. Nombre de partenaires

réalisant des actions d’accompagnement et/ou de prescription voire

même de formation tiennent pour acquis un projet formation qui

masque en réalité une détresse et une incapacité à se situer et à se

positionner objectivement sur le marché de l’emploi.

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L’accompagnement favorise l’auto évaluation et ne peut se cantonner

à une relation de face à face avec un interlocuteur unique, mais

procède d’allers et retours réguliers, sur une période donnée, et

favorise la mobilisation des divers moyens qui fassent le lien entre

l’individu et la société (emploi), ses compétences et son projet, son

projet et les moyens dont il dispose. Il faut cependant, pour que cela

soit concluant, qu’il y ait une personne ressource qui soit un fil

conducteur entre les multiples autres interlocuteurs1.

Au final, si le projet aboutit, c’est du fait de l’individu et rarement de

l’infrastructure qui ne vient que soutenir, impulser, organiser une

démarche portée en germe par la personne.

Conclusion intermédiaire :

Nos premiers constats apportent la preuve, qu’en dépit du

développement des métiers de la formation et de la

professionnalisation des « ingénieurs » formation, ceux-ci ne peuvent

plus se contenter d’appliquer une démarche unidimensionnelle mais

user de méthodes qui prennent en compte l’interférence de projets

individuels et collectifs qui nécessitent un savant mélange de conseil,

orientation, accompagnement et d’expertise.

Jean Clénet postule que « l’ingénierie de la formation de qualité

s’enracine dans des génies inventifs, capables de différencier des

niveaux d’actions, de les hiérarchiser, et surtout de les relier dans un

projet rendu convenable ».2

Tout l’enjeu de la construction d’un projet professionnel réside dans la

jonction entre des prérogatives personnelles et institutionnelles et en

cela le rôle d’accompagnement, parce qu’il centralise la connaissance                                                             

1 Se reporter à l’annexe 5. 2 CLENET Jean (2005), « Complexité de la formation et formation de la complexité » in BREMAUD Loic et Catherine GUILLAUMIN Catherine (dir.), (2010), L’Archipel de l’Ingénierie de la formation, Mayenne, 364p. 

 

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du fonctionnement des deux parties en présence peut mettre en

évidence les intérêts que chacun peut y trouver.

II-INGENIERIE DE FORMATION VECTEUR

D’EMPLOYABILITE

Nous venons de voir comment l’ingénierie de formation peut

impulser une dynamique de projet de formation concourant à

l’insertion socioprofessionnelle, en répondant à des impératifs de « sur

mesure ». Voyons maintenant comment, de ce fait, le niveau

d’employabilité peut s’en trouver modifié. Pour ce faire, nous devons

considérer dans un premier temps ce sur quoi porte l’employabilité et

dans un second temps les facteurs qui peuvent, dans le cadre d’un

développement par la formation, constituer des freins ou des leviers.

2-1 L’employabilité : compétences ou capacité ?

S’il est bien un terme dont tout le monde parle sans qu’il soit présent

dans les discours c’est bien celui d’employabilité. Cela tient au fait

qu’il est, dans la vulgate économique, synonyme « d’inapte au

travail » et qu’il n’existe qu’à travers les éléments qui le composent.

Ainsi, de manière très générique, l’employabilité est ce qui permet de

répondre aux exigences du marché du travail mais ceci nous impose

un retour par le champ conceptuel qui, paradoxalement, pourra seul

traduire en termes opérationnels ce dont il s’agit. Perceptible à travers

les problèmes qu’elle pose dans les pratiques et les comportements

professionnels, l’employabilité relève de registres parfois difficiles à

nommer et encore plus difficiles à identifier à travers des critères

objectivables. Cependant, un certain nombre de témoignages tendent à

décrire, sous diverses formes, des termes identiques. L’employabilité

pourrait alors s’appréhender à travers deux axes qui en constitueraient

les fondements.

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1- Au premier abord, elle relèverait de la possession ou non par la

personne de diplômes, qualification et/ou certification lui

permettant d’occuper le poste visé. Ceci scinde automatiquement

la population étudiée en deux catégories : ceux qui possèdent les

titres requis et ceux qui ne les possèdent pas.

Pour les premiers, il convient de nuancer nos observations quant à

l’inadéquation entre ces titres et le marché de l’emploi. Le projet de

formation naît de ce que la formation antérieure peut :

- Avoir conduit à un niveau insuffisant au regard de celui, non pas

théoriquement mais réellement requis par les employeurs. (Un bac

professionnel secrétariat devrait permettre d’accéder à un poste de

secrétaire mais les personnes se trouvent généralement supplantées par

des BTS).

- Se révéler inadéquat par rapport à la demande réelle de compétences

du secteur professionnel ou de l’entreprise. (un CAP de cuisinier ne

peut être confondu avec un CAP d’employé polyvalent de restauration

car il ne développe pas les mêmes savoirs et ne conduit pas aux

mêmes postes).

- S’avérer inopérant car non conforme à des exigences

professionnelles. (Ce qui est la plupart du temps le cas des personnes

d’origine étrangère en possession de diplômes d’état dont le contenu

pédagogique ne correspond pas exactement au même diplôme obtenu

en France).

- Ne plus correspondre à la demande réelle soit en termes d’emploi soit

de compétences (nous retrouvons ce problème pour les diplômes liés à

l’industrie où la technologie a considérablement fait évoluer les

pratiques et remanier ainsi les référentiels de formation).

Pour ceux qui ne possèdent pas les titres requis, la question de

l’employabilité peut, en partie, se résoudre dans le niveau

d’expérience de la personne. Dans les deux cas, cet axe n’est pas

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suffisant et ne peut à lui seul déterminer le « niveau » d’employabilité

de la personne. Et il semblerait que ce soit là où le bas blesse, car une

autre dimension entre en jeu.

2- Dans un second temps, les personnes doivent disposer d’un certain

nombre de pré-requis dont la définition crée un malaise voire de

vives dissensions entre les professionnels de l’encadrement, de

l’accompagnement et du conseil, de la formation et les agents

économiques. Tout le monde semble désigner un objet commun

qui serait le fruit d’un agencement à chaque fois original entre des

aptitudes, des capacités et des compétences telles que les définies

André Guittet1 .

Les premières sont « des qualités attachées à un individu, elles

caractérisent des dispositions naturelles ou acquises. Utilisées ou non

dans un poste elles sont constituées d’aptitudes physiques (aptitudes

sensorielles ou motrices comme la dextérité manuelle, la résistance

physique), d’aptitudes intellectuelles (intelligence abstraite, concrète,

créative) et d’aptitudes relationnelles (autonomie, stabilité

émotionnelle) ».

Les capacités, elles, « sont mises en œuvre dans les savoirs et les

savoir-faire maîtrisés : « être capable de ». Les aptitudes dépendent

des capacités mais sont plus particulièrement le résultat des acquis des

apprentissages, de la formation. Les capacités ne sont pas directement

observables, elles se définissent à partir des opérations mentales

nécessaires pour maîtriser un savoir, un savoir-faire : informer,

rédiger, argumenter, négocier. Une compétence peut demander

plusieurs capacités différentes. Les capacités définissent le niveau de

qualification de la personne ».

                                                            1 GUITTET André (1994), Développer les compétences par une ingénierie de la formation, ESF Editeur, paris, 230 p.

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Enfin, dernier élément, les compétences « représentent la mise en

œuvre de savoirs et de savoir-faire pour la réalisation d’une tâche. La

compétence dépend en premier lieu des aptitudes et des capacités mais

elle résulte surtout de l’expérience professionnelle ».

Les entretiens que nous avons menés mettent en évidence que ce sont

bien là, les critères distinctifs sur lesquels porte le recrutement des

salariés. De manière récurrente, ce qui est attendu d’eux et ce qui fera

plus particulièrement l’objet de leur « formation » relève de :

- L’acceptation de l’autorité

- La « disponibilité » au sens d’une capacité à se remettre en cause et

à se mettre en prédisposition d’apprentissage.

- L’envie.

- La condition physique.

Nous voyons que nous sommes là bien loin de savoirs et compétences

techniques.

Fort de ces distinctions, nous constatons qu’il subsiste toujours une

zone d’ombre que n’arrive pas à discerner le champ de la formation. Il

s’agit de compétences pour le moins non perceptibles que Grégoire

Evequoz1 nomme « compétences clés » et qui pourraient se résumer

sous le vocable de savoir-être2. Ces compétences sont très difficiles à

cerner parce qu’elles sont transversales et posent la question de ce qui

relèvent de l’inné (qualité morales, traits de caractère, traits de

personnalité et aptitudes) et de l’acquis (comportement). L’ambigüité

de leur définition se traduit d’ailleurs dans les faits par une pluralité

des sens attribués à ce terme par les institutionnels. Ainsi, les

                                                            1 EVEQUOZ Grégoire (2004), Les Compétences clés, Paris, Ed. Liaisons, 156 p. 2 Grégoire Evequoz s’inspire dans son ouvrage d’une typologie de savoir-être tel que développé par Sandra Bellier et qui le définit par l’ensemble de : qualités morales, caractère de la personne, aptitudes et de traits de personnalité, goûts et intérêts, comportements. BELLIER Sandra (2004), « Le savoir être dans l’entreprise » in EVEQUOZ Grégoire (2004), Les Compétences clés, Paris, Ed. Liaisons, 156 p.

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compétences clés désignent par ailleurs la synecdoque suivante : un

ensemble de savoirs inconditionnels à partir desquels peuvent

s’acquérir les savoirs faire (français, mathématiques, apprendre à

apprendre,) et les dispositifs d’enseignements de ces savoirs. On est

donc là très loin d’une compétence d’ordre comportementale qui se

régénèrerait avec chaque mise en situation de travail.

Nous comprenons bien comment, avant de chercher à développer le

niveau d’employabilité de la personne par la formation, les

professionnels doivent d’abord définir sur lequel de ces niveaux il faut

agir et le mettre en lien avec l’outil pédagogique ou le dispositif le

plus approprié. Or, d’une part, aucun n’est formé à une telle pratique.

D’autre part, compte tenu de la complexité des éléments qui constitue

l’employabilité, il paraît prétentieux de croire que la formation

pourrait avoir une incidence directe et exclusive sur celle-ci.

Nous pouvons alors, à ce stade de notre étude, considérer que la

question de l’évaluation s’impose comme un outil incontournable.

Elle s’impose cependant également par son manque de clarté.

2-2 De la nécessité d’identifier le rôle de l’évaluation.

Au cœur même de la constitution du projet formation, l’évaluation

dans le cadre d’une démarche d’ingénierie de formation sur une SIAE

revêt un caractère bien particulier1. Il s’agit d’une évaluation très

complexe qui, réalisée en amont et pendant le déroulement du projet

formation, doit en permanence redéfinir ce sur quoi elle porte et quels

                                                            1  Pour une définition appropriée à celle de notre objet de recherche nous nous réfèrerons à celle de Charles Hadji : «l’évaluation qui, effectuée avant une action de formation ou une séquence d’apprentissage, a pour but de produire des informations permettant soit d’orienter le formé vers une filière adaptée à son profil, soit d’ajuster la formation à son profil ».

HADJI Charles (1989), L’évaluation, règles du jeu, ESF, 190p 

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sont les acteurs qui réalisent cette évaluation. Nous avons représenté

l’imbrication des différentes composantes dans un schéma.1

Nous voyons que le rôle du conseiller formation consiste à orchestrer

les niveaux d’évaluation suivants en un tout cohérent et réaliste pour

la personne :

- L’évaluation des écarts entre le profil professionnel de la personne et

celui requis par le secteur d’activité ou l’emploi visé. Il s’agit du

niveau de compétence réel de départ.

- L’évaluation du potentiel2 de la personne tant sur le plan des

apprentissages qui s’acquièrent dans un cadre formel que des capacités

professionnelles. Il est très important de bien distinguer les deux car il

s’agit de deux potentiels différents. Nous le voyons dans le cadre des

contrats de professionnalisation où une personne peut très bien réussir

la formation et ne pas réussir son intégration professionnelle et le

transfert des acquis et inversement.

-L’évaluation des freins psycho- socio qui peuvent empêcher toute

évolution et toute mise en œuvre du projet formation.

- L évaluation des capacités des dispositifs d’apprentissage à répondre

au projet formation de la personne compte tenu de leur pédagogie, de

la durée de leur prestation, de leur localisation, du nombre de

participants, du relationnel qui s’instaure entre l’enseignant, le salarié

et le conseiller formation (proximité et régularité des échanges).

                                                            1 Se reporter à l’annexe 6 2 Nous pourrons nous référer à la définition qu’en donne André Guittet : « La notion de potentiel désigne l’ensemble des aptitudes, des capacités, des compétences non utilisées actuellement dans le poste de travail et qui pourraient se développer dans d’autres activités, dans un autre contexte. La notion de potentiel, par différence avec celle d’aptitudes, renvoie à une conception dynamique et évolutive des compétences d’une personne ».

GUITTET André (1994), Développer les compétences par une ingénierie de la formation, ESF Editeur, paris, 230p.

 

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Ces différents niveaux d’évaluation qui interviennent sur l’ensemble

des axes que nous avons définis comme étant constitutifs de

l’employabilité de la personne, permettent de déterminer les besoins

de formation, cela va de soi, mais également les pré-requis et/ou les

pré-acquis nécessaires pour satisfaire ce projet formation. Ils

permettent surtout d’identifier les moyens et dispositifs les plus à

même de répondre à la demande. C’est cette parfaite adéquation entre

la demande et les moyens que doit permettre la maîtrise des champs

de l’évaluation par le conseiller et ce n’est qu’à cette condition que

l’employabilité de la personne s’en trouvera, in fine, augmentée

d’autant.

Pour ce faire, il doit tenir compte de l’impact des éléments suivants :

- La durée accordée au temps de l’évaluation. En ce qui concerne par

exemple l’évaluation des compétences dans le cadre d’un stage en

entreprise, le temps de présence ne pouvant pas excéder celui de la

durée hebdomadaire du temps de travail (soit 24 ou 35H), il paraît

bien difficile d’avoir une vue exhaustive des compétences de la

personne.

- Le cadre et le contexte de l’évaluation selon qu’il est spécifiquement

conçu pour répondre à la problématique de la personne ou qu’il

s’intègre dans un dispositif plus vaste dont l’objet transcende cette

problématique.

- Les outils utilisés pour l’évaluation qui peuvent ne comporter qu’un

mode de critère unique ou juxtaposer une série de critères permettant

des comparaisons.

- La ou les personnes mêmes qui portent le jugement et qui agissent en

fonction de leur niveau de maîtrise de l’outil qu’elles utilisent, des

enjeux institutionnels, de leur capacité à mettre en perspective

l’évaluation avec un projet et une finalité plus vaste.

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- Le commanditaire de l’évaluation et la finalité. Certaines évaluations

sont, si ce n’est obligatoire pour le moins « très fortement

recommandées » pour donner accès aux moyens permettant la

réalisation du projet formation. C’est le cas notamment des tests

réalisés par le POPS1 qui permettent de débloquer l’aide financière

accordée par Pôle Emploi. Par ailleurs, il peut s’agir d’un employeur,

qui préalablement à une éventuelle embauche, souhaite identifier les

actions de formation préalable qu’il devra mettre en place pour

« rendre employable » le candidat.

Les pratiques d’évaluation réalisées de manières formelles ou

informelles par des professionnels se heurtent bien souvent à l’auto-

évaluation du salarié qui ne dispose que très rarement des moyens

nécessaires pour accéder à une vision pertinente de sa situation. Il

s’agit d’ailleurs bien souvent, pour lui, de s’auto-évaluer en fonction

de l’analyse qu’il fait des évaluations dont il est l’objet. Ce décalage

tient à deux faits majeurs :

1- Les cadres de référence des diverses évaluations ne sont valides

que dans le contexte dans lequel ils ont été crée et pour répondre à

une demande qui n’est pas nécessairement celle du salarié. Ainsi,

nous rejoignons les propos de Guy Le Boterf2 à ce sujet : « Les

besoins de formation définis comme des écarts de connaissances

ou de compétences existant entre le profil professionnel requis et

le profil professionnel réel, n’existent pas en soi. Ils constituent un

écart qu’il faut identifier et analyser par rapport aux situations

concrètes ou aux référentiels qui sont à leur origine

(dysfonctionnements, projets, évolutions des métiers et des

contenus d’emplois, évolutions culturelles, etc.) ». Ainsi, un

                                                            1 POPS : Prestation d’orientation professionnelle personnalisée, dispositif Pôle Emploi 2 LE BOTERF Guy (1990), L’ingénierie et l’évaluation de la formation, Ed. D’Organisation.

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salarié peut penser, parce qu’il vient d’obtenir le DELF1, qu’il a

atteint un niveau suffisant de maîtrise de la langue française pour

pouvoir poursuivre la formation qualifiante souhaitée parce qu’il

s’agit du niveau le plus élevé proposé par l’organisme de

formation. Or, ce qu’il ne sait bien souvent pas, c’est que ce

niveau se trouve en bas d’une échelle qui fait de lui non pas un

« expert » mais un débutant.

2- La personne se retrouve face à une série d’évaluations segmentées,

pour ne pas dire compartimentées qui, à elles toutes, constituent la

somme d’information nécessaire pour la construction d’un projet

formation réaliste, cohérent et viable. Cependant, les résultats

isolés de chacune des évaluations auxquelles se soumet le salarié,

occultent un pan entier des éléments connexes de l’évaluation

globale dans laquelle ils s’insèrent et qui permettent d’apporter

une analyse plus fine de la situation.

Conclusion Intermédiaire

Le conseiller formation a un rôle majeur à jouer dans la mise en

perspective de l’interdépendance des résultats des évaluations entre

eux. En effet, si l’agencement pertinent de ces résultats vient à

manquer, la personne se sent alors bien vite sous estimée. Cette

dévaluation entraîne souvent découragement, défiance, voire

agressivité qui annihilent toute perspective de conduite du projet

professionnel à son terme.

2-3 Parcours et processus formatif

                                                            1 DELF : Diplôme Elémentaire en Langue Française.

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La notion de parcours est alors essentielle puisque c’est par elle

qu’apparait le lien entre le sujet, l’objet et le projet dans un temps et

un contexte déterminé.

Nos constats concernant la notion de parcours professionnel rejoignent

ceux de Christophe Parmentier1, docteur en science de l’éducation. Il

existe une dualité entre la capacité et la volonté de l’individu de

choisir et être acteur de la direction qu’il souhaite donner à son

devenir professionnel et l’existence de prérogatives institutionnelles

qui peuvent soit se présenter comme des opportunités soit orienter de

manière coercitive son évolution.

L’étude des trajectoires professionnelles montre qu’il existe un lien

étroit entre le « niveau » d’employabilité de la personne et sa capacité

à être acteur. Ce lien réside dans son degré d’autonomie qui lui permet

de :

- Evaluer sa situation socio-économique et les ressources dont il dispose

- Pouvoir mobiliser ces ressources

- Evaluer l’étendue de ses savoirs et de ses compétences

- Pouvoir se projeter dans un avenir plus ou moins proche

- Savoir saisir les opportunités

- Maîtriser le fonctionnement des systèmes dans lesquels il s’intègre.

Ce lien a donc une incidence sur le parcours professionnel. Les

entretiens menés auprès des autres structures et partenaires en matière

d’insertion confirment la présence au sein de ces dispositifs de trois

                                                            1  PARMENTIER Christophe (2011), Encadrer et sécuriser les parcours professionnels, Paris, Ed. Dunod, 213p.

 

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grands types de parcours professionnel1 : stables, précaires et

instables2.

Pour être plus précis, nous constatons qu’il y a une corrélation entre la

durée de l’expérience professionnelle et le niveau d’étude initial de la

personne. Les personnes pour lesquelles la durée de l’expérience est

élevée (supérieure à 5 ans) sont soit des personnes sans qualification

qui travaillaient dans des secteurs ou aucune qualification n’était

traditionnellement requise avant que ne se mettent en place des

procédures de certification et de professionnalisation. Il s’agit

principalement des secteurs de la restauration, de l’aide à domicile, du

nettoyage et de l’industrie (poste d’ouvrier de production) par

exemple. Mais il peut également s’agir de personnes ayant acquis une

qualification technique dans un secteur en pleine évolution qui a rendu

de fait les compétences ainsi acquises inappropriées au fil du temps.

Les ruptures d’avec le monde du travail pour des raisons personnelles

ont alors empêché toute possibilité de re- qualification, éloignant ainsi

définitivement la personne du poste qu’elle occupait.

Les personnes dont la durée d’expérience professionnelle est faible

(inférieure à un an), sont, en partie, des personnes sans qualification.

Nous retrouvons ici les personnes d’origine étrangère qui cumulent le

manque de maîtrise de la langue française à la méconnaissance des

                                                            1 Classification inspirée d’une étude de l’INSEE- INSEE, enquête emploi, mars 2001 et ANPE-DARES, premières informations et premières synthèses, mai 2001, Margaret Maruani, les mécomptes du chômage, Paris, Bayard, 2002, P84. 2Les trajectoires socioprofessionnelles stables concernent des personnes qui ont été dans les 5 dernières années en CDI ou CDD longs renouvelés.

Les trajectoires socioprofessionnelles instables concernent des personnes qui ont été dans les 5 dernières années en succession de contrat temporaires (CDD et intérim) avec des temps de chômage inférieur au temps de travail.

Les trajectoires socioprofessionnelles précaires concernent des personnes qui ont été dans les 5 dernières années en succession de contrats d’insertion et/ou en contrats temporaires (CDD ou intérim) avec des temps de chômage supérieur aux temps de travail).

 

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codes sociaux qui régissent le monde du travail français (technique de

recherche d’emploi, connaissance de l’organisation des secteurs

d’activité, réglementation du monde du travail). Pour une autre partie,

nous retrouvons des jeunes diplômés qui peinent à trouver un premier

emploi du fait d’une qualification inadaptée au bassin d’emploi, de

difficultés et de contraintes personnelles qui amènent les employeurs à

évincer leur candidature (en tête du palmarès le manque de mobilité !)

ou de comportements qui ne répondent pas au standard attendu (dont

l’ incontournable « manque de motivation »).

Ces grandes tendances de trajectoires induisent trois grands types de

comportements à l’égard de l’emploi et de la formation: offensifs,

paradoxaux et défensifs. Il en découle des attitudes face à l’emploi

occupé qui peuvent se résumer dans les trois postures suivantes :

Une part du public la considère comme « un emploi » comme un

autre. En résulte des difficultés à se projeter vers des démarches de

recherche d’emploi alors que ce sont bien souvent ceux qui pourraient

le plus rapidement accéder au marché de l’emploi(qui ont le moins de

freins). Ils s’installent alors dans l’emploi occupé tant d’un point de vu

professionnel (relations aux collègues, prises d’initiatives ou au

contraire attitude routinière), que personnel (ils réalisent des projets

long terme en contradiction avec la faible stabilité financière assurée

par la durée du contrat (investissement immobilier, grossesse, et) Ceci

concerne dans une moindre mesure les personnes d’origine étrangère

réfugiées, qui, à peine arrivées, voudraient être reparties.

Une part du public la considère comme un réel tremplin et

saisissent toutes les opportunités pour résoudre les problèmes qui se

posent à eux.

Une autre part, au contraire, « touche le fond ». Paradoxalement à

l’assurance que leur procure le contrat de travail, ils coupent cours

avec tous les efforts qu’ils avaient fait pour maintenir le cap et ils

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mettent un terme aux liens qu’ils avaient entretenus avec ceux qui les

avaient aidés à s’en sortir. Ainsi, ils « replongent».

Nous pouvons constater, que ces « catégorisations », correspondent au

niveau de désinsertion atteint par la personne1, même si aucune ne se

trouve en situation de totale désaffiliation.

En fonction de cela, chacun développe une capacité à convertir un

temps professionnel en un temps de développement des compétences

plus ou moins bénéfique.

En parallèle des parcours individuels, notons que l’ensemble des

partenaires sociaux et institutionnels tentent d’œuvrer pour une

sécurisation de ces parcours en développant un certain nombre de

pratiques :

-En assurant la linéarité et la complémentarité des dispositifs pour ne

pas mettre la personne « or circuit ». Cela se traduit d’une part bien

souvent par une superposition des dispositifs sociaux, professionnels

et éducatifs. D’autre part, par l’assurance apportée par certaines

institutions d’intervenir en dernier recours même si cela déroge à leur

champ de compétence (par exemple le financement de formation par

le Conseil Général).

-Plus les institutions traitent les projets formation de manière

dématérialisée et technocratique, plus elles s’en remettent, en amont, à

l’avis d’un « technicien », en l’occurrence le conseiller en formation,

avis qui vaut bien souvent pour validation.

- Les dispositifs de formation qui interviennent en faveur des publics

en insertion développent, pour beaucoup, des passerelles avec d’autres

                                                            1 Le terme insertion se confond souvent avec le processus même qui conduit à la désaffiliation de la personne. Ce processus, tel que décrit par Vincent de Gaulejac, comporte 4 étapes : la situation de rupture, l’enchaînement des ruptures, le décrochage, la rupture spatiale, la déchéance. Chacune de ses étapes étant traversées par des attitudes de résistance, d’adaptation et d’installation dans la situation ainsi atteinte. DE GAULEJAC Vincent, LEONETTI Isabelle (1997), La lutte des places, Desclée de Brouwer Editeur, 286p.

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dispositifs susceptibles de prendre en charge les personnes qui

échoueraient, leur laissant ainsi la possibilité d’une « seconde

chance » et les amenant ainsi vers une qualification « à tout prix ».

- Ces dispositifs démultiplient également par ailleurs les actions

d’évaluation et d’orientation préalables de manière à prévenir le

recours à la seconde chance.

Enfin, il faut prendre en compte le fait qu’il y a, quelque soit le type

de trajectoire poursuivie par la personne et quelques soient les moyens

mis en œuvre par les institutions pour soutenir le projet éducatif, un

temps pour tout. Il y a un temps pour apprendre et un temps pour faire

vivre les apprentissages, un temps pour s’adapter et un temps pour

préparer son adaptation1.

Le conseiller formation doit alors s’immiscer dans la double

dynamique dans laquelle s’inscrit la formation des publics en

insertion :

-Réduire l’inégalité d’accès à la formation des personnes les plus

éloignées de l’emploi.

-Panser les plaies engendrées par une confrontation à un système de

formation initiale qui n’a pas toujours pu jouer son rôle de promotion

sociale et/ou de levier qui favorise une trajectoire professionnelle

stable.

2-4 L’impact du facteur humain.

                                                            1 Pierre Dominicié avance à ce sujet que « (…) les adultes, face aux évènements chocs qui bousculent leur existence, vont être secoués par une série de réactions successives avant de reconquérir leur stabilité alors que les décisions qu’ils prennent dans l’orientation de leur devenir sont davantage attachées à la période de vie qu’ils traversent ». DOMINICIE Pierre (1992), L’histoire de vie comme processus de formation, Héricourt, L’Harmattan, Collection Défi-formation, 174p.

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Parce qu’un des premiers impacts de la formation est d’accroître les

capacités d’apprentissage (d’aucun diront que la formation va à la

formation), elle ouvre le champ de possibles insoupçonnés qui se

révèlent à chaque nouvelles étapes de l’apprentissage. Nous pouvons

constater comme le prétend Gérard Vergnaud1, qu’ « il n’y a pas

d’apprentissage sans désir d’apprendre ». Ce désir ne parait pas avoir

nécessairement de lien avec les antécédents scolaires, même si il s’en

nourrit(les échecs ne le favorise pas bien sûr). Nous le constatons

notamment avec les personnes d’origine étrangère qui ont la volonté

d’apprendre alors même qu’elles n’ont parfois jamais été scolarisées.

Cette possibilité se présente comme une aubaine. Cet exemple nous

permet d’aborder la question de l’ingénierie de formation à travers un

élément qui lui est intimement lié, voir décisif, dés lors qu’on la

considère comme vecteur d’employabilité : l’incidence du facteur

humain. Nombre d’observations et d’entretiens nous amènent à

résumer celui-ci à travers les trois caractéristiques suivantes : la

motivation (résumé par le terme d’envie), la confiance en soi

(souvent évoquée à travers les capacités d’auto-évaluation) et

l’autonomie (définie par la capacité d’émancipation). Elles se

caractérisent par une relation de dépendance totale qui induit un

rapport de vases communicants.

Ce rapport peut se modifier dans un sens positif qui génère une

attitude constructive de la personne à l’égard de la formation ou bien

dans un sens négatif qui génère une attitude destructrice et inhibante.

Dans le cadre de la construction d’un projet formatif, un certain

nombre de facteurs externes influent de manière considérable, dans un

sens comme dans l’autre, sur cette relation.

                                                            1 VERGNAUD Gérard ((1999), « Les Sciences de l’éducation » in MORVAN Yves, (dir.) (2006), La formation tout au long de la vie, Nouvelles questions, nouvelles perspectives, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 311p.

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En effet, même si toute action et tous dispositifs éducatifs tendent,

comme nous l’avons vu, à sécuriser le parcours de la personne et en ce

sens à « rassurer » la personne, elle génère également quelques

écueils. La sécurisation, en prônant un certain nombre d’étapes

préalables à la réalisation du projet formation, peut couper l’herbe

sous le pied du futur apprenant en provoquant un essoufflement et/ou

une remise en question de ses capacités qui l’éconduise de l’action de

formation finale. Plusieurs raison à cela.

1-La première tient à son organisation. Dans ce registre la durée de

l’action préparatoire peut influer considérablement. Nous constatons

que, dés lors que la durée n’est pas clairement identifiée avec une date

de début et une date de fin1 ou qu’elle est trop longue à proportion du

temps de l’action de formation à laquelle elle prépare2, la motivation

ne peut naître ou se maintenir. D’autre part, compte tenu de la

complexité liée à l’ajustement des éléments financiers et

organisationnels qui mène à l’action, il peut suffire qu’un incident se

produise et qui mette à mal le projet ou oblige à le différer pour

remettre en cause une motivation qui s’ancre bien souvent dans

l’immédiateté et souffre de la difficulté à se projeter sur du long

terme. A ce sujet, nous observons à quel point confiance en soi et

autonomie y sont également liés. La première peut dans ce cas de

figure être très dépendante de la confiance que l’on porte dans le

conseiller formation ; si il échoue, comment vais-je y arriver ? Si lui

échoue, comment moi en serai-je capable ? Et dans le même temps

c’est à cette confiance que l’on attribue les conditions de sa propre

autonomie3.

                                                            1 Comme c’est le cas entre le DELF (Diplôme élémentaire en langue française) qui impose un nombre d’heure de formation non reconductible et le dispositif « compétences clés » qui peut durer autant que nécessaire (certaines personnes y restent des années). 2 Problème fréquemment rencontré notamment avec le DAEU (Diplôme d’accès aux études universitaires). 33 « Il n’a pas réussi à me faire entrer sur la formation que je voulais et qui aurait pu me permettre de partir ! »

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2- Le sens attribué à l’action éducative : plus il est concret, c’est-à-

dire plus la personne en tirera immédiatement les bénéfices, plus la

motivation perdurera.

3-La compréhension du rôle joué par l’action : ne pas avoir le

sentiment de réapprendre par exemple, ce qui peut être le cas des

SAS1 (à définir) préparatoires à l’entrée de formations financées par la

région, passage pourtant incontournable).

4-Le sentiment de maîtriser la finalité de ces actions dans le processus

global dans lequel elles s’intègrent et la marge de manœuvre que l’on

a. Eviter que la personne pense que « de toute façon tout est joué ! ».

Toutes ces considérations s’appliquent également aux actions de

formations qualifiantes.

Pour autant, la motivation a cette capacité à pouvoir, dans certains cas,

pour se maintenir dans la durée, se détourner de son motif initial et se

recréer d’autres prétextes qui permettent à la personne de se maintenir

dans l’action jusqu’au bout.

Nous pouvons, à ce sujet, revenir sur le lien existant avec un éventuel

projet. André Brillaud2 considère que c’est le manque de projet qui se

véhicule à travers le manque de motivation et que la démarche du

projet formatif consiste pour les personnes en insertion à surmonter

leurs propres difficultés à élaborer un projet.

Le conseiller formation, doit donc en tenir compte pour mener à bien

sa mission. A ce sujet, deux postures antagonistes se rencontrent.

1-La première postule que la construction d’un projet ne représente

pas nécessairement un inconditionnel à l’entrée en formation et que

c’est au cadre formatif de « faire adhérer l’apprenant à un projet »

                                                            1 Période préparatoire à une entrée en formation qualifiante 2 BRILLAUD André, « Enjeux des apprentissages et ses représentations sociales de l’avenir », Education Permanente, N° 136, Mars 1998, pp.69-79. 

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construit par ailleurs de toute pièce. Les conseillers ou formateurs

adoptent alors des méthodes qui vont de la coercition ou une forte

incitation partant du principe que ce n’est qu’une fois en formation

que la personne surmontera ses blocages (en se rendant compte qu’elle

« est capable » et ce faisant acceptera d’aller plus loin). La diplomatie

fait également partie des « armes » qui permettent l’adhésion, en allant

chercher des motivations autres que celles explicitement contenues

dans la formation.

2-La seconde posture considère qu’aucun engagement ne peut se faire

sans que la personne ait clairement identifié les raisons (motivations)

pour lesquelles elle souhaite s’investir en formation.

Les deux méthodes arrivent généralement à leurs fins. L’inconvénient

de la seconde est qu’elle évince souvent les personnes qui manquent

de confiance et/ou d’autonomie au départ. Le risque de la première est

de ne pas parvenir à captiver la personne jusqu’au bout et/ou qu’elle

ne retienne rien du contenu de la formation.

Le conseiller formation doit, dans tous les cas, faire preuve d’une

prise de recul suffisante pour rendre à chacun ce qui lui appartient et

ne pas endosser des responsabilités qui relève des difficultés de la

personne à trouver en elle les ressources suffisantes. Il s’agit là de

prendre en compte de ce que Philippe Carré définit comme étant « le

lieu de contrôle »1.

Par contre le conseiller peut essayer de « limiter la casse » en évitant

la surévaluation ou la sous évaluation du salarié qui fausse le triptyque

motivation-confiance en soi-autonomie.

                                                            1 Lorsque la personne attribue ce qui lui arrive à des causes qui lui son propre (les efforts qu’elle a fournis ou non par exemple), elle a un lieu de contrôle interne, par contre, lorsqu’elle attribue ses réussites ou ses échecs à des causes externes ( la chance, le formateur, etc.), elle a un lieu de contrôle externe. CARRE P., « Le cœur à l’ouvrage », Sciences Humaines N° 92, Mars 1999, pp. 21-23.

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Un des atouts du conseiller en formation sur une SIAE est qu’il peut

s’appuyer sur la situation de travail qui génère et crée le lien entre

motivation, confiance et autonomie et ce pour trois raisons :

- Elle agit sur la confiance en soi car la personne vit une expérience

positive

- Lui prouve sa capacité d’être et d’agir

- Lui donne le temps nécessaire pour restructurer son parcours et

rassembler les éléments du puzzle.

Cependant, la motivation a ses limites et peut se montrer insuffisante

face à certaines résistances dans l’élaboration et/ou la réalisation du

projet. La mémoire des échecs prédomine souvent et alimente la peur

de l’inconnu. (C’est un cercle vicieux car c’est aussi paradoxalement

en faisant que l’on se rend compte de ses chances d’y arriver).

L’ingénierie de formation joue un rôle dans l’objectivation des raisons

fondées de croire en ces possibilités d’échecs et ou de réussite et leur

probabilité de reproduction ou non.

Nous constatons que lorsqu’un projet formation arrive a son terme,

c’est moins grâce aux diverses actions de conseil et

d’accompagnement qu’à ces « qualités » inhérentes à la personne qui,

si elles font défaut, rendent vains les efforts de chacun.

Le conseiller formation se confronte souvent au paradoxe suivant : il

apparaît évident quand une personne expose son parcours et son projet

qu’il va être très difficile de le mener à terme, pour autant, elle peut

faire preuve d’une détermination sans faille, alors que d’autres

personnes qui « auront tout pour réussir » voient leur projet réduit au

néant.

Conclusion intermédiaire

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A ce stade, nous pouvons conclure que ce n’est pas tant la formation

mais l’ingénierie de formation qui permet de développer

l’employabilité des personnes. En effet, construisant des projets « sur

mesure » qui tiennent compte du parcours de la personne, elle met en

scène une compétence d’intermédiation qui favorise la mise en

relation entre l’expression d’une demande clairement identifiée et les

moyens les plus pertinents pour la satisfaire. Cette compétence du

conseiller formation permet de créer une réponse adaptée qui soit

garante de la plus grande efficacité possible. Pour autant, à chaque

nouveau projet formation, il doit prendre la pleine mesure de ce que

nous nommerons son « empreinte professionnelle », autrement dit le

poids et l’impact réel qu’il a dans ce jeu d’intermédiation. Il doit

chercher à identifier à chaque fois là où il peut le plus, là où il ne peut

rien et là où son « empreinte » peut s’avérer décisive.

III-L’INGENIERIE DE FORMATION : DES DISPOSITIFS AU

PROCESSUS FORMATION

Nous devons, à présent, dissocier le projet formation (processus) de

l’action de formation (dispositif).

Le projet fait référence à un processus au cours duquel se construit un

engagement vers la réalisation d’actes générant un apprentissage et

dont la maturation aboutie à la mobilisation réussie de moyens

humains et matériels. L’action de formation en est un des

aboutissements. Cependant le simple fait pour une personne de

s’engager dans un processus de formation peut enclencher une

dynamique d’évolution et d’acquisition de savoirs nouveaux même si

elle ne conduit pas son projet jusqu’à son terme. De la même manière

une personne peut avoir poursuivi son projet jusqu’à l’action de

formation dans son intégralité sans pour autant en avoir retenu les

savoirs escomptés.

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En ce sens, nous nous intéresserons dans ce dernier chapitre à la

manière dont se constitue un lien entre les différentes phases

d’éducation et à la plus value en terme d’employabilité.

3-1 L’ingénierie de formation : relier pour une meilleure

sécurisation des parcours.

Comme nous l’avons vu, la formation forme avec l’insertion un

couple indissociable qui peut revêtir diverses facettes tant la notion

d’insertion est un terme polysémique et tant celui de formation peut

être polymorphe (actions qualifiantes, redynamisantes, remise à

niveau, etc).

Le projet formation est l’aboutissement de « l’addition » et de la

combinaison des trois expériences de formations que sont la formation

initiale, la qualification (en entreprise/professionnalisation) et la

formation expérientielle ou auto-formation.

Il suffit alors d’analyser le profil des personnes accompagnées pour

commencer à voir en quoi, plus précisément, la fonction d’ingénierie

de formation navigue entre certification, professionnalisation et

formation expérientielle.

trois cas de figure récurrents se présentent sur l’ensemble des

structures :

•Les personnes qui possèdent des savoirs et ont des acquis

professionnels issus de la certification mais qui n’ont jamais été

activés et/ou validés en situation de travail.

•Les personnes qui possèdent un fort potentiel de savoirs expérientiels

mais jamais certifiés.

•Les personnes qui ne bénéficient ni d’une expérience significative ni

d’une qualification et ce pour plusieurs raisons :

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-Une démarche de certification avait été entamée mais n’a jamais

aboutie.

- La certification acquise n’a pas de validité (pour les personnes

d’origine étrangère le plus souvent), est insuffisante ou ne correspond

plus à celle recherchée par un secteur d’activité.

-L’expérience acquise n’est pas reconnue par le secteur professionnel

(pour les personnes d’origine étrangère).

D’autre part, ce qui fait bien souvent défaut est la prise en compte de

la temporalité dédiée aux actions formatives et celle requise pour

l’insertion socioprofessionnelle. Le conseiller formation se trouve face

à la nécessité de relier les dispositifs formation entre eux de manière

synchronique (sur le temps de l’accompagnement, par exemple un

bilan de compétences qui précède une entrée en formation), et de

manière diachronique (au regard du parcours de la personne et des

divers dispositifs déjà sollicités et des apprentissages qu’elle en a

retenus). C’est cette démarche de reliance qui génère le processus

formation vecteur de réflexivité, condition sine qua non pour

permettre ainsi la transformation, et le développement de

l’employabilité.

Le conseiller formation doit prendre en compte la relation espace-

temps comme un des éléments de réussite ou d’échec du projet

formation. Cette relation se joue sur deux axes.

1- Le temps du projet formation s’inscrit dans le temps plus global

donné pour l’insertion socio- professionnelle. Ce dernier peut être

déterminé par la personne elle-même en fonction d’éléments

personnels (financiers, familiaux, santé, logement) mais également

par la structure ou les institutions (Pôle Emploi) à travers la durée

du contrat de travail et/ou le temps accordé pour la réalisation d’un

parcours d’Insertion par l’Activité Economique (IAE). Ce dernier

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peut donner lieu à des possibilités de renouvellement ou de

passerelles possibles d’un contrat aidé à un autre qui permettent

d’envisager le projet formation à plus ou moins grande échéance et

de le considérer ainsi comme un des vecteurs de réussite d’un

projet plus global.

2- Le temps du projet formation inclut la représentation que la

personne se fait du temps nécessaire à sa réalisation aux vues des

éléments dont elle dispose, mais il inclut également le temps

réellement nécessaire pour que tous les rouages du mécanisme

s’accordent pour rendre le projet viable. Ce temps là peut entrer en

conflit avec le premier. D’une part parce qu’il n’est pas

immédiatement perceptible par la personne du fait qu’elle ne

maîtrise pas les éléments de sa mise en œuvre et parce que celle-ci

se réalise dans un espace dématérialisé dont la personne ne connaît

pas, bien souvent, le fonctionnement. D’autre part, parce que les

délais de réalisation peuvent également échapper au conseiller en

formation qui doit faire face à une part non négligeable

d’imprévisibilité tant la coordination des moyens ne relève pas

d’une science exacte !

Les différents opérateurs amènent, par ailleurs, à prendre en compte et

à devoir gérer les antagonismes suivants :

1- Le respect de l’imbrication chronologique ou simultanée des

dispositifs entre eux. Deux éléments caractérisent cette

interconnexion :

- Compte tenu des difficultés rencontrées par les salariés en insertion, le

conseiller formation peut être amené à mixer des dispositifs

complémentaires pour assurer un meilleur taux de réussite. Ainsi, une

personne d’origine étrangère peut se retrouver par exemple à

poursuivre des cours de remise à niveau, en même temps qu’elle suit

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des cours à l’Apfa pour l’obtention d’un CQP1 et qu’elle réalise dans

le cadre de son activité professionnelle l’évaluation de la mise en

pratique. Le jeu reste toujours précaire et périlleux car les différents

organismes ne s’accommodent pas toujours de la prestation des autres

et la seule intervention du conseiller formation peut ne pas suffire à

amener tout le monde à un travail de collaboration.

- Certains dispositifs sont des « passages obligés » dans le parcours

formatif, cependant, il arrive qu’ils portent un jugement ou une

appréciation qui contreviennent au projet de la personne ou aux

actions d’autres opérateurs. Prenons deux exemples significatifs. Le

premier concerne les résultats apportés par les bilans de compétences

qui, occultant la plupart du temps l’environnement psycho-social qui

entoure la personne, suscitent des projections irréalistes. Second

exemple, il n’est pas rare qu’une personne qui effectue deux stages

dans deux entreprises différentes pour valider un projet formation se

voit attribuer deux évaluations aux conclusions opposées.

2- Le respect de la logique des niveaux d’apprentissage qui se

confronte parfois à la logique du financeur. Un financeur public

privilégiera la souplesse d’une durée de formation adaptée et

reconductible dans la mesure du possible, là où un financeur privé

imposera des contraintes uniformes et aura tendance à vouloir

réduire le temps de formation. Ainsi certains apprenants se

retrouvent-ils, par exemple, dans le cadre d’un contrat de

professionnalisation, à devoir passer un diplôme en 12 mois au

lieu de 24.

3-2 L’ingénierie de formation : des qualifications à la

qualification.

                                                            1 Certificat de Qualification Professionnelle

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Le conseiller formation doit, pour se prémunir d’éventuels échecs

prendre en compte un certain nombre de paramètres.

Il n’a généralement pas le choix des organismes de formation

paradoxalement au fait que tout le travail en amont de construction du

projet formation tend à s’adapter au profil et au parcours de la

personne. Ceci tient à trois raisons principales :

- Il peut s’agir d’un prestataire désigné par le financeur (VAE)

- Il peut s’agir d’un prestataire ayant remporté un appel d’offre dans le

cadre d’un marché public

- Il peut s’agir du seul prestataire présent sur le territoire qui dispense la

formation recherchée.

Dans tous les cas, il faut considérer les éléments suivants :

- L’organisme de formation ne propose pas une prestation qui soit

exclusivement destinée à des publics en insertion et rencontrant un

certain nombre de difficultés.

- L’organisme de formation ne s’adresse pas en priorité à des salariés et

n’intègrent alors ceux-ci qu’à la marge de leurs effectifs.

- L’organisme de formation ne se destine pas à former des personnes en

emploi et n’a pas conçu son plan de formation en conséquence.

Ce qui signifie, que le conseiller formation doit, parfois, « gagner »

l’adhésion du salarié, non pas au projet formation (à ce stade il est

généralement acquis), mais au cadre pédagogique et institutionnel

dans lequel il peut se réaliser.

Nous avons choisi, plutôt que de passer en revue l’ensemble des

dispositifs mentionnés par les salariés et les différents acteurs,

d’évoquer l’un d’entre eux, parce qu’il nous parait témoigner de cette

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dualité entre la relation emploi-formation, les capacités d’autonomie, à

minima, dont doit disposer la personne pour s’engager dans une

démarche formation, et les déconvenues qui en résultent.

Ce dispositif est la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE).1

Relativement récent, il éprouve des difficultés à remporter un succès

auprès des salariés en insertion. Ceci tient à de multiples facteurs.

1- Comme tout dispositif de formation il concerne le lien que la

personne entretien avec le système formatif.

Ce lien, dans bien des cas, est ou a été des plus précaire et s’engager

dans la voix de la VAE, au lieu de susciter l’engouement qu’il prétend

éveiller du fait de la revanche qu’il permettrait de prendre sur une

destinée et un rapport au système éducatif vécu comme une fatalité,

effraie bien souvent encore plus.

Nous constatons deux raisons principales.

La première tient, malgré les dispositions prises à l’égard notamment

des personnes en insertion, à l’évanescence du cadre institutionnel qui

entoure ce type de dispositif et au manque perçu d’encadrement,

même s’il n’est pas effectif, d’un système de formation qui apparaît

alors sous certains égards comme virtuel. Sans tables ni chaises, sans

professeurs ni élèves, sans horaires ni vacances, ce type de dispositif

représente la désincarnation du lien social dont souffre les publics en

insertion.

La seconde raison en découle. Il s’agit pour elles d’un dispositif où

prime plus que dans n’importe quel autre la détermination,

l’autonomie et un ensemble de compétences cognitives (capacités

                                                            1 Loi du 20 juillet 1992 (décret du 23 Mars 1993) « toute personne qui a exercé pendant cinq ans une activité en lien avec l’objet de sa demande peut demander la validation d’acquis professionnels qui pourront être pris en compte pour justifier d’une partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l’obtention d’un diplôme de l’enseignement technologique ».

 

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rédactionnelles) et qualités personnelles (rigueur, organisation,

structuration de la pensée, verbalisation, précision, conceptualisation,

planification) qui ont pu faire défaut au moment des premiers

apprentissages.

2- Le lien que la personne peut faire entre emploi et formation.

Les personnes qui ont tenté l’aventure relève de secteurs

professionnels qui se sont récemment professionnalisés comme celui

de l’aide à domicile ou du nettoyage et dont elles se trouvent, en partie

de ce fait exclues. Ayant débuté leur carrière sur des postes ou l’on

acquérait aisément les compétences requises par l’expérience, elles

perçoivent mal la finalité de l’acquisition d’une qualification qui

validerait des compétences qu’elles estiment de fait et légitimement

posséder puisque dispensées par le secteur même qui requière

aujourd’hui des certifications. Ceci constitue à double titre une

discrimination. Premièrement parce que l’expérience qui fournit les

preuves d’un savoir-faire se trouve dépréciée au profit de la

certification qui n’atteste que d’un savoir (« elles ne sont même pas

fichues de laver correctement les carreaux). Deuxièmement, parce que

progressivement disparaît du marché du travail des postes accessibles

sans qualification évinçant ainsi un certain nombre de personnes

fâchées avec le système scolaire.

3-Le troisième facteur concerne plus particulièrement les personnes

d’origine étrangère (hors communauté européenne) qui possèdent

déjà une qualification non reconnue en France tel que le diplôme

d’état d’infirmière. La VAE se présente comme un palliatif à une

démarche par ailleurs engagée auprès de la Direction Régionale de la

Cohésion Sociale pour l’obtention d’une autorisation à exercer en

qualité d’aide soignante. Cette démarche constitue déjà en soi non pas

une valorisation des acquis mais une dépréciation du statut

professionnel de la personne qui sait que de toute façon elle ne pourra

accéder à la qualification d’infirmière qu’en ne recommençant le

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cursus de formation depuis le début. L’engagement en VAE

représente alors une voie de secours au cas où cette démarche

s’avèrerait infructueuse. Cependant, si tel est le cas, c’est que bien

souvent, le diplôme d’aide soignante ne sera pas non plus accordé

dans sa globalité, en empruntant le chemin de la VAE. Les écarts entre

diplôme d’origine et compétences requises pour l’exercice du métier

en France peuvent être tels que les personnes doivent rabaisser jusqu’à

deux niveaux leur prétention et accepter des postes d’aide à domicile.

En contrepartie de l’infortune de la VAE, nous observons une pratique

émergente qui témoigne d’une forte volonté individuelle de se former

quoiqu’il arrive : l’auto- financement de la formation. Cette démarche

n’est pas neutre car elle s’applique à des formations à distance qui

requièrent une très forte capacité d’auto- gestion et traduit une grande

autonomie de la personne tant dans sa capacité à gérer son projet (cela

se fait sans l’aide du conseiller qui découvre bien souvent, après coup,

l’inscription effective de la personne en formation) qu’à son aptitude à

envisager d’apprendre « seul ». Seules les personnes qui ont déjà un

niveau de qualification au moins égal à un niveau IV ou qui ont été, à

un moment donné leur propre employeur, se lance dans cette aventure.

3-3 Du rôle prédominant des apprentissages en situation de

travail.

Nous souhaitons traiter à part la question de la

professionnalisation qui se réalise en interne, parce qu’elle se

caractérise par une ingénierie spécifique qui met en jeu le conseiller

formation à travers une posture bien particulière à l’égard de ses

« collègues ».

Réalisée par des professionnels qui ont des fonctions « d’éducateurs

techniques spécialisés »1, voire de tuteurs1, ou de chef de chantier, les

                                                            1 Les missions de l’éducateur technique spécialisé tel que définies dans le référentiel métier, relèvent de trois axes : l’accompagnement éducatif, la formation professionnelle et l’encadrement technique.

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encadrants ne sont pas des formateurs. A cela s’ajoute le fait que la

formation des salariés en insertion ne constitue pas un objectif

institutionnel mais un moyen par défaut pour accroître la productivité

de ceux –ci. Se pose alors la question de la pédagogie utilisée par des

encadrants qui n’ont pas été nécessairement formés à cette fonction et

qui doivent répondre la plupart du temps à des missions prioritaires de

production dont ils assument en partie la charge. Former du personnel

peut alors vite devenir une contrainte qui induit des méthodes qui

reposent plus sur des techniques d’assimilation de savoirs faire acquis

par mimétisme que dans le cadre d’un enseignement formalisé comme

tel.

D’ailleurs, de plus en plus, les services entendent par

« professionnalisation » une spécialisation dans les postes de travail

qui conduit à simplifier au maximum les tâches. Cela présente un

double avantage à cours terme :

1-Le salarié acquiert plus facilement et plus rapidement les savoirs

techniques et postures professionnelles.

2- Le salarié possède une « précision du geste » qui assure un gain de

temps productif et réduit les marges d’erreur parfois source de

« pertes » en terme économique. (Notamment le gaspillage de la

matière première).

Cependant, ces savoir-faire répondent à une demande immédiate et

contextualisée et prône un apprentissage basé sur l’observation,

l’imitation et la répétitivité. Ces formes d’apprentissages peuvent

masquer le défaut réel d’assimilation des savoirs que seul l’autonomie

ou l’imprévu pourrait mettre en valeur. D’ailleurs c’est bien quand

l’encadrement vient à manquer que l’on peut constater si la personne

a acquis ou non des savoir-faire, de même que c’est quand une

situation professionnelle originale et extraordinaire (panne d’une

                                                                                                                                                                                          1 La fonction de tuteur, elle, ne renvoie pas à une définition clairement identifiée par la structure mais relève plutôt d’une appellation administrative.

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machine) se produit que l’on peut juger de l’acquisition réelle de

savoir-être et de compétences transférables.

Par ailleurs, le recours à l’alternance peine à trouver sa voie du fait du

« facteur humain » qui ne parvient que difficilement à remplir les

conditions requises (pré-requis, pré-acquis, motivation) et du fait

d’une organisation inter- institutionnelle (centre de formation,

financeurs, employeur) qui éprouve des difficultés à se combiner

harmonieusement.

Formation en situation de travail et alternance posent la question de ce

qui doit être acquis et/ou transmis1. Si la première s’appuie sur un lien

étroit avec le poste occupé et définit ses objectifs par rapport à un

référentiel d’activité interne à la structure, le second vise des

compétences plus génériques, transversales à l’ensemble des postes

que la personne pourra occuper sur le même métier.

Indiscutablement, l’apprentissage en situation de travail possède alors

deux avantages majeurs pour des personnes en insertion :

1-Elle développe le « co-apprentissage » en permettant la diffusion

des savoirs par les salariés eux-mêmes. Cette pratique spontanée

nécessite cependant d’être rigoureusement encadrer pour qu’elle ne

donne pas lieu à des apprentissages « sauvages » source d’erreur. Elle

n’en possède pas moins deux vertus :

- Si le salarié qui diffuse une connaissance la diffuse correctement,

ses collègues en tirent un bénéfice immédiat et l’encadrant peut

                                                            1 Tout comme Philippe Carré et Martine Fournier qui s’inscrivent en opposition à l’idée de transmission, nous nous interrogeons sur le fait qu’il s’agit moins de donner de manière univoque à un apprenant un lot de connaissances que de lui permettre d’acquérir lui-même les connaissances dont il aura besoin. L’idée est répandue dans les milieux formatifs qui intègrent une visée sociale pour ne pas dire socialisante de l’acte de formation. En ce sens, le formateur est un facilitateur. D’ailleurs, se pose la question de ce qui est « transmis » : car si le professionnel peut transmettre des savoirs il ne peut transmettre des connaissances qui seraient la conjugaison originale de la somme des savoirs acquis par l’apprenant tout au long de sa vie. C’est ce qui crée, en partie la compétence et le niveau d’employabilité recherché. 

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vérifier que le salarié en question est prêt pour passer à un autre

niveau d’apprentissage car en explicitant des procédures par

exemple, il prouve qu’il a acquis la compréhension des

mécanismes d’apprentissage (méta- cognition).

- Si le salarié commet une erreur dans la transmission de ses

connaissances, l’encadrant peut corriger collectivement

l’information et expliquer en quoi le raisonnement ou le savoir

n’est pas bon. Il rend ainsi l’erreur formative.

2-Elle développe également tout ce qui relève des savoir- vivre en

milieu professionnel et qui ne sont pas enseignés en centre de

formation1.

Cela se concrétise par le fait que l’on inculque au premier plan tout ce

qui relève de l’organisation du travail, les comportements gestes et

postures professionnelles mais surtout sociaux- professionnels. Cela

comprend les normes et moyens de communication, les usages liés

aux relations professionnelles notamment à travers le respect de la

hiérarchie, la distance avec les acteurs de coopération (collègues) et de

collaboration (prestataires extérieurs), les clients, les intermédiaires

(agent d’encadrement et de formation que sont les moniteurs), le cadre

règlementaire du droit du travail et acquis sociaux ainsi que les

procédures et modes d’interpellation des agents administratifs.

Il y a donc en ce sens effectivement transmission et reproduction de

schémas opérationnels et idéologiques génériques des modes de

rapport individuel au contexte d’une activité salariée et dans ce sens,

                                                            1 Cela revient à considérer comme le fait Pierre Hebrard, que «(…) la formation est aussi transmission d’idées, de valeurs, d’attitudes, de comportements, et qu’à ce titre elle contribue aussi à la reproduction (idéologique) des rapports de production ».

HEBRARD Pierre (1996), Du travail. De la formation, production, reproduction, création, Université Paris VII, note de synthèse pour l’habilitation à diriger des recherches, p 76. 

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la formation en situation de travail élève considérablement le niveau

d’employabilité pour des personnes qui ont perdu pied ou qui n’ont

jamais côtoyé le secteur économique.

Cependant les limites de la transmission de tels savoirs résident dans

un cadre institutionnel qui relève de l’insertion et qui, de ce fait,

entend traiter cette transmission avec souplesse. Ceci place l’individu

face à une situation qui use de marge de manœuvre et de tolérance que

ne supporterait pas le milieu « ordinaire ». Il en va ainsi de la gestion

des absences, de la prise en compte des problématiques personnelles

(notamment celles liées à la santé) en tant qu’elles interfèrent avec la

capacité de production, et en premier lieu de l’aménagement d’un

service d’accompagnement spécifiquement consacré à la gestion des

difficultés rencontrées tant au niveau personnel que collectif.

Enfin, la question sous-jacente à la mise en place d’une démarche de

professionnalisation interne à la structure, est celle de la

professionnalisation de son personnel encadrant. Celui-ci doit être en

capacité de fixer des objectifs qui soient en adéquation avec les

moyens dont il dispose et surtout les capacités des apprenants (« ne

pas placer la barre trop haut »). Ceci a un double impact :

1- En appréciant à leur juste valeur les ressources dont les salariés

disposent pour le développement de leurs compétences, les

encadrants doivent pouvoir renforcer leur sentiment « d’efficacité

personnelle »1. Il est pour cela primordial qu’ils sachent tenir

compte de la fameuse « zone proximale de développement »2.

                                                            1 Le concept de self-efficacy développé par Albert Bandura dans les années 1970 se réfère à la perception que les personnes ont de leur sentiment de compétence. 4 facteurs seraient à l’origine de ce sentiment : l’expérience personnelle, l’apprentissage social, la persuasion par autrui et l’état physiologique et émotionnel. Nous voyons comment, avec l’intervention de l’encadrant, la situation de travail peut influer au moins sur les 3 premiers. BANDURA Albert (2007), (trad. Jacques Lecomte), Auto-efficacité : Le sentiment d'efficacité personnelle, Paris, De Boeck, 2e éd. 2 Telle que définie par Vygotski comme : « la différence entre le niveau de résolution de problèmes sous la direction et avec l’aide d’adultes et celui atteint seul ». VYGOTSY L.S (1934), Pensées et langage, 1ère Edition, Paris, Messidor.

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Ceci n’est pas toujours pris en compte car ils naviguent parfois

entre une attitude protectrice ou au contraire « le jette dans la

fausse aux lions ».

2- L’encadrant garantit ainsi que le salarié puisse maintenir jusqu’à

terme un niveau de motivation suffisant et surtout, il se prémunit

lui-même, de maintenir son propre niveau de motivation et ne pas

sombrer dans un sentiment d’inefficacité.

La fonction de conseil en formation se présente comme indissociable

de la démarche de professionnalisation en situation de travail en ce

qu’elle permet de relier les savoirs acquis à des voies de qualification

et de mettre en place des outils d’évaluation du niveau de

transférabilité en entreprise.

3-4 L’individualisation : un terme générique pour des pratiques

équivoques.

Dans le discours de nombre d’acteurs, le propre même de

l’ingénierie de formation sur une SIAE résiderait dans «

l’individualisation ». Cependant, ce terme ne recouvre pas la même

définition selon qu’il est utilisé par un centre de formation, un

financeur ou un conseiller.

Ainsi, nous pouvons distinguer trois axes sur lesquels il prétend

intervenir :

1-L’individualisation dans les modes d’accès à la formation : le « cas

par cas » qui permet de trouver en temps et heure les moyens adéquats

et spécifiques à l’entrée en formation.

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2-L’individualisation des parcours1 de formation : qui alterne les

différentes phases liées à la construction d’un projet professionnel et

qui inclut un jeu d’aller- retours entre remise à niveau-emploi-

qualification- expérience.

3-L’individualisation dans les pratiques pédagogiques qui proposent

une pédagogie adaptée et évolutive en fonction des capacités du

stagiaire.

La démarche d’ingénierie de formation intègre l’ensemble de ces

paramètres même si elle n’a que peu d’incidence sur le dernier. Bien

que le terme même « d’individualisation » peut également endosser

les qualificatifs de « personnalisé » voire « différencié », nous avions

retenu, dans la première partie, le terme même de « sur mesure »2 qui

fait le mieux référence à ce qui caractérise la démarche formation. En

effet, celui-ci se construit autour de 3 éléments :

- Le « sur mesure » permet la « porosité » des différents dispositifs

entre eux. Il s’agit de créer les conditions nécessaires et suffisantes

pour que tous les savoirs acquis dans un cadre éducatif puissent être

réinvestis dans un autre cadre éducatif. Ainsi, par exemple, deux

problèmes majeurs et récurrents se posent aux SIAE : le niveau de

maîtrise de la langue française et le fait d’« être en capacité

d’apprendre » ou « de recevoir ». Nombre de structures utilisent alors

                                                            1 Il est intéressant de prendre note de la distinction que fait Didier Possoz entre parcours et itinéraire de formation. Le premier « relève du processus formatif, du mouvement en sa part aléatoire, ouverte ». Le second fait référence à un dispositif institué « dans son sens programmatique, ensemble d’objectifs et de contenus définis par l’institution ». Bien que nous nous situions généralement dans le cadre d’un parcours formation, il n’est pas sans se chevaucher et s’apparenter parfois à un itinéraire formation. POSSOZ Didier (2005), « L’individualisation dans la formation, de quoi parle-t-on ? » in Réseau des GRETA de l’académie de Créteil (2005), Formation des adultes et individualisation, Ingénierie, travail pédagogique et expérimentations, Nancy, pp 73-105. 2 Ainsi, comme l’explique Didier Possoz, qu’il s’agisse d’une adaptation au poste et/ou du développement des compétences en interne, ou qu’il s’agisse pour la personne de construire sa feuille de route, dans tous les cas, le terme même d’individualisation « serait alors liée à la « particularité », par la prise en considération des caractéristiques(des déterminations) de l’individu concret mais placé dans un dispositif à vocation universelle(…) ».

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de manière massive le dispositif « compétences clés » qui vise d’une

part la remise à niveau, d’autre part l’acquisition de la compétence

« apprendre à apprendre ». Ces savoirs sont immédiatement mobilisés

dans un projet de formation professionnelle, souvent qualifiant. Une

telle perméabilité est possible du fait que ces dispositifs répondent de

plus en plus à un cahier des charges qui inclut la relation à l’emploi

comme objet même de l’acte pédagogique1.

- Le « sur mesure » fait de la prise en compte de l’expérience2 un

inconditionnel de l’acte éducatif.

Bien que plus souvent subie que choisie, l’expérience, n’en constitue

pas moins en soi une source d’apprentissage. S’il est désormais

d’usage de parler d’ « autoformation expérientielle »3 c’est que les

professionnels s’accordent à dire que les savoirs acquis dans ce cadre

constituent le socle sur lequel s’érige la démarche d’ingénierie de

formation. Il s’agit alors bien souvent pour la personne :

• D’un retour sur investissement parce qu’elle cherche à valoriser ses

savoirs « expérientiels » et les transformer en certification

monnayable sur le marché de l’emploi.

•De développer et poursuivre, par la formation, l’acquisition de

savoirs partiellement acquis en situation de travail, afin d’accéder à un

métier.

                                                            1 En témoigne encore récemment la création du label Français Langue d’Intégration dont le référentiel prône « l’intégration économique » comme un des 3 piliers fondateurs.. 2 Hervé Prévost définit qu’elle « peut être considérée comme le résultat d’interactions entre une pratique personnelle et les représentations permettant de la signifier. En cela, l’expérience représente à la fois l’aboutissement d’une construction exprimée par le sujet et ce qui en a permis l’émergence». Prévost Hervé (2006), « Expérience de soi dans le cours de la vie : entre parcours et discours », », in BEZILLE H. et COURTOIS B., (Dir.), Penser la relation expérience-formation, Lyon, Ed. Chromique sociale, pp64-70. 3 CLENET Jean (2006), « l’accompagnement de l’autoformation expérientielle », in BEZILLE H. et COURTOIS B.(Dir.), Penser la relation expérience-formation, Lyon, Ed. Chromique sociale, pp113-127.

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•D’utiliser et combiner l’ensemble des ressources acquises par la voie

de l’expérience pour s’engager vers un projet formation qui soit un

projet « original » (mais rarement novateur en ce sens qu’il réutilise

toujours les prédispositions de la personne à travailler sur tel ou tel

secteur d’activité).

- Ce faisant, les parcours formation « individualisé » ou « sur

mesure » recherchent, autant que faire se peut, l’adhésion et la

responsabilisation du salarié au projet éducatif1.

Cependant, l’individualisation repose sur un équilibre précaire qui

tente d’associer des orientations personnelles et des stratégies

institutionnelles. De ce mariage naît inéluctablement des compromis

dont l’inéquitable rapport de force fera toujours infléchir l’individuel

au profit du collectif (« non négociable » !) dés lors que les aspirations

divergent.

Le parcours formation peut alors prendre la direction de prescriptions

et l’entrée en formation devenir un remède voire un soin palliatif que

le patient n’entend pas toujours prendre ou qu’il suit en faisant montre

de duplicité.

Le conseiller formation et le salarié se trouvent dans une situation

paradoxale où la construction du projet formation s’inscrit dans une

dynamique individualisante poussée à l’extrême mais qui peut aboutir

à l’entrée en formation sur des dispositifs « de droit commun » qui ne

reconnaissent plus l’individu dans sa singularité et qui ne prennent pas

en compte le cheminement (ses motivations réelles et l’énergie en

terme d’investissement personnel) qui l’a conduit sur telle ou telle                                                             

1 Ce qu’Albert Bandura nomme « Agentivité » et qui définit « la prise en charge » de sa formation par l’apprenant. BANDURA Albert (2007), « Auto-efficacité : Le sentiment d'efficacité personnelle » in RESEAU DES GRETA DE L’ACADEMIE DE CRETEIL (2005), Formation des adultes et individualisation, Ingénierie, travail pédagogique et expérimentations, Nancy, p125.

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formation. Ils doivent alors gérer le clivage qui s’opère avec le

prestataire formation et qui tend pourtant à ramener l’apprenant vers la

réalité du marché du travail à laquelle il sera confronté et qui veut que

c’est à lui de s’adapter au système dans lequel il veut s’intégrer. Pour

éviter que ce clivage soit trop important et créer des désillusions, le

conseiller formation doit éviter qu’individualisation rime avec

« cocooning » et rappeler au salarié que son projet évolue dans un

système conçu pour l’aider à gérer ses difficultés et qu’en ce sens il

s’adapte à ses possibilités mais qu’une fois sorti de celui-ci, il lui

faudra faire preuve à son tour d’adaptabilité envers un système qui ne

l’attend pas.

L’ingénierie de formation doit pouvoir créer une reliance entre les

savoirs dits « expérientiels », ceux acquis dans un cadre socialement

identifié comme certificateur et ceux issus de la professionnalisation.

Cette démarche prend en compte les prédispositions de la personne à

l’égard des formes de pédagogie qu’elle est prête à appréhender au

moment ou l’on prévoit le projet formation. Cependant, ce ne sont pas

forcément ceux qui sont disponibles à ce moment là. Il faut donc

pouvoir composer avec cela et trouver la moins mauvaise solution

possible.

Le propre de l’ingénierie de formation est de permettre à la personne

de créer du lien entre les savoirs acquis et de se constituer un capital

qui enrichisse ses capacités1.

Conclusion intermédiaire : vers une définition de l’ingénierie de

formation sur une structure d’insertion par l’activité économique

                                                            1 Pour autant nous tiendrons pour acquis cette réflexion d’Hervé Prévost : « ce que nous allons faire se reflète déjà dans ce que nous faisons maintenant ».

PREVOST Hervé (2006), « Expérience de soi dans le cours de la vie : entre parcours et discours », in BEZILLE H., COURTOIS B., (Dir.), Penser la relation expérience-formation, Lyon, Ed. Chromique sociale, pp 64-70.

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Nous pouvons, au terme de cette étude, proposer la définition

suivante de l’ingénierie de la formation telle qu’elle pourrait

s’appliquée au champ de l’Insertion par l’Activité Economique:

L’ingénierie de formation consiste en la maîtrise des outils qui

permettent la mise en œuvre d’un projet personnel de formation. Ces

outils relèvent aussi bien de la connaissance de dispositifs

institutionnels, financiers, pédagogiques, que la prise en compte de la

dimension psycho- sociologique qui entoure la personne ou le groupe.

Mais ceci ne suffit pas si l’on n’y adjoint pas :

1- Le rôle de conseil qui s’effectue en amont et permet d’élaborer une

stratégie cohérente pour que le salarié tire un maximum de

bénéfices de l’action.

2- La capacité de coordination de l’action au niveau des quatre

sphères que constituent l’employeur, le salarié, le prestataire de

formation et le financeur et qui s’exercent dans les trois temps de

l’action : avant, pendant et après.

3- L’évaluation de l’action, tant dans l’analyse des résultats escomptés

que dans la prise en compte de résultats connexes.

Une telle démarche d’ingénierie de formation ne peut se réaliser que si

une mise à jour permanente soit faite de l’ensemble des informations

permettant l’élaboration d’un projet de formation, ce qui présuppose

une capacité à développer des moyens de communication adéquats et

performants.

Le métier même d’ingénieur en formation, même s’il n’existe pas en

tant que tel dans les Structures d’Insertion par l’Activité Economique,

se présente comme une fonction émergente qui a encore de beaux

jours devant elle. Il paraît en effet difficile d’envisager que l’ensemble

des sphères pédagogique, financière, politique et de conseil qui

composent le champ de l’ingénierie de formation, puissent

spontanément s’articuler dans un tout cohérent, efficace et pertinent

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qui permette à l’individu seul de pouvoir gérer son parcours de

formation. Ceci tient à plusieurs facteurs :

- La complexité due à l’enchevêtrement et aux maillages des

dispositifs.

- L’évolution régulière du fonctionnement de ces dispositifs et du cadre

règlementaire.

- L’acte de création et d’innovation que présuppose tout projet

formation et qui ne peut se reproduire à l’identique.

L’ingénieur en formation ne peut être un spécialiste mais un

généraliste qui a vocation à naviguer entre différentes étapes du

processus de formation, différentes sphères et différents niveaux

décisionnels.

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CONCLUSION

Les politiques de l’emploi tentent encore aujourd’hui de trouver un

juste équilibre dans les causes réelles du chômage et éviter ainsi

d’administrer la formation comme un remède systématique, prescrit

au terme d’un diagnostic plus ou moins long élaboré par une

multitude de praticiens de l’insertion professionnelle qui ne font

parfois que juxtaposer des avis qui s’additionnent en toute

imperméabilité jusqu’à ce qu’une opportunité institutionnelle tranche

en faveur de l’un ou de l’autre.

Ces trente dernières années ont vu émerger une vague de mesures sur

lesquelles a pu surfer « l’individualisation » des méthodes de suivi et

de formation appliquées au traitement du chômage. Il n’est cependant

plus évident que nous tenions encore pour légitime de donner la

faveur aux caractéristiques individuelles et psychologiques des

chômeurs pour expliquer leurs difficultés d’insertion, passant comme

le soulignaient Elizabeth Dugué et Dominique Maillard « d’une

analyse du chômage à une analyse des chômeurs ».1

Il semble qu’une voie médiane ait encore peine à se dessiner et à

restituer à la formation le rôle qui lui appartient. Encore trop souvent

un pis-aller pour demandeurs d’emploi en mal d’activité et de fait en

                                                            1 In MARTIN Bernard(1993), L’emploi par la formation, les populations en grande difficulté, Lyon, Ed. Chronique Sociale, 145P.

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mal des ressources subséquentes qu’elles soient d’ordre financières,

sociales, ou professionnelles.

L’individualisation pour ne pas dire la personnalisation voire la

personnification des parcours formation et professionnel trouve un

écho de plus en plus massif dans les stratégies développées par

nombre d’entreprises dont les structures d’insertion ne sont pas

exemptes. Tout le monde y trouve son compte dans la mesure où cela

permet de répondre à un double enjeu : de productivité et de

performanc, d’accès à la qualification et/ou d’insertion professionnelle

et de cohésion sociale. Cependant, cela pose la question des limites de

cette individualisation qui, une fois poussée à son extrême risque de

faire émerger un certain nombre de « dommages collatéraux » et

d’ouvrir le débat sur les possibilités de sa réversibilité et sur les

nouvelles voies de gestion de projet individuel et collectif.

Pour qu’un parcours professionnel qui s’achemine vers une entrée en

formation porte les germes de la réussite, aussi bien dans l’action

éducative que dans l’accès à l’emploi qui devrait s’en suivre, il

faudrait que les organismes de suivi et d’orientation par lesquels

soient passés la personne soient aussi en mesure de garantir qu’ils

maîtrisent aussi bien le(s) bilans psychologique(s), la connaissance du

marché du travail, les outils et modes de communication entre les

acteurs au sein des dispositifs, le fonctionnement des relations

partenariales en amont et en aval de l’action. Ceci apparaît illusoire.

On crée ainsi parfois l’inverse de ce qui est recherché puisque la

personne en insertion, démunie face à la démultiplication des

interventions et intervenants sans liens apparents les uns avec les

autres, verra ses efforts réduits, tel Sisyphe, à un éternel

recommencement. Les bénéfices de l’action de formation peuvent se

retrouver noyés sous le flot des problématiques individuelles qui

peuvent alors ressurgir.

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Ainsi, le projet de formation qui s’inscrit entre projet professionnel et

projet de vie, constitue t-il le prétexte initial à l’émergence d’une

démarche d’ingénierie de formation. Il a pour objet de rompre la

dynamique de parcours qui emprunte régulièrement les voies de la

désinsertion et de prévenir, si ce n’est, d’enrayer les facteurs

d’inadaptation. La place du projet dans la démarche d’ingénierie de

formation pour des personnes en insertion pourrait se présenter

comme l’occasion de réaliser et poser un acte qui relève, comme le

suggère J.P Boutinet1, de « l’inédit », et conjurer le sort de trajectoires

professionnelles qui se présentent bien souvent comme des fatalités.

Cependant, nous constatons que conjurer le sort relève d’un défi qui

demande force et persévérance car, paradoxalement, le propre de

l’inédit est de se nourrir insidieusement des expériences de la vie

passée. L’anticipation d’un futur ainsi idéalisé prend sa source dans un

vécu teinté parfois d’échecs et de désillusions qui martèlent les projets

à venir d’un refrain qu’il s’avère difficile d’assourdir tant il s’est

inscrit dans les partitions comme une donnée consubstantielle. A

l’instar de J.P Boutinet nous considérons que le projet alimente

beaucoup d’espoirs, souvent déchus dans sa conception originelle car

trop rarement il n’aboutit pas tel qu’initialement prévu. Il n’en

constitue pas moins une ligne directrice qui oriente l’individu vers un

ailleurs, le rassure par la présence des balises qui le jalonnent et lui

donnent, un tant soit peu, l’impression de maîtriser son destin.

Finalement, ce qui importe et modifie une trajectoire réside souvent

moins dans l’aboutissement du projet que dans sa mise en œuvre. Le

fait même de l’avoir envisagé comme un possible jusque là

inenvisageable, peut suffire en soi à générer une nouvelle posture et

induire des comportements offensifs plus que défensifs, innovants

plus que routiniers et instinctifs, actifs plus que passifs.

Dans tous les cas, le projet formatif des personnes en insertion se

caractérise par sa précarité et sa fragilité. Celui –ci s’érige comme une

                                                            1 BOUTINET Jean Pierre (1990), Anthropologie du Projet, Paris, PUF, 297p.

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épée de Damoclès qui vacille face à la complexité de maintenir le cap

à chacune des étapes de l’ingénierie de formation.

Ainsi, un élément fondamental s’impose en ingénierie de la

formation : la non prédictibilité des conséquences de l’agencement de

paramètres prévus pour optimiser les chances de réussite. La

malléabilité et l’imprévisibilité du facteur humain, du fait de sa

capacité de réappropriation des transformations qui surviennent à

chaque nouvelle étape du processus, le rendent alors aléatoire.

L’ingénierie de formation ouvre désormais son champ de compétence

car elle œuvre de plus en plus à résoudre les problèmes posés par la

dislocation de trajectoires sociales et professionnelles empreintes de

ruptures et de réaménagements.

L’ingénierie de formation, en tant que démarche, participe à un

assemblage complexe de composants pédagogiques, politiques,

institutionnels et financiers. On peut donc parler d’ingénieries de

formations comme analyse des pratiques inconditionnelles qui

gouvernent les actions de formation. Pour autant, quoiqu’il arrive,

l’ingénierie de formation construite pour la transformation de la

personne est également construite par elle à travers la signification

qu’elle lui en donne et les ressources dont elle dispose.

L’ingénierie de formation agit, pour reprendre l’expression consacré

par Pierre Bourdieu1 à l’habitus, comme une démarche « structurée et

structurante ». Structurée parce qu’elle procède par étapes successives

mais non causalement déterminées et inflexibles. Structurante parce

qu’à l’occasion de chacune de ses étapes, les acteurs du projet (et

principalement l’acteur principal qu’est l’apprenant), entre dans une

démarche réflexive qui leur permet de s’approprier et d’inscrire l’acte

formatif comme vecteur d’une transformation à venir et d’une re-

modélisation du projet de vie.

                                                            1 BOURDIEU Pierre (1980), Le sens pratique, Paris, Edition de Minuit, Coll. « Documents », 475p.

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D’autre part, nous voyons comment, tout au long de notre étude,

s’insinue un non-dit qui touche à une notion relativement ambigüe

dans le secteur de l’Insertion par l’Activité Economique, celle de la

qualité. Elle n’est jamais évoquée par les professionnels du secteur

très peu familiarisés avec les normes, critères et référentiels parce que,

plus que dans d’autres secteurs, les pratiques et les résultats doivent en

permanence se soumettre aux aléas d’une nature humaine qui

s’impose par son imprévisibilité et échappe aux traditionnels outils

d’évaluation.

Pour autant, nous constatons que, au-delà du fait qu’elle ne soit jamais

évoquée, la qualité est bien sous tendue dans chacun des propos des

professionnels rencontrés et est éminemment liée à la question de

l’ingénierie de formation au moins sur 3 axes :

1- Le professionnalisme des opérateurs à deux niveaux:

- Les acteurs en interne pour qui il n’existe pas de cadre de référence

qui soit spécifique au champ de la formation même si des métiers

comme ceux de Conseiller en Insertion Professionnelle et Educateur

Technique Spécialisé font l’objet de certification. Ils rentrent alors

bien souvent en contact, collision ou complémentarité avec : les

acteurs externes dont c’est le cœur de métier et qui ont l’habitude

d’être régulièrement soumis à évaluation.

Cependant, la question de la professionnalisation des acteurs de

l’ingénierie de formation dans le secteur de l’IAE semble un thème en

pleine émergence. En témoigne le développement des actions de

formation spécifiques à destination des CIP ou des actions de

responsable de formation qui intègrent dans leur cursus des modules

liés à l’insertion professionnelle des publics éloignés de l’emploi.

2- La maîtrise et l’assurance de la qualité du produit de formation ou

d’accompagnement et de conseil.

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Outre les formations qui donnent lieu à une certification, la question

de la qualité se pose plus précisément pour les deux cas de figure

suivant :

- L’apprentissage en situation de travail, dont la validité des acquis ne

vaut pour l’instant que dans le contexte professionnel dans lequel elle

s’acquière. Certaines SIAE rencontrées tendent à rendre visible et

opérationnels ces acquis en se constituant centre de formation et en

réalisant des référentiels certifiés.

- Les actions de formation dispensées par des centres de formation mais

qui échappent à la certification telle que les savoirs de base et

l’enseignement du français langue étrangère. Les labels répondent, de

plus en plus à ce besoin.1

3-La garantie du transfert des acquis dans le milieu professionnel. On

ne peut actuellement que difficilement prétendre que l’insertion

professionnelle des salariés ayant suivi une formation qualifiante

résulte uniquement de la bonne adéquation des compétences acquises

dans le cadre de la formation au secteur professionnel visé.

Ainsi se situe le rôle en devenir permanent joué par le conseiller de

formation. Il doit d’autant plus manier et remanier sa posture et son

identité professionnelle qu’il participe à l’élaboration de projets qui

prennent forme sur des socles mouvants. Il doit alors se repositionner

au gré des diverses interactions qu’il entretient avec les multiples

acteurs de l’action. Il doit en permanence s’insinuer avec conviction et

délicatesse, détermination et diplomatie, créativité et rigorisme dans

les logiques de chacun et prendre ainsi parfois des chemins de

traverses pour mieux servir l’objet de départ.

                                                            1 Le Label GRETA Plus par exemple ou le Label Français Langue d’Intégration qui impose que les formateurs possèdent la qualification requise, à savoir, le master ou le DU Français Langue d’Intégration.

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Enfin, nous souhaitons souligner que notre étude ne se veut en aucun

cas exhaustive du fait de la concision dont nous devons faire preuve

pour relater des résultats de recherche qui nécessiteraient d’être

retranscrits bien plus en détail compte tenu de la somme des

informations recueillies. Nous avons donc du synthétiser les éléments

qui nous ont parus les plus fondamentaux et qui pourraient servir de

trame à l’exposé d’une recherche qui aurait la volonté d’approfondir

cette thématique qui, aujourd’hui encore, reste cantonnée à des

domaines relativement cloisonnés tel que d’un côté celui de

l’accompagnement-conseil-orientation, de l’autre celui de l’insertion

professionnelle et, entre deux, celui de la formation des bas niveaux

de qualification. L’ingénierie de formation apparaît, cependant,

comme le fil conducteur qui permet d’unifier ces trois axes, mais

comme il s’agit d’une conception émergente de cette démarche, il

semblerait que nous ayons à le démontrer !

 

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109  

ANNEXES

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ANNEXE 1  

CONSEIL D’ADMINISTRATION 

 

 

SERVICE ADMINISTRATIF SERVICE COMPTABILITE

ADJOINTE A LA DAF

DIRECTRICE ADMINISTRATIVE ET 

FINANCIERE 

SIEGE SOCIAL 

DIRECTEUR GENERAL 

ATTACHEE DE DIRECTION 

 

 

DIRECTEUR  DES 

RESSOURCES HUMAINES 

POLE HEBERGEMENT SOCIAL POLE INSERTION PAR L’ACTIVITE ECONOMIQUE 

POLE SOINS ET AIDE A DOMICILE 

DIRECTEUR 

ETABLISSEMENT 

NIORT 

DIRECTEURS 

ETABLISSEMENT LA 

ROCHELLE 

DIRECTEUR 

CADA (1) DIRECTEUR IAE  DIRECTEURS

CHEFS DE SERVICE CHEF DE SERVICE CHEFS DE SERVICE

COORDINATRICES 

SOCIALES 

INFIRMIERS 

COORDINATEURS

CHRS (2)  ACCUEIL                CADA

VEILLE SOCIALE (3)    DOMICILIATION 

SERVICES DE SUITE (4)  RESO(5) 

2 CHANTIERS D’INSERTION

1 ENTREPRISE D’INSERTION 

1 CHANTIER D’ADAPATATION A LA VIE ACTIVE 

EHPAD (6)

SPASSAD (7) 

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EXPLICATIF DE L’ORGANIGRAMME DE L’ASSOCIATION

 

(1) CADA : Centre d’accueil pour demandeurs d’asile

(2) CHRS : centre d’hébergement et de réinsertion sociale

(3) Veille sociale : service qui comprend un accueil de nuit, un accueil de jour, une équipe mobile, un dispositif hivernal, le 115, un service de stabilisation et un accueil temporaire.

(4) Le service de suite comprend : une maison relais, le service social d’aide au logement, les logements d’extrême urgence, LHSS (lit halte soin santé).

(5) RESO : Réseau d’écoute sociale et d’orientation.

(6) EHPAD : établissement pour personnes âgées dépendantes

(7) SPASSAD : Hospitalisation à domicile, Centre de soins, Equipe mobile Alzheimer, Accueil de jour Alzheimer, Service prestataire et mandataire d’aide à domicile, service de soin infirmier à domicile.

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 ANNEXE 2

SSEERRVVIICCEE DD’’IINNSSEERRTTIIOONN PPAARR LL’’AACCTTIIVVIITTEE  EECCOONNOOMMIIQQUUEE

Centre d’Adaptation à la vie Active (CAVA) : 35 postes à 20 heures hebdomadaires réalisées dans le cadre d’une admission de 6 mois 

renouvelable en contrepartie d’une rétribution. 

CCHHAANNTTIIEERR  DD’’IINNSSEERRTTIIOONN‐ Ateliers 

13 postes 

Contrat Unique d’Insertion (CUI‐CAE) 

24 Heures hebdomadaires 

2 ans

Petits travaux de menuiserie

Remise en état de palettes 

Second Œuvre 

Cartonnage 

Espaces verts  Projet  d’extension 

 

 

Structure 

 

Nature des contrats 

 

 

Activités 

 

 

 

 

Dénomination des postes 

Ouvrier polyvalent 

Agent  d’entretien  des  espaces verts 

EENNTTRREEPPRRIISSEE  DD’’IINNSSEERRTTIIOONN  

14 postes 

CCHHAANNTTIIEERR  DD’’IINNSSEERRTTIIOONN  

15 postes 

Contrat Unique d’Insertion (CUI‐CAE) 

24 Heures hebdomadaires 

2 ans 

Contrat à Durée Indéterminée d’Insertion(CDDI) 

35 heures hebdomadaires 

2 ans

Nettoyage industriel

Laverie linge plat 

Projet de 8 postes supplémentaires en 2013 

4  postes supplémentaires en 2012 

Projet  

Préparations chaudes

Préparations froides 

Allotissement   Plonge 

Service en salle 

Entretien des locaux et matériel 

Agent de nettoyage

Lingère 

Agent polyvalent de restauration 

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     ANNEXE 3      OORRGGAANNIISSAATTIIOONN  DDEESS  AACCTTIIOONNSS  DDEE  FFOORRMMAATTIIOONNSS  

STATUT DE LA PERSONNE PRIS EN CONSIDERATION

ACTIONS D’EVALUATION

TEMPS DE REALISATION

ACTIONS DE FORMATION

FINANCEMENTS

 

 

SALARIE 

BCA(1) POPS(2)

IMMERSION ENTREPRISE

PVF(3)

EVALUATION INTERNE

SAS(4)

POPS

PVF

POPS

Formation d’adaptation au poste ( Normes HACCP)

Formations qualifiante s en alternance

Compétences clés

DILF/DELF(6)

VAE(7) Préparation concours

DAEU(8)

SPRF(14)

CIF CDD

Pôle Emploi

Entreprises

Conseil Général

OPCA : FPSPP(9), Fonds d’intervention.

Conseil Régional

PLIE(10) CUCS(11)

AGEFIPH(12) OFII(13)

Financement personnel

Contrat de professionnalisation

Formations qualifiantes SPRF

VAE DAEU

 

HORS CONTRAT DE TRAVAIL

 

 

SUR LA DUREE DU CONTRAT

AFPR/POE(5)

SAS

 

 

 

DEMANDEUR D’EMPLOI 

BENEFICIAIRES DU RSA SOCLE 

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EXPLICATIF DE L’ ORGANISATION DES ACTIONS DE

FORMATION

(1) BCA : Bilan de compétences approfondi

(2) POPS : Prestation d’orientation professionnelle personnalisée,

dispositif pôle emploi.

(3) PVF : Plateforme des vocations, dispositif de tests d’habiletés de pôle

emploi préalable à un recrutement.

(4) SAS : Période préparatoire à une entrée en formation qualifiante.

(5) AFPR/POE : Actions de Formation Préalable au Recrutement,

Préparation Opérationnelle à l’Emploi, dispositif Pôle Emploi.

(6) DILF/DELF : Diplôme Initial en Langue Française, Diplôme

Elémentaire en Langue Française.

(7) VAE : Validation des Acquis de l’Expérience.

(8) DAEU : Diplôme d’Accès aux Etudes Universitaires

(9) FPSPP : Fonds De Sécurisation Des Parcours Professionnels.

(10) PLIE : Programme Local d’Initiative Economique

(11) CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale

(12) AGFIPH : Association nationale pour la Gestion du Fonds

d'Insertion Professionnelle des Handicapés.

(13) OFII : Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.

(14) SPRF : Service Public régional de la Formation Professionnelle

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 ANNEXE 4

LLOOGGIIQQUUEE DDEE MMOOBBIILLIISSAATTIIOONN DDEESS FFOONNDDSS PPUUBBLLIICCSS PPAARR OORRDDRREE DDEE PPRRIIOORRIITTEE

CONSEIL GENERAL 

PLIE 

Autofinancement 

ACTIONS FINANCEES PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX

(OPCA ET OPACIF)

CCooffiinnaanncceemmeenntt 

PREPARATION OPERATIONNELLE A L’EMPLOI / ACTION DE FORMATION PREALABLE AU RECRUTEMENT

(POLE EMPLOI)

PROGRAMME REGIONAL DE FORMATION DE LA REGION (SPRF)

PROGRAMME COMPETENCES CLES

Financement unique 

MARCHES DE POLE EMPLOI

AFC (marchés subséquents)

AIF (Action individuelle de formation Pôle Emploi)

ARIF (Action régionale individuelle de formation)

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PPRROOJJEETT 

FFOORRMMAATTIIOONN  

BBiillaann ccoo‐‐rrééaalliisséé  ::   

Salarié 

Encadrant Technique 

Conseillère en Insertion Professionnelle 

Partenaires extérieurs 

  

Identité image de soi/représentations de soi en tant qu’agent économique et social 

Valeurs/ Attitudes/Motivations 

 

Potentiels/aptitudes 

 

compétence/expérience 

 

Certifications /Diplômes/ Qualifications 

Situation socio‐économique : 

Réseaux sociaux 

Situation professionnelle 

Hébergement/santé/mobilité/ Situation familiale. 

ANNEXE 5 

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 ANNEXE 

 

 

 

   

Capacité des dispositifs formation de répondre à des besoins spécifiques. 

Freins psycho‐sociaux

Attitudes et 

comportements 

Détermine le besoin de formation EEVVAALLUUAATTIIOONN 

Faite par des spécialistes (psychologue du travail, formateur, professionnel, travailleurs 

sociaux) 

Faite par des généralistes (conseiller en formation et orientation professionnelle) 

Auto‐évaluation 

Détermine les pré‐requis et/ou pré‐acquis indispensables pour satisfaire ce besoin

Mesure des écarts

‐ Niveau de 

qualification 

 

‐ Compétences 

professionnelles 

effectives 

Détermine les moyens les plus adéquats pour répondre à ce besoin 

Potentiel

- Capacité d’apprentissage 

- Capacités professionnelles : 

Savoirs et savoir faire 

Capacités

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LETTRE DE MISSION ENTRE L’ASSOCIATION ESCALE ET MELANIE THROMAS

Dans le cadre du stage que Melle Mélanie Thromas réalisera au sein de l’Association Escale,

il est entendu que la mission qui lui sera confiée se déclinera comme suit :

Finalités : mise en œuvre d’une démarche de professionnalisation de salariés embauchés au

sein d’une entreprise d’insertion.

Objectifs : 1- Analyser et identifier la demande

2-Mettre en place des outils d’évaluation individuelle préalable au montage du

projet formation

3- Déterminer les ressources mobilisables pour la réalisation du projet

4- Evaluer les facteurs possibles des risques d’échec

Le contexte de l’intervention.

La mission se déroulera au sein du Service d’Insertion par l’Activité Economique de

l’Association Escale. Ce service envisage la création d’une entreprise d’insertion plus

spécifiquement orienté vers la réalisation d’aménagement des espaces verts et de travaux

paysagers. Compte tenu des missions d’insertion professionnelle dévolu à ce type de

structure, elle souhaite que, dés le départ, le projet soit structuré autour de l’acquisition, par

les salariés, de compétences propres au secteur professionnel. Ces compétences doivent

pouvoir faire l’objet d’une validation, notamment par le biais de l’obtention d’un

diplôme/qualification.

Il est attendu que la démarche spécifique d’ingénierie de formation qui sera proposée

puisse, si elle est concluante, permettre un essaimage à l’ensemble des structures du service

d’insertion par l’activité économique à savoir : deux chantiers d’insertion de 13 postes chacun

et une entreprise d’insertion de 10 postes. En effet, l’étude sera réalisée à titre expérimental

sur un échantillon restreint de personnes (4 postes) afin de faciliter les conditions de sa

réalisation compte tenu du temps imparti. Nous partons du principe que, outre les supports

d’activités qui diffèreront par la suite, la démarche lié au montage du projet pourra aisément

être transférée à un cadre institutionnel invariant.

1  

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2  

La réalisation

Mélanie Thromas assurera l’animation et le pilotage de l’étude. Elle devra/pourra

s’appuyer pour ce faire sur les acteurs suivants :

-La Direction du Service d’Insertion par l’Activité Economique de laquelle émane la

responsabilité de la création de la nouvelle structure et son portage au niveau

institutionnel et politique.

-L’équipe encadrante qui assure pour partie l’évaluation des salariés et le

développement de leurs compétences.

-Les salariés et futurs salariés vers qui est orientée l’action.

- Les partenaires externes qui assurent des prestations de formation et

d’accompagnement.

- Les financeurs

- Les agents économiques qui relèvent du secteur d’activité concerné.

D’autre part, elle pourra accéder à l’ensemble des informations existantes,

principalement écrites, et réaliser des entretiens individuels ou collectifs de collecte

d’information auprès des différents opérateurs dont elle jugera l’avis pertinent.

Toutes ces informations seront traitées dans la plus grande confidentialité et leur

restitution garantira l’anonymat des personnes.

A l’issue de la mission qui se déroulera sur 14 semaines soit du 2 janvier au 6 avril

2012, un rapport écrit sera présenté à la Direction du Service ainsi qu’à l’ensemble de

l’équipe encadrante.